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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Vote à haut risque en France sur le traité de libre-échange UE-Canada

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Agence France Presse

2024-03-19T15:02:17Z
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Le gouvernement français retient son souffle avant l'examen jeudi au Sénat du traité Ceta de libre-échange entre l'UE et le Canada: une inhabituelle alliance gauche-droite, sur fond de campagne pour les élections européennes et de crise agricole, menace la ratification de cet accord décrié.

• À lire aussi: L’accord de libre-échange avec l’Europe en danger

Signé fin 2016 et adopté par le Parlement européen fin 2017, le traité est appliqué provisoirement depuis, même s'il n'est toujours pas ratifié par tous les Parlements nationaux de l'Union européenne (UE).

Le Ceta, qui supprime notamment les droits de douanes sur 98% des produits échangés entre l'UE et le Canada, est fortement critiqué, notamment par des éleveurs français qui dénoncent des importations de viande à des coûts de revient bien inférieurs aux leurs et avec des méthodes moins strictes que celles auxquelles ils sont soumis.

«Je n'ai jamais vu autant de lobbying avant un vote au Sénat». Chefs d'entreprise, ambassade canadienne, syndicats agricoles, gouvernement... Des sollicitations de tous bords ont plu dans les boîtes mail des sénateurs ces derniers jours, comme l'indique un élu du Sénat, où l'opposition de droite est majoritaire.

Le camp présidentiel, déjà mis en difficulté lors du passage du traité à l'Assemblée nationale en 2019 - il y avait été adopté de justesse par 266 voix contre 213 -, est très minoritaire au Sénat.

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«Instrumentalisation»

Au Sénat, le groupe communiste est à l'origine d'un coup de poker rarissime: il a décidé d'inscrire sur son temps parlementaire non pas une de ses propositions, mais ce projet de loi du gouvernement, avec la ferme intention de le voir rejeté.

Le parti de droite Les Républicains (LR) semblent tout autant déterminés à s'y opposer.

«Ils nous faut des accords de libre-échange, mais certainement pas aux dépens de notre souveraineté notamment alimentaire», affirme le chef des sénateurs LR, Bruno Retailleau.

Face au risque de rejet, le gouvernement tente de se faire entendre. «Il ne faut pas être naïf. C'est une instrumentalisation en pleine campagne européenne», a estimé lundi le ministre français délégué au Commerce extérieur Franck Riester.

Un rejet du Sénat serait loin d'être anodin: en effet, le sort du texte pourrait être identique en deuxième lecture à l'Assemblée nationale où le camp présidentiel ne dispose pas de majorité absolue.

Or, si un Parlement national acte le rejet du traité, cela remet en cause son application provisoire à l'échelle de toute l'Europe, à condition néanmoins que le gouvernement français notifie à Bruxelles la décision de son Parlement... Ce qu'il n'est pas tenu de faire.

Actuellement, dix États membres n'ont pas terminé le processus de ratification et un seul l'a rejeté: il s'agit de Chypre. Mais le gouvernement chypriote n'a jamais notifié ce rejet, ce qui permet à l'accord de continuer de s'appliquer.

Exportations en hausse

Si le gouvernement reste encore muet sur ses intentions potentielles en cas de rejet au Sénat, il prend le dossier très au sérieux: «Il faut faire attention à ne pas envoyer un message négatif sur un accord qui produit des effets bénéfiques», glisse-t-on de source gouvernementale.

Paris s'appuie notamment sur les chiffres des exportations vers le Canada, en hausse de 33% entre 2017 et 2023 à 4,2 milliards d'euros (contre 35% d'augmentation des importations), et sur l'excédent commercial des filières agricoles et agroalimentaires françaises, multiplié par trois sur cette période. Les secteurs viticole et laitier sont notamment cités parmi les grands gagnants du Ceta.

«Les Républicains vont voter comme un seul homme avec les communistes et les écolos... C'est une honte. C'est lunaire», s'indigne le sénateur de la majorité présidentielle, Vincent Louault.

«L'agriculture du centre du Canada est purement industrielle et s'affranchit de toutes les règles. Ce sont deux mondes opposés qui s'affrontent», rétorque le sénateur LR Laurent Duplomb, agriculteur de métier qui compte bien envoyer un «coup de semonce» à Bruxelles, déjà pris pour cible depuis plusieurs semaines par des agriculteurs du continent.

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