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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Voici comment un Norvégien a importé le ski au Québec en 1879

En mars 1930, à la Big Hill de Saint-Sauveur-des-Monts, le Red Birds Ski Club présente la première course de descente au Canada.
En mars 1930, à la Big Hill de Saint-Sauveur-des-Monts, le Red Birds Ski Club présente la première course de descente au Canada. Photo de la collection du Canadien Pacifique
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2023-01-13T00:30:00Z
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Les origines du ski remontent à au moins 5000 ans. Ces lames étroites légèrement recourbées à une extrémité servaient d’outil pour le transport et, à l’occasion, pour la chasse et même pour la guerre. Quant à l’utilisation des skis dans les déplacements pour aller au travail ou pour des courses, elle est arrivée du côté des pays scandinaves, et ce, depuis des centaines d’années. 

Le ski entre au Canada au 19 e siècle grâce à l’immigration de Scandinaves. Certains arrivent au pays avec la connaissance de la pratique de ce sport.

À l’hiver 1879, un Norvégien nommé Birch fascine la population montréalaise.

Cet homme attache solidement ses deux pieds à des lames de bois, que les médias appellent à l’époque raquettes norvégiennes, et entreprend en solo une expédition périlleuse entre Montréal et Québec.

Imaginez la surprise des gens qu’il croise pendant cette longue traversée ! On n’avait jamais vu de skieurs auparavant, il était le premier au pays.

L’intention de Birch

Quelle est l’intention de Birch derrière cette grande traversée ? En fait, il veut tout simplement faire la démonstration que le ski est un excellent moyen pour se déplacer en hiver. Il faut savoir qu’à cette époque, on utilise plutôt les raquettes pour se déplacer sur la neige.

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Le 28 janvier 1879, malgré les conseils de certains qui lui suggèrent de rédiger un testament, croyant l’exploit trop risqué, le Norvégien est prêt à partir de la rue McGill à Montréal sur ses planches de bois, avec son bagage lourd d’une vingtaine de livres.

Nous ne connaissons que très peu la vie de A. Birch. On sait qu’il est un immigrant de Norvège et qu’il habite Montréal en 1879. La petite communauté norvégienne de la métropole se forme à la fin du 19e siècle. Plusieurs travaillent à la construction du tronçon ferroviaire Montréal-Portland.En 1891, à Montréal, on comptait 270 Norvégiens,157 Suédois et 112 Danois.
Nous ne connaissons que très peu la vie de A. Birch. On sait qu’il est un immigrant de Norvège et qu’il habite Montréal en 1879. La petite communauté norvégienne de la métropole se forme à la fin du 19e siècle. Plusieurs travaillent à la construction du tronçon ferroviaire Montréal-Portland.En 1891, à Montréal, on comptait 270 Norvégiens,157 Suédois et 112 Danois. Photo fournie par la BANQ

Pour atteindre son but, il choisit de suivre l’ancien chemin du Roy, du côté nord du fleuve. Il croise évidemment de nombreux villages, mais pendant la majeure partie de son périple, il traverse des régions inhabitées et doit même à de nombreuses reprises franchir des rivières aux glaces incertaines.

Finalement, notre skieur norvégien arrive à Québec sain et sauf le 6 février après dix journées d’aventure. Ce curieux personnage attire tellement l’attention que les journaux de l’époque rapportent sa prouesse nordique sur ski.

« Pour ce que nous avons vu sous les pieds de Birch, nous brisons notre plume si cela ressemble à des raquettes et en mérite le nom. [...] Figurez-vous deux lames de bois de 9 pieds de long sur 4 pouces de large, relevées aux extrémités, rien de plus. » (Le Courrier du Canada, 14 février 1879)

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Avec sa traversée Montréal-Québec, M. Birch contribue immédiatement à populariser le ski au Québec. L’histoire retiendra son exploit comme la première expédition en ski au pays.

Sur les plaines d’Abraham aussi

Avec le temps, de nombreux Montréalais vont délaisser leurs raquettes pour les skis. Dès 1904, le premier club de ski de la ville est créé par des professeurs de l’Université McGill, le Montreal Ski Club, une association de skieurs. Au début du 20e siècle, on pratique surtout le sport au parc La Fontaine ou au mont Royal.

À la même époque, le ski se pratique aussi à Québec sur les plaines d’Abraham. Bien que l’endroit soit reconnu comme un des meilleurs lieux pour la pratique du ski de randonnée, le saut à ski s’impose et gagne des adeptes.

On y construit de grands tremplins pour les sauts, comme celui qui domine la terrasse Dufferin. Véritables casse-têtes sur le plan technique, ces tremplins de bois coûtent une fortune en entretien. Il faut dire que certains citoyens sans scrupules n’hésitent pas à voler la nuit le bois des structures pour se faire du petit bois de chauffage.

La pratique du ski n’est pas sans inquiéter le clergé catholique de l’époque. Monseigneur Villeneuve ira même jusqu’à mettre en garde les skieuses contre le péril moral de pratiquer ce sport commun aux deux sexes.

Durant la Grande Dépression des années 30, Jackrabbit trace la célèbre piste Maple Leaf. Un long corridor de 128 kilomètres qui relie Shawbridge à Labelle, en passant par le mont Tremblant. Il crée à lui seul un réseau que l’on pourrait qualifier de« intervillage » dans les Laurentides.
Durant la Grande Dépression des années 30, Jackrabbit trace la célèbre piste Maple Leaf. Un long corridor de 128 kilomètres qui relie Shawbridge à Labelle, en passant par le mont Tremblant. Il crée à lui seul un réseau que l’on pourrait qualifier de« intervillage » dans les Laurentides. Photo tirée de la collection du MNBAQ de la collection Yves Beauregard/Canadian Pacific Railway

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La pratique Du ski se propage

Le chemin de fer permet aux skieurs de découvrir les montagnes de l’arrière-pays. Dès 1905, le club de ski de Montréal organise des sorties en train en direction du Club Manitou de Sainte-Agathe. À partir de cet endroit, les membres parcourent les 50 kilomètres les séparant de Shawbridge (aujourd’hui Prévost).

En 1925, l’histoire d’amour entre Herman Smith-Johanssen, celui que l’on surnommera affectueusement Jackrabbit, et les Pays d’en Haut se forge. Ce skieur parcourt les forêts qui longent la ligne du Canadien Pacifique entre Shawbridge, la vallée de la Diable et le parc de la Montagne Tremblante. Il organise le premier slalom au pays, une course reliant Montréal à Mont-Tremblant, et ce, des années avant que le richissime Joe Ryan exploite sa montagne officiellement.

Au cours de sa vie, Jackrabbit ouvre de nombreuses pistes de ski de fond, il tisse une véritable toile d’araignée entre les villages des Laurentides et contribue à la popularité du ski chez les jeunes. Graduellement, des structures d’accueil se développeront pour héberger les amoureux du ski.

Tremblant : le premier télésiège

L’entre-deux-guerres, c’est aussi l’époque où des patenteux, des sportifs plutôt débrouillards, construisent les premiers remonte-pentes. À l’époque, avec 5 cents en poche, on pouvait se rendre au sommet en prenant une remontée mécanisée. C’est à Tremblant que le premier télésiège au Canada est installé plus officiellement.

D’ailleurs, le fameux Mont-Tremblant Lodge deviendra rapidement le lieu de rendez-vous des riches touristes américains qui apprécient nos conditions hivernales, mais surtout l’ambiance canadienne-française de la célèbre station.

Birch a intrigué avec ses étroites planches de bois, Jackrabbit a inspiré avec son intérêt à skier dans la nature, leur héritage permet à bien des adeptes de profiter de notre hiver québécois... dehors, les skis aux pieds.

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