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L'article provient de TVA Nouvelles
Affaires

Voici pourquoi construire plus ne règlera pas la crise du logement

Photo Pierre-Paul Poulin
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Photo portrait de Sarah-Florence  Benjamin

Sarah-Florence Benjamin

2025-07-02T16:40:55Z
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Pour faire face à la crise du logement, les gouvernements misent sur la construction de nouveaux logements. Cette stratégie est pourtant peu efficace pour résoudre le problème central de la crise: le manque de logements abordables, révèle une nouvelle étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

À l’échelle du pays, il faudrait construire 4,8 millions de nouveaux logements au cours de la prochaine décennie pour rétablir l’abordabilité, avance la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

La logique est simple: une construction soutenue de logements augmenterait l’offre, ce qui ferait ultimement baisser les prix et libérait des logements abordables pour les ménages les moins fortunés.

Une telle stratégie relève de la «pensée magique», affirme Hélène Bélanger, professeure au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM.

La conclusion de l’étude qu’elle cosigne avec Yaya Baumann est claire: construire massivement ne suffira pas à régler la crise du logement.

«Théorie du filtrage»

Les politiques de logement au Québec et au Canada s’appuient sur la «théorie du filtrage» et n’ont à peu près pas changé depuis l’après-guerre, explique Hélène Bélanger.

C’est quoi, au juste, la théorie du filtrage?

C’est l’idée que les logements perdent en valeur au fil du temps et deviennent accessibles aux foyers moins fortunés lorsqu’ils sont libérés par les anciens occupants qui emménagent dans des logements plus neufs ou deviennent propriétaires.

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Cette théorie ne passe toutefois pas le test de la réalité, selon la chercheuse.

Hélène Bélanger
Hélène Bélanger Photo courtoisie

«Ça parait logique que les logements vont finir par percoler, mais il existe plusieurs freins. Un de ces freins, c’est que ces nouvelles unités ne seront pas nécessairement occupées par des gens qui viennent du marché locatif», précise-t-elle.

Elle donne l’exemple d’un enfant qui déménagerait de chez ses parents pour devenir propriétaire. Son départ de la maison familiale ne libèrerait aucun logement pour les ménages moins bien nantis.

Ce serait d’ailleurs 28% des nouveaux propriétaires qui n’étaient d’abord pas locataires, selon les chiffres de la SCHL pour l’année 2024.

• À lire aussi: Bâtiments fantômes: sur la trace des immeubles abandonnés de Montréal

D’autres freins

Un autre facteur qui pourrait contribuer à la pénurie de logements abordables: la proportion de multipropriétaires.

En Ontario et en Colombie-Britannique, environ 15% des citoyens sont multipropriétaires et détiennent autour de 30% du parc immobilier. Même si de telles données n’existent pas au Québec, on peut s’imaginer que la situation est similaire, croit Hélène Bélanger.

Les nouvelles unités construites peuvent en effet être achetées par des particuliers qui ont déjà une résidence (ou plusieurs) et qui n'ont pas l'intention de remettre leur première propriété sur le marché.

Le dernier effet pervers de l’accélération de la construction résidentielle évoquée par Hélène Bélanger: l’embourgeoisement.

«Les constructions de nouvelles tours à condos un peu plus luxueuses peuvent avoir un effet attractif dans les quartiers et faire en sorte que les logements qui étaient abordables soient par la suite accaparés de façons plus ou moins frauduleuses à des fins de relocation aux loyers beaucoup plus élevés», souligne-t-elle.

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L’embourgeoisement a finalement pour effet de repousser les ménages avec un revenu modeste loin des quartiers centraux (et des services qui viennent avec, notamment le transport en commun).

• À lire aussi: Pourquoi plus personne ne veut acheter de condos neufs à Montréal

La solution doit être hors marché

Pour Hélène Bélanger, la solution est claire: «si on veut améliorer l’abordabilité, il faut agir là où on a besoin de logements, donc construire du logement pour les ménages à faibles et modestes revenus.»

Ça veut dire de construire des logements hors marché, comme des coopératives d’habitation ou financées par le gouvernement (des HLM, par exemple).

Un registre des loyers, que réclament les organismes de défense des droits de locataires depuis longtemps, parait aussi inévitable pour ralentir la vitesse à laquelle les loyers augmentent au Québec, soutient la chercheuse. Selon elle, il est illusoire de penser que le marché privé va limiter les prix, alors que sa mission est de faire du profit.

Rappelons que Montréal est la grande ville canadienne où les loyers ont le plus augmenté depuis 2019, soit une hausse de 71%, bien au-delà de celles observées à Toronto et Vancouver.

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