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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Wilbert Coffin a-t-il tué les trois Américains?

Reconnu coupable de meurtre, il est pendu en 1956

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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2025-07-05T04:00:00Z
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Wilbert Coffin a-t-il tué trois Américains en 1954 ou était-il au mauvais endroit au mauvais moment? L’une des plus célèbres affaires judiciaires du 20e siècle au pays divise encore.

La disparition de trois chasseurs américains en Gaspésie en juin 1953 est la première pièce d’un casse-tête judiciaire qui occupera le Québec pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies car encore aujourd’hui les descendants du condamné à mort continuent de clamer son innocence.

Cette chemise était portée par Richard Lindsay, retrouvé mort en 1953. On voit trois impacts de balle et des traces de poudre de fusil. Photo Sûreté du Québec
Cette chemise était portée par Richard Lindsay, retrouvé mort en 1953. On voit trois impacts de balle et des traces de poudre de fusil. Photo Sûreté du Québec SQ

C’est le 5 juillet de cette année-là que le père de Frederic Claar appelle de Pennsylvanie pour signaler la disparition de son fils venu chasser en Gaspésie avec Eugene Lindsay et son fils Richard un mois plus tôt. Une battue organisée dans les jours suivants mène à la découverte de trois corps en état de décomposition et à moitié dévorés par les ours.

Les bottes ayant appartenu à Richard Lindsay, décédé en Gaspésie en 1953. Photo LSJMLQ
Les bottes ayant appartenu à Richard Lindsay, décédé en Gaspésie en 1953. Photo LSJMLQ LSJMLQ

Chemise retrouvée sur un chasseur décédé en juin 1953. Photo LSJMLQ
Chemise retrouvée sur un chasseur décédé en juin 1953. Photo LSJMLQ LSJMLQ

Un homme du coin, Wilbert Coffin, participe aux recherches.

Dr Roussel en Gaspésie

Le médecin légiste montréalais Jean-Marie Roussel (1909-2000) est appelé sur les lieux aussitôt qu’on découvre les restes humains. Le directeur de l’Institut de médecine médico-légale doit documenter l’affaire.

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« Il réussira à déterminer l’âge et la taille approximative des individus à partir de ses analyses et il put déterminer qu’il y avait de fortes chances qu’ils s’agissent des trois Américains », relate l’historien Simon Dubé, directeur du Service à la clientèle et de la performance au Laboratoire de science judiciaire et de médecine légale du Québec, le nouveau nom de l’Institut.

Camionnette utilisée par les Américains Eugène Linsday (45 ans), son fils Richard Lindsay (17 ans) et Frederick Claar (19 ans), lors de leur voyage de chasse fatal en Gaspésie, en juillet 1953. Photo Sûreté du Québec
Camionnette utilisée par les Américains Eugène Linsday (45 ans), son fils Richard Lindsay (17 ans) et Frederick Claar (19 ans), lors de leur voyage de chasse fatal en Gaspésie, en juillet 1953. Photo Sûreté du Québec SQ

L’analyse des vêtements retrouvés sur la scène permettra de confirmer que les victimes ont été tuées par balle, « car des trous semblables à ceux de projectiles ont été décelés sur les vêtements ».

Les photos des pièces à conviction, conservées aux archives du laboratoire, montrent clairement les traces de balle.

Le Dr Jean-Marie Roussel, médecin-légiste, en 1960, Archives nationales à Montréal, Photo Gabriel Desmarais
Le Dr Jean-Marie Roussel, médecin-légiste, en 1960, Archives nationales à Montréal, Photo Gabriel Desmarais BANQ

Pendu à Bordeaux

Mais qui a tué les trois hommes?

Les enquêteurs concentreront leur attention sur le prospecteur Coffin qui est le suspect numéro un. Non seulement a-t-il côtoyé les Américains en Gaspésie, il est le dernier à les avoir vu vivants. De plus, il s’est retrouvé avec des dollars américains et a laissé des traces tout le long de son parcours après la date approximative de l’assassinat (10 juin). Et on sait que Coffin était endetté, ce qui a alimenté les soupçons sur le mobile. 

Mais ces preuves sont minces. On n’a jamais retrouvé l’arme du crime et aucun témoin n’a pu confirmer le ou les meurtres.

C’est au terme d’un procès rapidement bâclé que le prospecteur est reconnu coupable et sera pendu en 1956 à la prison de Bordeaux.

Le journaliste Jacques Hébert publie en 1963 J’accuse les assassins de Coffin, qui expose les multiples failles dans la procédure judiciaire. Une commission d’enquête tentera de faire la lumière sur cette histoire en 1964. Mais les conclusions du juge Roger Brossard ne mettront pas un point final aux débats.

Une commission d'enquête sur la culpabilité de Wilbert Coffin est mise sur pied en 1964 mais elle ne mettra pas un terme à la controverse. Capture d'écran
Une commission d'enquête sur la culpabilité de Wilbert Coffin est mise sur pied en 1964 mais elle ne mettra pas un terme à la controverse. Capture d'écran BANQ

Encore aujourd’hui, la nièce de Wilbert Coffin, Judith Reader, soutient que son « oncle Bill » était innocent. D’autres descendants aimeraient que ce procès soit qualifié d’erreur judiciaire.

Pierre angulaire des débats sur la peine de mort, la pendaison de Coffin mènera à son abolition par le gouvernement fédéral en 1976.

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