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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Un avant-midi à ramasser les poubelles dégoulinantes des Montréalais avec la «maman» des éboueurs

L'incivilité sanitaire de certains Montréalais n'affecte pas son moral et elle veut continuer à former des éboueurs compétents après sa retraite.

L'éboueuse émérite Caroline Gougeon me montre comment manipuler le levier du lève-bacs.
L'éboueuse émérite Caroline Gougeon me montre comment manipuler le levier du lève-bacs. Photo Louis-Philippe Messier
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Photo portrait de Louis-Philippe  Messier

Louis-Philippe Messier

2025-05-16T23:00:00Z
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À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.


On entend souvent dire que la job d'éboueur est ingrate. Pas pour Caroline Gougeon, col bleu d'expérience, et son équipe avec qui Le Journal est allé ramasser des poubelles dégoulinantes (et des divans-lits).

Cette pimpante éboueuse montréalaise de 30 ans d'expérience forme la relève, la supervise, la chouchoute, lui remonte le moral, la console, la motive, etc.

Dans le clos de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, certains collègues la surnomment donc maman.

À la fête des Mères, Caroline Gougeon, 50 ans et éboueuse depuis l’âge de 20 ans, a reçu des cartes affectueuses de ses «enfants» les éboueurs.

Col bleu de naissance

Du sang de col bleu coule dans les veines de cette fille et petite-fille d’ouvriers pour la Ville.

«Mon père a connu l’époque où on se tenait debout dans la benne d’un camion à pelleter du sel pour l’épandre dans la rue pendant les tempêtes de neige», raconte celle qui a vu les conditions de travail s’adoucir constamment.

«Au secondaire, mon père venait me prendre à la fin des classes devant l’école avec son camion à vidanges, et je disais à tout le monde que je voulais être éboueuse à mon tour», se souvient-elle.

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En devenant col bleu dès 1995, elle a donc tenu parole.

Elle a commencé par le travail de bras, mais depuis vingt ans, c'est elle qui conduit le camion.
Elle a commencé par le travail de bras, mais depuis vingt ans, c'est elle qui conduit le camion. Photo Louis-Philippe Messier
Gratifiant

«Sur la même route de collecte depuis onze ans, je vois les enfants grandir, je reconnais les gens, et c’est réciproque, plusieurs me saluent», se réjouit celle qui semble si épanouie dans son métier qu’on en oublie facilement que c’est une fonction souvent stigmatisée.

Avec «Maman» lors de mon reportage, il y a un ébéniste de 40 ans, Étienne Bernier-Parisien, et une massothérapeute de 32 ans, Delphine Lachapelle... qui ont volontairement choisi d'exercer ce métier.

«Je ne serais pas éboueur et aussi heureux de l’être maintenant si ce n’était pas de l’ambiance que crée Caroline», me confie M. Bernier-Parisien.

«J’ai radicalement réorienté ma carrière à l’âge de 29 ans pour être dehors dans du concret et pour être en compagnie de gars qui n’ont pas la langue dans leur poche pour vaincre ma timidité», confesse Mme Lachapelle.

Lui a donc troqué le parfum du bois fraîchement coupé et elle la senteur de l’aromathérapie pour des vapeurs nauséabondes afin de se retrouver en duo derrière le camion conduit par Mme Gougeon.

Étienne Bernier-Parisien et Delphine Lachapelle ont livré en pâture ce vieux divan-lit à la bête mécanique.
Étienne Bernier-Parisien et Delphine Lachapelle ont livré en pâture ce vieux divan-lit à la bête mécanique. Photo Louis-Philippe Messier
«C’est une bonne situation, éboueur?»

Je me joins à Étienne et Delphine jeudi matin et... c’est un travail aussi difficile qu’il en a l’air.

Sacs puants dégoulinants... Encombrants qui ne devraient pas être là... Sacs surchargés éventrés...

L’incivilité sanitaire des Montréalais a de quoi dégoûter les plus optimistes... et pourtant, le moral de Maman Gougeon ne flanche pas.

«Tu vois la rue devant? Elle est pleine de talles de déchets. Et après nous, c’est propre. Il y a peu d’emplois où le résultat est aussi évident», fait-elle remarquer.

Et elle dit vrai... Pendant que je manipule le levier du compacteur à déchets derrière le camion pour écraser un divan-lit, je me dis: et si je me faisais éboueur? Au diable, le journalisme!

Pendant que je manipule le levier du compacteur à déchets derrière le camion pour écraser un divan-lit, je me dis: et si je me faisais éboueur? Au diable, le journalisme!
Pendant que je manipule le levier du compacteur à déchets derrière le camion pour écraser un divan-lit, je me dis: et si je me faisais éboueur? Au diable, le journalisme! Louis-Philippe Messier

Proche de la retraite, Mme Gougeon espère continuer de former des éboueurs pour les villes et au privé.

Delphine (à gauche), massothérapeute, Étienne (en arrière), ébéniste, sont éboueurs par choix... avec Caroline, qui exerce le métier depuis trois décennies.
Delphine (à gauche), massothérapeute, Étienne (en arrière), ébéniste, sont éboueurs par choix... avec Caroline, qui exerce le métier depuis trois décennies. Louis-Philippe Messier

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