Voici les juges au cœur de récentes décisions controversées

Agence France-Presse
Derrière les arrêts ciselés de la Cour suprême des États-Unis, qui achève une session tumultueuse jeudi, se cachent neuf brillants juristes, tous dotés de fortes convictions.
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Clarence Thomas, à droite toute

À 74 ans dont 31 passés à la Cour, Clarence Thomas, le seul Afro-Américain du panel est le juge ayant le plus d'ancienneté.
Nommé par le président républicain George Bush en 1991, il a été confirmé malgré des accusations de harcèlement sexuel portées par une ancienne assistante lors d'audiences au Sénat retransmises à la télévision. Il a toujours nié, se disant victime d'«un lynchage high-tech».
Longtemps minoritaire au sein de la haute juridiction, cet ultraconservateur tient sa revanche depuis que le président Donald Trump a fait entrer trois juges aux vues proches des siennes. La semaine dernière, il a ainsi rédigé l'arrêt qui consacre le droit des Américains à sortir armés de leur domicile.
Solidaire de la majorité qui a annulé le droit à l'avortement vendredi, il est allé plus loin que ses confrères, en souhaitant, dans un argumentaire distinct, revoir les droits à la contraception ou au mariage homosexuel.
Très attaché aux libertés personnelles, il est hostile aux programmes de discrimination positive, dont il a pourtant bénéficié pour entrer à la prestigieuse université de Yale. Le sujet sera au menu de la Cour l'an prochain et son avis devrait peser.
Les médias américains ont révélé récemment des liens entre son épouse Ginni et des proches de Donald Trump, au moment où l'ex-président demandait à la Cour suprême d'intervenir dans sa croisade post-électorale. Clarence Thomas avait été le seul à soutenir ce recours.
Samuel Alito, le conservateur abrasif

Samuel Alito, 72 ans et en poste depuis 2006, est à peine moins conservateur que Clarence Thomas, mais beaucoup plus mordant, à la fois lors des audiences et dans ses écrits.
L'arrêt Roe v. Wade, qui garantissait le droit des Américaines à avorter depuis 1973, était «totalement infondé dès le début», «son raisonnement était exceptionnellement faible», a ainsi écrit cet ancien procureur, sans égard pour ses prédécesseurs.
Neil Gorsuch, l'iconoclaste

Tout juste arrivé à la Maison-Blanche, le républicain Donald Trump avait nommé Neil Gorsuch à la Cour suprême, vantant ses états de service conservateurs irréprochables. Voix grave et mèche sage, le magistrat de 54 ans s'est conformé aux attentes, à une exception notable près: en 2020, il a rallié le camp progressiste pour protéger les minorités sexuelles des discriminations au travail.
Il avait justifié sa position par une lecture littérale d'une loi de 1964 interdisant les discriminations «sur la base du sexe». Pour lui, il est impossible de discriminer une personne homosexuelle ou transgenre sans prendre en compte son «sexe».
En suivant le même raisonnement, ce natif du Colorado, dans l'ouest, défend systématiquement les droits des Amérindiens, appelant à respecter les traités originaux signés entre les tribus et les colons américains.
Brett Kavanaugh et la tache originelle

Brett Kavanaugh, 57 ans, est le magistrat dont la confirmation a été la plus serrée. Peu après sa nomination par Donald Trump en 2018, une ancienne camarade de lycée l'avait accusé d'agression sexuelle remontant à leur jeunesse. Il avait vigoureusement nié, mais le témoignage avait ébranlé plusieurs élus et a laissé une trace durable sur son image.
Depuis son entrée à la Cour, il vote généralement avec le bloc conservateur, mais prend généralement soin de rédiger un argumentaire personnel pour nuancer la décision.
Amy Coney Barrett, l'égérie de la droite religieuse

Suite à la mort de l'icône féministe Ruth Bader Ginsburg, Amy Coney Barrett a été confirmée tambour battant juste avant l'élection présidentielle de 2020, au grand dam des démocrates qui voulaient attendre après le scrutin.
L'arrivée de cette fervente catholique, mère de sept enfants et adepte d'une lecture conservatrice du droit, a achevé d'ancrer la haute Cour à droite. À 50 ans, celle qui dit croire «au pouvoir des prières» est devenue une égérie des milieux religieux.
John Roberts, l'arbitre dépassé

Le chef de la Cour suprême, John Roberts, 67 ans et nommé par George W. Bush en 2005, s'est un jour comparé à un «arbitre» de sport qui n'édicte pas les règles, mais les applique.
Malgré de solides vues conservatrices - il avait notamment voté contre le mariage gai - il a régulièrement joint sa voix à celle des progressistes pour protéger l'image de la Cour ou la continuité du droit.
Mais le bloc conservateur n'a désormais plus besoin de lui pour former une majorité. Vendredi, il a regretté la volte-face historique de la Cour sur l'avortement, à laquelle il n'était pas favorable.
Les trois progressistes impuissants
Le doyen de la Cour Stephen Breyer, 83 ans, prend sa retraite jeudi, et sera remplacé par Ketanji Brown Jackson, qui deviendra à 51 ans la première magistrate noire de l'histoire de la Cour.

Elle siégera à côté de deux femmes nommées par le démocrate Barack Obama: Elena Kagan, 62 ans, et Sonia Sotomayor, 68 ans, la première Hispanique à ce poste, considérée comme la plus à gauche des neuf Sages.

Sur les sujets les plus clivants, le trio féminin risque d'être régulièrement minoritaire.