Voici ce que les enfants de Joël Legendre veulent faire plus tard
Michèle Lemieux
En se donnant le droit de vivre la vie à laquelle il aspirait, Joël Legendre a contribué à faire changer les choses pour lui, mais aussi pour les autres. Et il présente maintenant un livre de recettes, autant de témoignages d’amour à ses enfants!
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Joël, vous avez toujours autant de beaux projets professionnels à l’horizon?
Oui. Je mets en scène Le Matou, La Cage aux folles, Les EXséparables et Broadway en lumière. Il y aura aussi Noël une tradition en chanson, un spectacle auquel je participe, en plus d’en signer la mise en scène. Je suis également à la radio, à l’émission Véronique et les fantastiques.
Vous nous présentez aussi Lunchs pour tous. Comment vous est venue l’idée de ce livre?
Durant la pandémie, mes trois enfants faisaient l’école à la maison, chacun dans sa chambre. Je trouvais ça d’une tristesse inouïe. Je voulais qu’ils mangent un bon repas à l’heure du lunch pour mettre un peu de bonheur dans leur journée. Lorsque les filles se couchaient, le soir, j’allais faire l’épicerie pour le lendemain. Le matin, pendant que mes enfants assistaient à leurs cours en ligne, je cuisinais un bon repas pour que l’heure du lunch soit agréable. Pendant ces deux années de pandémie, j’ai compilé environ 70 recettes approuvées par les enfants. Puis, il y a quelques mois, l’équipe des Éditions de l’Homme m’a contacté pour me proposer de faire un livre sur les lunchs. J’avais déjà 70 recettes, mais je n’avais jamais pensé à en faire un livre!
Rassembler toute la famille autour d’un repas est-il parfois compliqué?
Ça l’est. Lambert n’est pas difficile, mais l’une des filles l’est. Lorsque je servais un plat et que les trois l’aimaient, la recette était approuvée. Les enfants ne sont pas végétariens, mais je voulais diminuer leur consommation de viande. J’ai donc trouvé différentes manières de reproduire la même recette. Par exemple, Lambert est un amateur de bacon, alors j’ai créé une recette de faux bacon super simple que les enfants adorent.
Cuisiner avec nos enfants, c’est aussi leur apprendre l’autonomie.
Tout à fait. J’ai tellement simplifié les étapes que même les enfants peuvent les suivre. Chacune des recettes peut faire un repas pour une personne, pour deux ou pour toute la famille. Certaines peuvent aussi être servies au souper. Préparer les lunchs, c’est donner de l’amour à ses enfants. Le réconfort de la maison est dans la boîte à lunch. Durant la pandémie, j’ai voulu leur donner tout mon amour pendant cette heure où nous mangions ensemble, le midi. Je voulais qu’ils se sentent réconfortés. C’était formidable, car normalement, un grand de 21 ans et deux enfants de 10 ans ne mangent jamais en même temps. Pendant presque deux ans, j’ai eu mes enfants autour de la table en même temps. Pour moi, c’est un cadeau de la pandémie qui perdure encore aujourd’hui. Souvent, Lambert s’organise pour terminer l’université plus tôt pour qu’on soupe tous ensemble.
Vous avez aussi la chance de pouvoir compter sur vos parents.
Oui, les parents de Junior prennent souvent les filles le vendredi soir. Ça nous laisse un moment ensemble, et les filles sont heureuses. Quant à ma mère, elle vient généralement le dimanche pour nous aider: elle fait un peu de ménage, du lavage, de la cuisine. Elle se sent utile et nous sommes ensemble: tout le monde est heureux. Je suis vraiment chanceux d’avoir ma mère et celle de Junior.

Avez-vous le sentiment d’avoir réussi à créer une famille aimante et fonctionnelle?
Nous sommes une vraie famille. Les filles s’entendent bien, mais ce sont des soeurs: elles se tapent parfois sur les nerfs et se chicanent. Il y a beaucoup d’action dans la maison. On a une vraie vie de famille, avec des parents qui travaillent et des enfants qui voient leurs parents s’épanouir dans leurs métiers. C’est important pour moi. J’ai souvent vu mon père pleurer parce qu’il n’avait pas envie d’aller travailler à la ferme. Il ne nous a jamais forcés à prendre sa suite. Mes parents ont toujours eu confiance en nous.
Vous faites partie de cette génération de parents qui ont décidé d’avoir des enfants à un âge plus avancé.
Ce n’est pas quelque chose que j’ai décidé; la vie a fait en sorte que je les ai eus tard. J’aurais eu des enfants bien avant, mais dans ma condition, c’était impensable. Lorsque j’ai su que j’étais homosexuel, j’ai compris que je n’aurais jamais d’enfants. À l’époque, c’était impossible de l’envisager! J’ai été l’un des premiers pères célibataires à adopter, il y a 20 ans. Mais la vie a changé. Maintenant, il y a les femmes porteuses, et c’est devenu plus accessible.
À 58 ans, la tâche de parent est-elle parfois lourde?
Plus maintenant, mais quand les filles étaient plus jeunes, c’était beaucoup de travail — tous les parents de jumeaux vous le diront. Nous avons eu la chance d’avoir beaucoup d’aide. Lambert avait 12 ans lorsque nous avons eu les filles. Ç’a été difficile pour lui. Non seulement il perdait sa place, mais ses deux pères en avaient aussi plein les bras. Nous nous sommes beaucoup moins occupés de lui durant cette période. Maintenant, c’est un grand frère incroyable! Il est l’idole des filles. C’est même Lambert qui leur passe nos messages, car elles l’écoutent, lui! (rires)
Croyez-vous être un papa sévère?
Dans la vie de tous les jours, je suis beaucoup plus intransigeant que j’en ai l’air. C’est vraiment Junior qui est le papa poule. En thérapie, j’ai réalisé que je suis un papa du futur, tandis que lui est un papa du présent. Quand un de nos enfants pleure, il court le réconforter sans attendre, alors que moi, je me dis qu’il faut qu’il pleure. La vie ne sera pas facile: les enfants doivent apprendre à gérer leurs émotions, leur colère. Ensuite, nous réglons le problème. C’est parfait, car les enfants ont accès aux deux types d’éducation. Ils choisiront bien ce qu’ils veulent. Chez moi, ma mère était intransigeante, tandis que mon père était beaucoup plus père poule.
Diriez-vous que la thérapie permet d’apprendre qui nous sommes et de comprendre nos modes de fonctionnement?
Oui. Elle permet aussi de comprendre les approches héritées de nos parents que nous choisissons de conserver ou non. Quand on en est conscients, on peut mieux s’assumer. Durant notre conversation, nous avons touché nombre de sujets tabous!
Il y a 10 ans, il n’aurait pas été possible de parler de thérapie et d’homoparentalité sans s’attirer des jugements.
Effectivement. Et j’ajouterais aussi de végétarisme. C’est agréable de ne plus avoir de tabous.
Vous avez ouvert la voie, en quelque sorte.
Je ne sais pas, car je fais avant tout les choses pour moi. Je voulais être papa, alors j’ai défoncé les portes qu’il fallait pour pouvoir adopter. J’ai fait de nombreuses démarches pour que le gouvernement permette les traitements de fertilité pour les familles homoparentales. Même à l’Union des artistes, j’ai fait changer la clause concernant les congés de maternité. À l’époque, il n’y avait pas de congé de paternité.
On parle aujourd’hui de congé parental, ce qui est beaucoup plus approprié.
Tout à fait. Il y a 20 ans, quand j’ai eu Lambert, j’étais le premier homme à demander un congé. On ne voulait pas me l’accorder parce qu’à l’époque, on parlait d’un congé de «maternité». Dans mon cas, il n’y avait pas de mère: j’étais à la fois le père et la mère. Nous sommes allés au Tribunal des droits de la personne et nous avons fait changer la clause.

Les enfants sont-ils conscients de tout ce que vous avez fait?
Ils ne savent même pas qu’ils vivent au sein d’une famille «différente». On me demande souvent si je sens que les gens portent un regard désobligeant sur nous. La réponse est: jamais. Comme je suis une personnalité publique, les gens m’arrêtent pour me dire que j’ai une belle famille. Et quand nous allons aux États-Unis, c’est la même chose. Les gens ne me connaissent pas, mais ils tiennent à me dire que ma famille est magnifique. Ils veulent comprendre cette famille composée de deux papas, de Lambert et des filles. Les gens sont de plus en plus ouverts. Ils trouvent ça beau que les modèles familiaux s’élargissent.
Vous aurez donc réalisé plusieurs de vos rêves dans votre vie!
En effet. Et j’ai découvert que je suis beaucoup plus courageux que je ne le pensais. Lorsque j’étais enfant, mes parents me répétaient toujours: «Défends-toi!» Mais j’étais un hypersensible, j’en étais incapable. J’avais peur de me faire battre dans la cour d’école. Avec le temps, j’ai décidé qu’on ne me tabasserait plus. Ceci étant dit, le petit gars sensible n’est jamais loin. Je dois parler à mon enfant intérieur, lui rappeler que je prends soin de lui et qu’il n’a pas à avoir peur. Aujourd’hui, lorsque je regarde mon parcours, je constate que je me suis défendu plus que je ne l’aurais cru.
Des enfants épanouis
Étudiant en comptabilité au HEC, Lambert poursuit ses études en vue d’obtenir son CPA. «C’est une voie qui m’offre plusieurs possibilités», souligne-t-il. Fier testeur des recettes de son père, dont il adore les ramens, il raconte: «Quand j’étais petit, je cuisinais souvent des desserts et des repas avec lui. En grandissant, j’ai un peu délaissé la cuisine, mais je m’y remets depuis peu. Je trouve que c’est une belle compétence à avoir, qui me sera utile lorsque je partirai en appartement.» De son côté, Anaïs rêve de devenir à la fois médecin, comédienne et coiffeuse. «J’adore l’école. J’adore dessiner, peindre, faire du sport et cuisiner. C’est trop cool!» Quant à Marion, elle aimerait devenir avocate «ou quelque chose qui ressemble à ça.» «J’aime beaucoup les arts: peindre, dessiner. Je fais de la danse et j’aime beaucoup la cuisine. C’est relaxant», dit-elle. Les jumelles s’accordent d’ailleurs pour dire que le végé-bacon de leur père est leur recette favorite!
Le livre Lunchs pour tous est publié par les Éditions de l’Homme. Pour tout savoir sur la pièce Le Matou: lematou.ca. Pour La Cage aux folles: espacestdenis.com; Broadway en lumière et Noël une tradition en chanson: productionsmartinleclerc.com; Les EXséparables: musicorspectacles.com.