Violence armée à Montréal: une citoyenne exaspérée demande des actions

Murielle Chatelier, journaliste pigiste
Comme bien des citoyens, je suis très préoccupée par la recrudescence de la violence armée dans le grand Montréal. Ayant longtemps vécu dans le quartier qui a vu naître les gangs de rue dans les années 90, Saint-Michel, je suis à même de constater que le visage de la criminalité a changé. Bien qu’il y ait toujours eu des délinquants et des criminels dans nos rues, jamais n’a-t-on vu autant d’armes circuler et aussi faciles à se procurer. Nous sommes plusieurs à nous le demander : nos élus font-ils vraiment tout ce qu’ils peuvent pour freiner la circulation des armes à feu et assurer la sécurité des citoyens?
nous intéresse.
Vous avez une opinion à partager ? Un texte entre 300 et 600 mots que vous aimeriez nous soumettre ?
Depuis quelques mois, je m’implique dans une communauté de citoyens, la CCACV, qui n’en peuvent plus de toute cette violence et ce que je constate auprès d’intervenants qui œuvrent sur le terrain, c’est que la situation ne s’améliore pas.
Des phénomènes inexistants ont émergé au cours des dernières années, comme ces mineurs qui possèdent des armes à feu notamment pour se protéger ou encore ces jeunes contrevenants qui affichent publiquement leur non-respect de la vie humaine en se vantant de leurs crimes sur les réseaux sociaux. Animés par un sentiment d’impunité, ces individus glorifient les armes à feu au vu et au su de tous.
Des quartiers autrefois tranquilles sont ainsi transformés en quartiers chauds. Parlez-en à des membres de ma famille qui vivent à Rivière-des-Prairies et qui ont été les témoins auditifs de deux fusillades à quelques pas de chez eux en moins de deux mois. Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas preuve de plus de fermeté, voire d’intransigeance, dans ce dossier? Pourquoi est-il possible pour des mineurs qui ne sont même pas affiliés à des groupes criminalisés de se procurer des armes? Car il est faux de croire que toutes ces fusillades sont uniquement le fait de membres de gangs de rue.
Haute tension
Pendant ce temps, une majorité de députés fédéraux ont permis en juin l’adoption du projet de loi C-5 qui vise notamment l’abolition de nombreuses peines minimales obligatoires pour certaines infractions liées aux armes à feu. Si le projet de loi est également adopté au Sénat, risque-t-il de contribuer à renforcer ce sentiment d’impunité qui anime les délinquants ou d’empirer une situation déjà critique dans nos quartiers les plus à risque? Des criminels violents, remis en liberté plus rapidement, feront-ils encore plus de victimes, qui sont déjà surreprésentées dans leurs communautés?
Cette réalité est connue dans le milieu. Les jeunes qui se font embarquer dans un cycle de criminalité sont enrôlés par des délinquants – leurs amis ou des membres de gangs de rue – qui leur ressemblent et à qui ils font naturellement confiance en raison de leur appartenance à la même communauté. De nombreux facteurs expliquent la vulnérabilité de ces recrues : éclatement des familles (père absent), parents dépassés par le comportement des enfants et qui s’enfoncent dans le déni, décrochage scolaire, pauvreté extrême. La frustration est à son comble pour ces jeunes dont les besoins ne sont pas satisfaits dans leur cellule familiale.
Les intervenants et les policiers sont ainsi aux prises avec une nouvelle clientèle : des jeunes très violents aussi bien physiquement que verbalement. Pour ces métiers à vocation, le jeu en vaut-il la chandelle? La ministre Guilbault a publié un gazouillis la semaine dernière pour rappeler que « notre gouvernement a investi près de 95 M$ en prévention pour que nos jeunes s’épanouissent loin des gangs et de la violence ». Mais si les intervenants spécialisés qui peuvent répondre aux besoins de ces jeunes et qui comprennent leurs réalités fuient cette profession, ces investissements feront-ils la différence? Si les acteurs clés dans cette lutte, dont les patrouilleurs du SPVM, perdent leur motivation à cause d’un climat d’une rare violence qui met à risque leur santé ou leur réputation, quelles solutions nous reste-t-il?
L’heure n’est plus aux demi-mesures. Que les différents paliers du gouvernement mettent leurs culottes de fer et prennent toutes les actions nécessaires pour freiner le trafic des armes qui est une des causes principales de la situation actuelle. Qu’ils fassent preuve de tolérance zéro face à ces délinquants et qu’ils octroient encore plus de pouvoirs – et de soutien! – aux policiers qui se donnent toujours la mission de protéger et servir malgré un contexte qui leur est nettement défavorable.
Lorsque notre ministre de la Sécurité publique a annoncé sa stratégie pour lutter contre la violence armée, elle a déclaré : « Je m’adresse aux criminels qui terrorisent nos citoyens. Où que vous soyez, et qui que vous soyez, vous allez trouver nos policiers sur votre chemin. » Que les bottines de nos élus suivent maintenant leurs babines.
Murielle Chatelier, journaliste pigiste