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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Voici comment est née l’amitié entre de grands écrivains québécois et haïtiens

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Photo portrait de Frantz Voltaire

Frantz Voltaire

2023-01-28T05:00:00Z
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La langue est un des ponts qui relie les écrivains québécois et haïtiens. Les récits des écrivains haïtiens racontent à la fois un voyage, un retour aux sources et leurs tentatives d’enracinement dans ce pays de neige.

Il y a une soixantaine d’années, la présence de ces écrivains exilés est venue bousculer une société qui se considérait comme homogène.

Entre la déchirure de l’exil, le déracinement de l’immigration et l’intégration, ils essaient d’affirmer leur présence au Québec.

En effet, avec l’arrivée au pouvoir en 1957 de Duvalier, en Haïti, des milliers d’exilés arrivent au Québec par vagues successives.

Le dictateur Jean-Claude Duvalier a forcé à l’exil des milliers d’Haïtiens au Québec à partir de 1957.
Le dictateur Jean-Claude Duvalier a forcé à l’exil des milliers d’Haïtiens au Québec à partir de 1957. Photo d'archives, AFP

Le Perchoir d’Haïti

Comme le souligne le poète Serge Legagneur : « La charge impitoyable de l’histoire, une fois de plus, aura éparpillé les hommes comme on jette des dés. »

L’arrivée dans une ville aussi vibrante et active que Montréal va nourrir un imaginaire urbain qui prendra une place importante dans l’inconscient des écrivains haïtiens et particulièrement chez Anthony Phelps qui s’installe à Montréal en 1964, bientôt rejoint par Gérard Étienne et ses camarades d’Haïti-littéraire, Serge Legagneur, Roland Morisseau et Émile Ollivier.

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Des auteurs du collectif Haïti-littéraire dont Serge Legagneur, Anthony Phelps, Roland Morisseau, notamment, se sont retrouvés avec des poètes québécois à de nombreuses reprises lors des Lundis du Perchoir.
Des auteurs du collectif Haïti-littéraire dont Serge Legagneur, Anthony Phelps, Roland Morisseau, notamment, se sont retrouvés avec des poètes québécois à de nombreuses reprises lors des Lundis du Perchoir. Photo collection Jean-Claude Carrié

Un exilé haïtien vient d’ouvrir Le Perchoir d’Haïti.

Anthony Phelps y organisera Les lundis du Perchoir avec Serge Legagneur, Roland Morisseau et Gérard V. Étienne.

L’écrivain Gérard Étienne.
L’écrivain Gérard Étienne. Photo fournie par CIDIHCA

Poètes haïtiens et québécois se retrouvent pour la lecture de leurs textes.

Les écrivains du Québec, Gaston Miron, Paul Chamberland, Denise Boucher, Nicole Brossard, Gilbert Langevin, Michel Beaulieu et d’autres, participeront à ces soirées.

Gaston Miron
Gaston Miron Photo d'archives

Yves Dubé publie les œuvres des écrivains haïtiens chez Leméac.

Disque clandestin

En 1966, Anthony Phelps enregistre son poème Mon pays que voici.

Le poème d’Anthony Phelps Mon pays que voici a contribué à le faire connaître non seulement en Haïti, mais aussi au Québec.
Le poème d’Anthony Phelps Mon pays que voici a contribué à le faire connaître non seulement en Haïti, mais aussi au Québec. Photo fournie par Anthony Phelps

Cette édition sonore contribuera à le faire connaître au Québec et en Haïti où le disque circule clandestinement.

Phelps devient la voix des Haïtiens privés de paroles par un dictateur fantasque.

Gérard Étienne fréquente les milieux littéraires et politiques québécois.

Il militera au sein du RIN, le Rassemblement pour l’indépendance nationale et s’installera plus tard à Moncton où il poursuivra une carrière d’universitaire et d’écrivain.

Étienne affirme que « c’est en lisant des auteurs québécois comme Marie-Claire Blais, Réjean Ducharme, Jacques Godbout, Hubert Aquin, etc., qui ne font aucune concession dans l’expression de la réalité que je suis venu au roman. »

Il écrit que « cette espèce de liberté que je prends pour faire éclater le langage comme je le fais, ça me vient du Québec ».

Dany Laferrière

Anthony Phelps reste à 94 ans le doyen des écrivains d’origine haïtienne et l’œuvre de Dany Laferrière rayonne dans le monde ainsi que celle de Marie-Célie Agnant.

Dany Laferrière
Dany Laferrière Photo Martin Alarie

La publication du premier recueil de nouvelles de Stanley Péan constituait déjà, pour reprendre les mots du poète québécois Jean Morisset, « un des jalons extrêmement importants d’une nouvelle littérature ».

« Celle où l’exil des Amériques venues s’échouer sur les plages émergées du Québec est en passe de produire, en dehors de toute planification, une parole et une sensibilité qui, projetées dans un au-delà de ce pays, en constituent déjà l’une des expressions les plus riches de promesse. »

Aujourd’hui, de nouvelles voix émergent et si cette relève continue d’être solidaire d’Haïti, son projet est de s’approprier le Québec.

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