Voici pourquoi les villages disparaissent au Québec

Mathieu-Robert Sauvé
Clova a échappé aux flammes qui ont brûlé des milliers de kilomètres carrés de forêt au début du mois de juin; Pascalis, en Abitibi, a eu moins de chance. Ce village a disparu en une heure et demie le 7 juillet 1944.
Il régnait à ce moment-là, à la fin de la guerre, une terrible sécheresse sur le Québec. Même si la pluie a éteint le brasier dans la nuit qui a suivi, presque tout est rasé, et le village ne sera jamais reconstruit. Les 135 familles installées dans la ville minière parviennent miraculeusement à se mettre à l’abri. Les habitants trouveront refuge dans le village voisin, Perron, ainsi qu’à Senneterre et Amos.

«Le Québec compte de nombreux villages disparus soit à cause de catastrophes naturelles, de guerres ou de choix politiques ou économiques. C’est important de se souvenir de ces témoins précieux du passé», explique en entrevue Jean-René Thuot, professeur d’histoire à l’Université du Québec à Rimouski.
Émotions vives
Avec ses étudiants destinés notamment à l’enseignement de l’histoire au secondaire, M. Thuot se déplace pour montrer les vestiges de Saint-Nil et Saint-Louis-de-Gonzague, des hameaux disparus dans les années 1960.

«Quand on arrive sur place après une longue route, le groupe est souvent très ému de voir les fondations de l’église, les vestiges de la vie quotidienne symbolisée par de vieux jouets ou de la vaisselle cassée», dit le spécialiste de l’histoire régionale qui prépare un projet de recherche sur le sujet.
Raison contre nature
On a tous en mémoire le glissement de terrain du Saguenay qui a fait disparaître une partie de Saint-Jean-Vianney le 4 mai 1971. Les 1308 habitants ont été relogés, et il ne reste plus que des ruines sur le site du secteur Shipshaw de Saguenay.

Parmi les causes de disparitions de villages et hameaux dans l’est du Québec (voir plus bas), M. Thuot souligne que les catastrophes naturelles ne sont pas les plus courantes.
«La grande majorité des fermetures de villages dans notre histoire résultent de décisions économiques ou politiques», résume-t-il.
Les villes mono-industrielles, comme Gagnon ou Murdochville, ne pouvaient pas survivre à la fermeture de la mine ou au départ de la compagnie.
En Gaspésie, la population garde en mémoire le triste souvenir du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec qui, pour économiser les infrastructures, a entraîné la fermeture de 10 villages.
«Après avoir dit aux gens de coloniser la terre, on a subitement tenu un discours inverse. Il fallait repeupler les villes et fermer les villages.»
La population ne l’a pas vu de la même façon. Des gens sont demeurés attachés à leur coin de pays et des pèlerinages se tiennent encore de nos jours pour honorer les ancêtres enterrés dans des cimetières abandonnés.
Les 5 causes de la fermeture d’un village

1. Abandon. La population constate que le site n’est pas adéquat ou ne convient plus. Exemple : Kamouraska. Pendant près d’un siècle, ce village construit trop près des côtes est périodiquement inondé. En 1791, on déplace l’église et les maisons sur un talus à près d’un kilomètre du site initial.
2. Déménagement forcé par les autorités. Le coût d’entretien des routes ou l’ennoiement d’un barrage amènent le gouvernement à imposer le déplacement des bâtiments. Le clocher qu’on pouvait voir sous l’eau du réservoir Taureau a longtemps témoigné de la fin du village de Saint-Ignace.
3. Fermeture forcée par l’entreprise. Quand ferme ou déménage la compagnie autour de laquelle le village s’est construit, les habitants doivent se résigner à partir.
4. Les catastrophes naturelles peuvent faire disparaître des villages entiers. Les changements climatiques pourraient accélérer les inondations, notamment en milieux côtiers.
5. Les guerres et conflits intérieurs ont été la cause de plusieurs disparitions de villages. À la conquête, les soldats anglais laissaient derrière eux un triste spectacle de hameaux complètement brûlés. Les villages de Pabos et Mont-Louis de Penouille portent quelques traces du passage du général Wolfe en 1758.