Voici pourquoi Sandrine Bisson refuse les sirènes du vedettariat
Samuel Pradier
Comédienne reconnue et primée, Sandrine Bisson est pourtant l’antithèse d’une vedette. Bien que ses projets se transforment généralement en succès, on la voit peu dans les émissions de télé, hormis en période de promo, et rarement dans les premières. Elle nous a raconté sa vision du métier et les raisons pour lesquelles elle l’a choisi.
• À lire aussi: Gala Québec Cinéma: découvrez les films qui dominent les nominations
Dans Vous n’êtes pas seuls, le film de Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien, qui sort le 18 octobre dans les salles, Sandrine Bisson incarne la mère du personnage principal, joué par Pier-Luc Funk. C’est une fois de plus un rôle de soutien pour la comédienne, mais elle le joue à fond et brillamment. «Mon personnage est une femme de tête, c’est elle qui est la boss de la pizzéria, mais c’est surtout une mère aimante qui s’inquiète parce que son fils veut juste travailler de nuit.»
Pour elle, c’était juste quatre jours de tournage, mais elle a soutenu le projet quasiment depuis le début, car elle s’intéresse réellement aux artisans qui font les films. «Je connais bien les deux réalisateurs, puisque j’ai participé à des courts métrages avec eux. Je connais leur univers, j’ai déjà touché à la façon dont ils tournent, à leur poésie et à l’ambition qu’ils mettent dans leurs réalisations. Ils sont extraordinaires, ils ont travaillé leurs films, ils savaient exactement où ils s’en allaient.»
• À lire aussi: Voyez Sandrine Bisson et Pier-Luc Funk jouer mère-fils dans ce nouveau film
Des choix du coeur
Quand elle doit choisir un projet, Sandrine s’attache avant tout à la lecture du scénario. Tout part de là, selon elle. «Dernièrement, j’ai fait un ménage dans mes courriels et j’ai vu tous les projets que je n’avais pas choisis. Il y en a certains que j’aurais pu faire. (rires) Mais c’est vraiment la lecture du scénario qui est le plus important pour moi. Même en lisant certains scénarios de courts métrages étudiants, je me dis que c’est bien bon et j’accepte d’y participer. Dernièrement, j’ai même fait un film en anglais, alors que je ne parle pas anglais. J’avais envie d’aller à la rencontre du réalisateur, qui est libanais. Pour moi, c’est une ouverture. Comme je ne voyage pas, c’était l’occasion de voyager dans mon pays.»
Elle aime beaucoup travailler avec les jeunes réalisateurs et, quand elle a un coup de coeur, elle sait être fidèle. «J’aime voir comment les jeunes réfléchissent, comment ils ont envie de filmer certaines scènes... Dans ces cas-là, je suis très malléable. Quand j’embarque dans un projet, je ne me mets aucune barrière. C’est ce que j’aime et c’est pour moi comme des vacances. Mon plaisir de jouer est là.»
Une protection nécessaire
Si Sandrine refuse les sirènes du vedettariat et de la popularité, c’est avant tout pour se protéger. «J’ai l’impression que si je tombe de ce côté-là, je ne pourrai plus jouer du vrai monde. Il y en a qui sont capables de naviguer entre les deux. Si je ne suis plus moi, je me dénature et je ne peux plus m’ouvrir autant. J’ai l’impression que je protège mon essence personnelle. Et ce n’est pas dans ma nature de jouer avec ça.»
Elle raconte d’ailleurs que quand son beau-frère lui dit qu’on la voit partout, elle n’aime pas ça. «J’aime travailler, mais je ne fais pas tant de projets que ça. Je suis présente quand les films sortent, mais je ne fais pas beaucoup de talkshows, je trouve ça trop dangereux. Il y a toujours des gens qui ne nous aiment pas, et mon rapport avec les réseaux sociaux est difficile. Je n’ai pas la coquille assez épaisse.» Être comédienne est une façon pour elle de sortir de sa propre vie. «C’est dans ma nature de m’imaginer des choses, des vies, et d’être dans l’empathie avec des personnages. Ma vie personnelle va très bien. Mes émotions et mon quotidien sont très stables, mais vivre les émotions des autres, comprendre l’humain, j’aime assez ça. C’est plus fort que moi. Je me rends compte que, lorsque ça fait longtemps que je n’ai pas tourné, je lis un livre et je m’amuse à incarner le personnage du livre. Ça me fait du bien, je m’imagine plein de choses sur sa vie... c’est plus fort que moi.»
Un jeu personnel
Comédienne primée, Sandrine Bisson a une façon très personnelle d’incarner ses personnages, loin de la méthode Actors Studio. «Je ne mets jamais de ma vie à moi dans mes personnages. Je me raccroche beaucoup au texte et, souvent, je vais voler des intonations, des mimiques, des regards à d’autres personnes. Lorsque j’ai tourné Marguerite avec Béatrice Picard, je la regardais dans les yeux, et c’était fini. J’étais avec elle, je passais à travers son histoire en la regardant. Je passe beaucoup par l’imaginaire pour créer un personnage, jamais par moi. J’aime m’imaginer d’autres vies.»
D’ailleurs, en période de tournage, elle se protège le plus possible des éléments extérieurs qui pourraient la sortir de sa concentration. «C’est pour cette raison que mon chum prend tous les appels quand je suis en tournage. Je ne serais pas capable d’aller voir un proche à l’hôpital et de rejoindre le plateau après. Mon chum filtre toutes les communications, c’est lui qui fait le tri de choses qu’il peut me dire. Ma grand-mère aura bientôt 104 ans, et s’il lui arrive quelque chose, il va devoir me protéger. Je ne peux pas être à deux endroits en même temps, alors autant ne pas savoir ce qui se passe. C’est comme ça qu’on fonctionne.»
Ce n’est pas forcément facile de mettre sa vie sur pause, mais Sandrine y arrive facilement, même avec un fils ado à la maison. «On est toute une famille, et quand je ne suis pas là il ne s’en rend pas compte. Il est bien entouré et il est pris en charge. Tout est organisé, et il n’a jamais ressenti que je n’étais pas disponible. Lors du tournage de 1995, il est venu pour la première fois sur un plateau de tournage, parce que ses amis lui avaient dit que sa mère était comédienne. Mais il n’a rien vu de ce que j’ai fait. Il est aussi venu voir la pièce Moi... et l’autre le jour où François Legault était dans la salle. J’ai vu qu’il était fier de moi ce soir-là.»
En tournée cet automne
Après le succès de 1995, de Ricardo Trogi, et la sortie de Vous n’êtes pas seuls, l’automne de Sandrine Bisson va se passer au théâtre, puisqu’elle est en tournée avec la pièce Moi... et l’autre, écrite par Kim Lévesque Lizotte. «Quand j’ai été contactée pour jouer dans cette pièce, je m’étais déjà dit que j’aimerais refaire du théâtre, mais je voulais un rôle qui ne soit pas trop lourd. Ils m’ont appelée peu de temps après. J’avais aussi envie de régler mon trac, je voulais y aller par plaisir. La dernière fois que j’ai joué, c’était avant la covid, il me fallait donc un projet le fun.» Elle a d’ailleurs deux autres projets au théâtre, notamment dans Orgueil et préjugés, en mars prochain, au Théâtre Denise-Pelletier.
Sandrine Bisson joue dans le film Vous n’êtes pas seuls, de Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien, avec notamment Pier-Luc Funk, Marianne Fortier et François Papineau, qui sort dans les cinémas le 18 octobre.