Voici la preuve que Cuba n'est plus fermée aux investissements étrangers


Jacques Lanctôt
Mariel est un port de mer, à une soixantaine de kilomètres de La Havane, en direction de la province de Pinar del Rio, la province la plus occidentale de l’île.
Il y a une douzaine d’années, on a voulu faire de cette ville portuaire une sorte de zone franche à la vietnamienne, où s’installeraient des entreprises auxquelles on octroierait des conditions favorables, au plan fiscal et aussi au niveau des services — électricité, eau, carburant, main-d’œuvre spécialisée et instruite, communications, etc. — pour développer des produits de consommation dont l’île a besoin et aussi pour les exporter vers d’autres marchés. En retour, Cuba pourrait ainsi bénéficier des nouvelles technologies et du savoir-faire de ces entreprises.

On a aussi pensé en faire un port en eau profonde pouvant accueillir les immenses porte-conteneurs (Post-panamax et Super-postpanamax) qui transitent par le canal de Panama, en route vers le golfe du Mexique, les Caraïbes, la côte atlantique étatsunienne et canadienne, et aussi vers l’Europe. Mariel étant située sur cette route qu’empruntent naturellement ces cargos, ceux-ci pourraient y faire escale, le temps de décharger des marchandises et en charger d’autres produites sur place dans ce nouveau parc industriel. Grâce à ses installations ultramodernes et à son port en eau profonde, Mariel deviendrait ainsi la principale porte d’entrée et de sortie du commerce extérieur cubain. Mais, devenir ainsi une plaque tournante du commerce international n’est pas sans risque. Les narcotrafiquants ne sont jamais très loin. Aussi, la douane cubaine a renforcé ses mesures de contrôle et travaille en harmonie avec les services frontaliers des pays environnants.

On s’est donc mis à draguer le fond de la mer dans la baie de Mariel et on s’est mis en quête d’entreprises étrangères désireuses d’investir à Cuba. Le Brésil a été le premier à répondre à l’appel, en investissant plusieurs millions de dollars dans ce mégaprojet, grâce auxquels on a pu installer d’immenses grues portiques pouvant charger et décharger les porte-conteneurs. De gigantesques monstres d’acier fabriqués à Shanghai, en Chine, et transportés par bateau jusqu’à Mariel. Un véritable tour de force. On peut aujourd’hui recevoir plus de trois millions de conteneurs par année. On a aussi amélioré tout autour le réseau routier pour faciliter le transit de camions porte-conteneurs, de même que le réseau ferroviaire desservant la zone spéciale, qui sert aussi bien pour les marchandises que pour le transport du personnel.

Il y a dix ans, en novembre 2013, on inaugurait officiellement la Zone spéciale de développement de Mariel, rempli d’un bel espoir. On avait travaillé fort pendant ces deux ans à préparer le terrain, en mer comme sur terre.
Mais c’était sans compter sur l’inhumain blocus étatsunien, vestige de la guerre froide. La loi Helms-Burton, votée en 1996, interdit pendant cent quatre-vingts jours l’accès aux ports étatsuniens à tout bateau ayant accosté à Cuba dans les six mois auparavant. Les bateaux qui osent ne pas obéir à cette interdiction risquent des amendes millionnaires. Cela a de quoi refroidir les ardeurs des entreprises maritimes les mieux intentionnées.

N’empêche, aujourd’hui quelques 62 entreprises étrangères, provenant de 21 pays, dont le Mexique, le Brésil, l’Espagne, la Hollande, la Belgique, le Vietnam et l’Italie, et représentant des investissements de plus de trois milliards de dollars, se sont installées dans la zone spéciale, produisant des biens de consommation de toutes sortes, allant de l’agroalimentaire à la biotechnologie, en passant par les produits sanitaires et d’emballage, l’industrie pharmaceutique, les matériaux de construction, etc. Les entrepreneurs sont accompagnés en tout temps par un personnel attentionné afin d’alléger les tracasseries bureaucratiques douanières ou bancaires, tandis que quelque 15 000 employés bénéficient d’un régime spécial qui favorise leur stabilité et leur implantation à long terme. Une bonne partie de l’électricité est produite par des panneaux solaires et on privilégie les énergies renouvelables, dans la mesure du possible.
L’image de Cuba fermée aux investissements étrangers est bel et bien chose du passé. Rien ne sera facile, à cause en autres de l’inhumain blocus économique et commercial. Mais Cuba n’est pas seule.