Voyager rend humble


Joseph Facal
Je vous retrouve, cher lecteur, avec un plaisir renouvelé après deux petites semaines de vacances.
J’étais en Galice, dans le nord-ouest de l’Espagne.
C’est une région plus verte, plus maritime, moins chaude, infiniment moins touristique que l’Andalousie ou la Catalogne.
En Galice, beaucoup de touristes, si on peut les appeler ainsi, sont des randonneurs qui font le chemin de Compostelle.
Famille
Mon port d’attache était La Corogne, qui donne sur l’océan Atlantique, une ville à peine plus peuplée que Sherbrooke, assez grande pour y trouver de tout, assez petite pour pouvoir s’y relaxer, et parfaite comme point de départ pour des excursions autour.
Je suis né et j’ai grandi au bord de la mer, et j’en ai périodiquement besoin.
Et puis la plage en milieu urbain a un atout évident: une fois qu’on a enlevé le sable sur nos orteils, on a toutes les possibilités de la ville quand arrive l’heure de l’apéro.
Cette région est celle de mes ancêtres. Mon grand-père paternel y est né.
Il avait de nombreux frères et sœurs. Comme l’aîné héritait de toute la terre dans les familles d’agriculteurs, il a préféré, avec un seul de ses frères, partir en Uruguay pour y faire sa vie.
Il devait avoir autour de 18 ans. C’était vers la fin de la Première Guerre mondiale, je pense.
Nous avons retrouvé le minuscule cimetière, derrière l’église, où sont enterrés d’autres Facal.
C’est dans une paroisse nommée Oca, dans le village de Coristanco.
Ils reposent tous là. C’est très étrange de retrouver un endroit dans lequel votre nom de famille est aussi banal que Demers ou Pomerleau.
Je ne peux pas me passer des voyages. C’est mon oxygène. Croyez-moi, je mesure mon privilège.
Quand je vois quelqu’un mettre 60 000$ dans une auto qui sert à aller à l’épicerie ou pour essayer d’impressionner, je me dis que ma modeste bagnole me dégage autour de 30 000$ pour découvrir le monde.
Chacun ses choix? Si on veut, mais c’est un peu court comme réponse.
Monde
«Voyager, disait Flaubert, rend modeste. On voit mieux la place minuscule qu’on occupe dans le monde.»
Évidemment, en matière de voyages qui ouvrent l’esprit, j’exclus les tout-inclus (je n’ai rien contre), parfaits pour se relaxer, mais sans ancrage dans la culture locale.
On pourrait croire que celui qui a beaucoup voyagé devient arrogant.
C’est généralement le contraire, sauf si vous parcourez la planète en jet privé pour vous tenir dans des cercles VIP.
C’est plutôt celui qui est rarement sorti de chez lui qui juge tout à l’aune de sa vision réductrice, car il ne connaît pas autre chose.
Il pensera souvent que son mode de vie et ses idées sont les seuls possibles.
Celui qui voyage beaucoup, lui, élargit continuellement sa zone de confort, tout en découvrant que ses idées et ses habitudes ne sont qu’une possibilité parmi des tas d’autres.
Cette humilité se double d’un agrandissement intérieur.