Washington critique Israël sur la conduite de la guerre

Agence France Presse
Les frappes israéliennes sur la bande de Gaza se poursuivent tôt samedi malgré les critiques de Washington sur la conduite de la guerre et les risques selon l’ONU d’une «catastrophe humanitaire colossale» dans la ville densément peuplée de Rafah.
Tôt samedi, des équipes de l’AFP ont fait état de frappes dans différents secteurs de Gaza après la diffusion d’un rapport du département d’État sur la situation dans ce territoire au cœur d’une guerre qui s’étire désormais sur plus de sept mois.
Les États-Unis jugent «raisonnable d’estimer» qu’Israël a violé le droit humanitaire international à Gaza sans pouvoir toutefois le conclure de manière définitive, et continueront à livrer des armes à ce pays, selon un rapport du département d’État.
En parallèle, une majorité écrasante de l’Assemblée générale de l’ONU a jugé que les Palestiniens méritaient d’être membres à part entière de l’organisation, leur octroyant quelques droits supplémentaires à défaut d’une véritable adhésion bloquée par les États-Unis, premier allié d’Israël malgré ses récentes critiques.
Ce vote symbolique, salué par l’Autorité palestinienne, a provoqué la colère d’Israël. «La violence paie», a estimé son chef de la diplomatie, Israël Katz, pour qui l’ONU récompense le Hamas pour son attaque du 7 octobre.
«Sans délai»
Des pourparlers indirects visant à arracher une trêve et à éviter une offensive majeure à Rafah se sont achevés jeudi au Caire, sans parvenir à un accord.
Afin de «vaincre» le Hamas, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou défend une opération à Rafah (sud), où se retranchent selon lui les derniers bataillons du mouvement islamiste, mais où s’entassent également d’après l’ONU 1,4 million de Palestiniens, la majorité déplacée par les violences.
Défiant les mises en garde internationales, l’armée israélienne, qui mène depuis mardi des incursions dans l’est de Rafah, a pris le contrôle du passage frontalier avec l’Égypte, verrouillant une porte d’entrée névralgique pour les convois d’aide humanitaire.
L’armée a aussi indiqué vendredi poursuivre son «opération antiterroriste de précision» dans certains secteurs de l’est de Rafah, et avoir «éliminé des cellules terroristes».
Famine
Une vaste opération à Rafah conduirait à une «catastrophe humanitaire colossale», a averti le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, ajoutant que la famine se profilait dans le territoire palestinien.
«Nous appelons les autorités israéliennes à cesser cette opération militaire sans délai et à reprendre la voie des négociations, seule voie possible pour conduire à la libération immédiate des otages et obtenir un cessez-le-feu durable», a renchéri dans la nuit la diplomatie française.
Le président américain Joe Biden a menacé de cesser certaines livraisons d’armes à Israël en cas d’offensive majeure sur cette ville située à la lisière de l’Égypte.
Les États-Unis «observent avec inquiétude» l’opération à Rafah, mais ne jugent pas qu’elle soit «majeure» à ce stade, a estimé vendredi un porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby.
Fuir Rafah
Selon l’ONU, environ 110 000 personnes ont fui depuis qu’Israël a appelé lundi la population de l’est de Rafah à évacuer.
«Quelque 30 000 personnes fuient la ville chaque jour», a indiqué le Bureau de la coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), précisant que la plupart «ont déjà dû se déplacer à cinq ou six reprises» depuis le début de la guerre.
À l’instar d’Oum Soubhi, déplacée de Gaza-ville (nord). «Au début de la guerre, nous sommes allés à Rafah, puis nous avons été déplacés plusieurs fois dans la région de Rafah à cause des menaces, des frappes et de la situation effrayante et terrifiante, avant de venir à Nuseirat [centre]», a-t-elle confié à l’AFP.
Malgré la réouverture mercredi du passage de Kerem Shalom, voisin de Rafah, fermé par Israël pendant trois jours après des tirs de roquettes du Hamas, l’acheminement de l’aide reste «extrêmement difficile», a affirmé à l’AFP Andrea De Domenico, chef du bureau de l’OCHA dans les territoires palestiniens.
Vendredi soir, le COGAT, organe du ministère israélien de la Défense supervisant les affaires civiles dans les Territoires palestiniens, a néanmoins annoncé «le transfert de 200 000 litres de carburant à des organisations internationales» via Kerem Shalom.
Toujours «possible»
La guerre a éclaté le 7 octobre lorsque des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque inédite contre Israël, faisant alors plus de 1170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l’armée.
En riposte, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, et lancé une offensive ayant fait jusqu’à présent 34 943 morts, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.
L’Égypte a exhorté vendredi le Hamas et Israël à faire preuve de «flexibilité» alors que les efforts des médiateurs «se poursuivent» en vue d’une trêve, malgré le départ du Caire des délégations des deux belligérants, selon le média Al Qahera News.
Pour le Hamas, le «rejet par Israël» de cette proposition ramène les négociations «à la case départ».
Lundi, il avait donné son feu vert à un accord en trois phases de 42 jours chacune selon lui, incluant un retrait israélien de Gaza ainsi qu’un échange d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens, en vue d’un «cessez-le-feu permanent».
Or, Israël s’oppose à un cessez-le-feu définitif tant que le Hamas, qu’il considère comme une organisation terroriste, ne sera pas vaincu.