Voici ce qui guide la carrière de Joël Legendre
Le spectacle musical interactif «C'est quoi ta toune?» prend l'affiche en août.
Patrick Delisle-Crevier
On a parfois l’impression que la vie de Joël Legendre est un véritable tourbillon, tellement il est partout! Il signe parfois plusieurs mises en scène, dont celle de Star Académie: Le Variété. Il chante, joue et est papa de trois enfants: un fils de 22 ans nommé Lambert et deux jumelles de 12 ans, Marion et Anaïs. Entrevue avec ce touche-à-tout sur sa vie professionnelle et personnelle, et sur son bonheur au seuil de la soixantaine.
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Joël, comment vas-tu?
Je vais très bien, je reviens de petites vacances et le rush de Star Académie est maintenant derrière moi. Ça fait du bien de pouvoir récupérer un peu, parce que je ne pensais pas que ce serait aussi gros et que ça allait accaparer mon horaire à ce point. C’était un gros train, un sept jours par semaine d’idéation et d'enseignement du travail de scène aux Académiciens. Il faut les amener à comprendre ce qu’on doit faire, etc. J’ai adoré faire ça.
J’entends souvent que Joël Legendre est partout, qu’il fait toutes les mises en scène et qu’il est dans un véritable tourbillon. As-tu cette impression-là?
Depuis quelques années, c’est vrai que je suis dans une espèce de tourbillon et que je signe plusieurs mises en scène. Sincèrement, ça faisait longtemps que je rêvais de cette niche-là. À l’époque, quand Denise Filiatrault est passée de comédienne à metteuse en scène, elle m’avait dit qu’à un certain moment vient l’envie de transmettre ce qu’on a appris, et que ça fait appel à une tout autre partie du cerveau. C’est toi qui décides, qui crées les choses. Ce que j’aime aussi, c’est qu’avec ce métier, j’ai mes soirées libres la plupart du temps, puisque le gros du travail se fait le jour. Je suis donc avec ma famille.
Était-ce dans tes plans de faire un peu oublier le comédien et l’animateur pour faire autre chose?
Oui, c’est sûr. Il ne faut pas se mentir: des animateurs de 60 ans à la télévision, il n’y en a pas des tonnes. Pour le jeu, par contre, j’aimerais beaucoup y revenir plus assidûment. J’ai eu un petit rôle dans la série Le temps des framboises, et ç’a été un beau cinq jours de tournage. Mais je me sentais comme un imposteur, parce que ça faisait longtemps que je n’avais pas fait ce métier, alors que j'ai pourtant étudié pour le faire. C’est dans mes plans de tourner beaucoup plus et ma carrière idéale naviguerait entre l’acteur et le metteur en scène. Mais je n’ai aucune idée de si on voudra de moi comme acteur. Je pense que mon dernier rôle en fiction, avant Le temps des framboises, était dans la série Cover Girl, il y a plus de 20 ans. J’ai aussi participé à certains Bye Bye et j’ai adoré ça.
Est-ce que ce métier te manque?
Non, tout simplement parce que je suis rendu à un point dans ma carrière ou rien ne me manque. J’ai vraiment tout expérimenté, j’ai fait tout ce que j’avais envie de faire.
Tu as joué, animé, chanté, tu as eu ton one man show, tu as écrit des livres de recettes et tu signes plusieurs mises en scène à la fois. Tu as aussi eu trois enfants, dont deux jumelles. Comment arrives-tu à orchestrer tout ça?
J’ai toujours été très organisé et, pour ceux qui croient à ça, mon signe astrologique est Vierge: donc, parfois je travaille sur un projet et tout-à-coup, je suis inspiré par un autre, comme le spectacle de Noël qui va avoir lieu dans plusieurs mois. Je suis mes inspirations. La nuit, je pense ou je rêve à des choses et je prends des notes avec un petit calepin qui est toujours à côté de mon lit. Quand je fais quelque chose, il faut toujours que ça me tente. Je ne veux pas me faire violence pour faire une mise en scène.
Est-ce que ça t’est déjà arrivé?
Je tente de l’éviter et c’est pour ça que je travaille longtemps d’avance sur mes projets. Comme ça, je ne me retrouve pas avec une échéance serrée, à devoir travailler sur un truc alors que ma tête est sur autre chose. En prenant de l’avance, j’ai du temps pour butiner d’un projet à l'autre, au gré de mes envies et de mes inspirations.
Quels sont tes prochains projets?
Je travaille en ce moment sur le spectacle interactif C’est quoi ta toune?. On m’a demandé de faire la mise en scène, mais j’ai tellement aimé le concept que je me suis proposé comme animateur. C'est un spectacle qui sera présenté à l’Espace Saint-Denis en août et ce sont les spectateurs qui décideront de ce qu’ils verront, en votant. Pour un tel spectacle, nous répétons une trentaine de medleys, et c’est le public qui choisira ce qu'il veut. Sur scène, je vais avoir des artistes comme Suzie Villeneuve, Audrey-Louise Beauséjour, Jordan Lévesque et Jason McNally. Ce sera très nouveau comme création et j’adore ça. Sinon, j’ai fait aussi la mise en scène d’une soirée avec Georges St-Pierre. Disons que c’était assez surprenant pour moi de faire ça, mais je l’ai fait pour mon père, qui était bien fier de voir son fils signer la mise en scène de Georges St-Pierre. J’ai aussi Noël, une tradition en chanson, et le chanteur en moi sera sur scène.
As-tu parfois l’impression que tu en fais trop?
Parfois, oui. Dernièrement, je me souviens que j’avais trois comédies qui roulaient en même temps et c'était un peu fou, mais je dis non à beaucoup de choses, et je ne dis oui qu’aux choses qui m’allument. Je dois être interpellé, je dois trouver un filon. Je viens de la campagne, j’ai vu mon père travailler sur la ferme et en construction, et je trouve que ces hommes-là travaillent fort. Moi, je n’ai pas l’impression de travailler trop ni trop fort. Je livre la marchandise. Je suis né pour faire ce métier-là, et pour moi c’est facile de le faire.
Est-ce difficile pour toi de dire non?
Ç'a déjà été dur, parce que j’ai connu des époques où je travaillais moins. C’est surtout que je me dis, parfois, que si quelqu’un d’autre le fait à ma place et le fait mieux, on ne me rappellera pas. Donc je pense souvent à ça. Mais en même temps, il vient un moment où il faut se choisir et se faire confiance.
As-tu encore peur de manquer de travail?
Plus maintenant, mais ça ne fait pas longtemps. Ça fait peut-être trois ans que j’ai changé ma façon de penser et que j’ai combattu ma peur de manquer de travail. Je pense que j’ai maintenant l’impression que je fais bien les mandats qu’on me confie et je travaille fort. Je provoque aussi les choses, je propose des projets.
As-tu déjà eu l’impression d’avoir fait le projet de trop?
Non, pas encore. Et j'essaie que ça n’arrive pas. Mais il y a des choses avec lesquelles j’ai du mal, comme quand je passe à la télévision, c’est certain que je ne me regarderai pas, tout simplement parce que ça ne m’apporte rien, je ne fais que me juger et voir ce qui m’énerve de moi. Donc à un certain moment, j’ai décidé d’arrêter de me regarder et c’est la même chose avec mes mises en scène: je travaille très intensément et, une fois que la première est passée, je ne retourne pas voir le spectacle. Je fais confiance à mes équipes.
Joël, tu réussis à bien gagner ta vie avec ce métier depuis longtemps. Tu expliques ça comment?
Au début, je gagnais ma vie, mais sans être populaire ni connu. Mon but était de ne faire que ce métier, de ne pas devoir gagner ma vie comme serveur ou autre chose. Je voulais travailler dans le milieu et il n’y a rien que je n’ai pas fait. Et le but que je m’étais donné était de vivre de ce métier. J’ai réussi, même si certaines choses sont de petits bijoux pour des émissions comme Les enfants de la télé! C’est à 37 ans, alors que j’animais Occupation double, que le regard des gens a changé sur moi et que je suis devenu plus populaire. J’avais ce besoin d’être reconnu depuis que j’étais tout petit.
As-tu encore ce même besoin aujourd’hui?
Non, j’ai goûté à cette lumière et je suis rassasié. Je suis très heureux dans l’ombre, à faire de la mise en scène, et je n’ai plus besoin de tout ça. Je suis rendu à 59 ans et je ne carbure plus à cette lumière. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus angoissé à l’idée de faire une apparition télé que de signer une grosse mise en scène.
As-tu la carrière que tu voulais?
Je n’ai jamais eu de plan de carrière. Heureusement, parce que je serais vraiment mêlé! Mais je savais que j’allais faire plusieurs affaires dans ma carrière. C’est drôle parce qu’à l’école de théâtre, on me disait tout le temps que j’aurais à me brancher et à décider ce que je voulais faire. Mais à ma sortie de l’école, j’ai eu la chance de travailler avec Denise Filiatrault, qui m’a dit de ne surtout pas mettre tous mes œufs dans le même panier. J’ai suivi son conseil à la lettre et je ne regrette rien. C’est aussi elle qui m’a offert ma première mise en scène. Cette femme m’a tout appris, je lui dois beaucoup.
Il s'est écoulé 10 années depuis les événements où tu aurais pu tout perdre. Que retiens-tu de tout ça, avec le recul?
Ç'a été salutaire pour moi, dans le sens où je suis maintenant quelqu’un qui est beaucoup plus axé sur sa famille que sur son travail. Ça a remis les choses en place. Ça m’a aussi permis de voir qui étaient mes vrais amis et de les garder.
As-tu eu peur de ne plus pouvoir faire ce métier-là?
C’est certain que ça m’a traversé l’esprit. En même temps, plusieurs personnes autour de moi me disaient d’être patient, que les choses allaient revenir tranquillement. Tout ça est derrière moi maintenant. C’est certain que j’ai eu un problème de comportement et c’est clair que j’ai eu à le régler en faisant un grand travail sur moi. Mais c’est fait. J’ai évolué et j’ai continué.
Qu’est-ce qui te reste à faire?
J’aimerais avoir un rôle dans une série, je pense que je n’ai jamais été à fond dans ça. Sinon, j’ai pu toucher un peu à l’international en signant la mise en scène de Lara Fabian et j’aimerais bien faire au moins un autre spectacle qui m'amènerait à travailler ailleurs, aux États-Unis ou en Europe. J’aimerais sortir de ma zone de confort.
Dis-moi, Joël, as-tu la vie personnelle que tu voulais avoir?
Oui, vraiment. Je voulais une famille et je l’ai eue. Pour moi, une vie sans enfant aurait été triste. Je voulais être père de famille, mais je n’avais jamais pensé avoir trois enfants et être aussi comblé. J’étais fait pour être un papa, même si je suis gai. Je suis chanceux d’être né au Québec et d’avoir pu le faire.
Tu es en couple avec ton conjoint depuis près de 15 ans. Cherchais-tu cette vie de couple stable?
Oui, mon chum est exceptionnel. C’est un bon papa et un excellent amoureux. Je n’aurais pas pu espérer avoir une meilleure personne dans ma vie. Je suis chanceux d’être tombé sur lui et surtout, que lui aussi veuille fonder une famille. C’est mon chum qui gère ma carrière et il le fait très bien. Nous formons une belle équipe tous les deux.
Tu as déjà dit qu'il est le papa du présent et toi, le papa du futur. Qu'est-ce que tu voulais dire?
C’est une thérapeute qui nous a expliqué ça quand nos deux jumelles sont arrivées. À l’époque, avec Lambert qui était beaucoup plus vieux et deux bébés qui arrivaient dans la maison, c'était un imbroglio et nous avons eu à aller chercher de l’aide. Junior est un papa du présent dans le sens où il prend soin de son enfant dans le moment présent: si l’une des filles a de la peine, il faut tout de suite gérer la peine et faire tout ce qu’on peut. Moi, je vois la peine qu’elles ont et je me dis qu’elles auront à revivre cette émotion-là dans le futur, et donc qu’elles doivent l'affronter pour se renforcer et être capables de la gérer plus tard. On a longtemps été dans la contradiction dans la façon d’élever nos enfants. Je suis autoritaire, alors que Junior est plus permissif. Quand la psy a mis des mots là-dessus, c’est venu apaiser cette dualité et ça a réglé beaucoup de choses.
Pensais-tu devenir un père aussi autoritaire?
Non, pas du tout. Je suis devenu plus autoritaire parce que je ne voulais pas avoir d’enfant roi: c'est souvent un enfant qui est adoré de ses parents, mais il est détesté de tout le monde, et je veux que mes enfants soient aimés de tout le monde. J’ai commencé à être comme ça quand Lambert a commencé à amener des amis à la maison. Parfois, c’étaient des amis impolis qui n’avaient aucune bonne manière et ne savaient même pas se tenir à table. Moi, je veux que mes enfants soient bien élevés et polis quand ils vont dans d’autres familles. C’est un service à rendre à mes enfants. Je suis fier de la façon dont on les a élevés.
Quel genre d’enfant étais-tu, toi?
Un enfant hypersensible, qui était très attiré par les arts et le showbiz, ce qui n’était pas un trop bon mariage avec le milieu agroalimentaire de mes parents. Je ne suis pas né à la bonne place, disons. Mon père me disait toujours que je pouvais être comme je veux à la maison, mais que je devais me conformer quand je sortais pour ne pas avoir de la peine. Mon père était un homme très sensible. Je me souviens qu'il m'a dit, alors que j’avais 14 ans, que si j’avais envie de ramener un compagnon à la maison un jour, c’était OK. C’était plutôt rare dans les années 1970. J’étais le petit gars qui avait envie de faire des pointes de ballet et qui était le chouchou des profs, ce qui ne faisait rien pour aider ma cause. J’étais un enfant intimidé, et il y avait un gars qui m’attendait tous les soirs quand je finissais l’école: je devais toujours trouver un moyen de le berner pour me rendre à l’autobus, sinon il me tabassait. Mes parents me disaient de me défendre, mais ce n’était pas si simple.
Tu vas avoir 60 ans sous peu. Ça te fait quoi?
Ça ne me dérange pas du tout! J’aime ça, vieillir, et mes parents sont encore en forme. Mon père fait encore son jogging à 80 ans et ma mère garde encore des enfants. J’ai toujours pris soin de moi et je compte bien continuer. Je cultive mon bonheur et je suis heureux.