Violence armée à Montréal: deux gangs qui tirent beaucoup

Camille Payant | Journal de Montréal
Un conflit entre deux gangs de rue qui s’envenime depuis 2021 est à lui seul à l’origine d’une forte proportion des événements impliquant des coups de feu le mois dernier à Montréal.
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Au moins cinq événements de décharge d’arme à feu survenus entre le 16 et le 29 mars sont liés au conflit entre un gang de Saint-Léonard et un autre d’Anjou, selon un rapport du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) présenté à la Chambre de la jeunesse.
Selon les données du Journal, 10 décharges d’armes à feu ont eu lieu dans la métropole durant cette période.
Violence par armes à feu
à Montréal en 2023
Cette carte a été produite en fonction des événements couverts par les médias et des documents disponibles. Quelques événements comptabilisés dans les chiffres officiels fournis par le SPVM sont passés sous le radar et ne s'y retrouvent donc pas.
Ce rapport a été déposé lors de l’enquête sur remise en liberté d’un jeune de 17 ans accusé d’avoir braqué une arme à feu devant une école d’Anjou le 29 mars.
Celui-ci devra demeurer en centre jeunesse en attendant son procès, a tranché le juge Éric Beauparlant mardi dernier.
« Le contexte en lien avec le conflit important entre gangs de rue des secteurs concernés ajoute au niveau de dangero-sité de l’accusé », a expliqué le juge.
Deux jeunes gangs
Le premier gang, nommé STL (les initiales du quartier), est connu depuis 2019 et est actif surtout dans les fraudes bancaires et de téléphones cellulaires.
Le second est appelé Bloc 6, en lien avec la place de Malicorne, à Anjou, où les adresses commencent par le chiffre 6. Connu depuis 2020, il se spécialise dans les vols de véhicules.
« Le conflit entre ces groupes ne serait pas attribuable à une lutte de pouvoir pour le contrôle de certaines activités criminelles, mais plutôt la conséquence d’événements ponctuels passés, notamment des meurtres de certains sympathisants, qui avaient engendré des ripostes », a indiqué Simon Robin, de la Couronne.
L’avocat précise que ce conflit a généré une dizaine de décharges d’armes à feu depuis 2021.
Le 29 mars vers midi, l’accusé, qu’on ne peut nommer en raison d’une ordonnance de non-publication, et un complice se seraient dirigés en voiture vers un jeune de 15 ans qui attendait l’autobus à quelques mètres de l’école.
Le complice aurait braqué une arme sur la victime, qui s’est enfuie en courant.
Après l’événement, la victime aurait reçu un appel d’un ami disant qu’il avait vu un véhicule gris avec des gens cherchant des membres du Bloc 6, a-t-il mentionné aux enquêteurs du SPVM.
Ce Toyota Highlander qui avait été déclaré volé à Laval la nuit précédente a ensuite été aperçu roulant dans une rue aux abords de l’école secondaire Anjou.
Une vingtaine d’élèves...
Le conducteur et le passager avant du véhicule, cagoulés, auraient braqué leurs armes en direction d’une vingtaine d’élèves qui se trouvaient à proximité.
Une perquisition au domicile de l’accusé n’a pas permis de retrouver l’arme à feu, mais les policiers y ont déniché deux machettes, un chargeur de pistolet 9 mm et de nombreuses munitions.
– Avec Nicolas Saillant
PLUS DE COUPS DE FEU À PRÉVOIR LORSQU’IL FAIT BEAU
Avec l’été qui est à nos portes, les coups de feu tirés entre les gangs criminalisés à Montréal pourraient monter en même temps que le mercure sur le thermomètre, avertissent des experts en criminologie.
« L’ensemble de l’activité criminelle, incluant la violence par armes à feu, augmente à partir de juin, jusqu’à la fin du mois d’août. C’est la belle saison pour tout le monde, incluant ceux qui se tirent dessus », a résumé le professeur à l’école de criminologie de l’Université de Montréal, Rémi Boivin.
Pourquoi la belle météo favorise-t-elle le crime ? Simplement en raison d’une convergence d’événements, explique son collègue Étienne Blais.
« Quand il fait beau, il y a plus de monde dans les rues, ce qui fait plus de cibles pour les malfaiteurs, donc plus de risques de conflits. Il faut ajouter à ça la consommation d’alcool, qui rend les gens plus désinhibés, donc plus propices aux altercations », a dit celui qui a d’ailleurs fait son doctorat sur le sujet, il y a plus de 20 ans.
La semaine dernière, les coups de feu se sont enchaînés, alors qu’on a eu droit à un avant-goût de ce que l’été devrait nous offrir en matière de température. Pas moins de cinq fusillades en autant de jours sont survenues, dont deux la même journée.
Impulsifs, mais...
Plusieurs le disent : les gangs de rue qui se tirent dessus sont plutôt imprévisibles et ne semblent pas avoir de grandes stratégies.
« Mais ils ne sont souvent pas impulsifs au point de sortir plus quand il pleut ou quand il neige », a ajouté M. Boivin, qui ajoute que pour éviter des crimes, il suffit souvent d’une très longue série de journées de pluie.
Policier à la retraite
Un policier de Montréal à la retraite confirme que les belles soirées d’été où le mercure grimpait étaient particulièrement occupées, surtout au centre-ville, où il y avait une concentration de personnes.
« Je me souviens que ça ne dérougissait pas. Et si à 1 h, il se mettait à tomber une pluie torrentielle, les appels arrêtaient complètement », a raconté l’ancien sergent-détective André Gélinas.
D’ailleurs, lors des précédentes guerres de gangs, comme en 2004-2005 ou pendant la guerre des motards, Montréal avait connu une recrudescence de balles tirées lorsque le mercure avait grimpé, a noté M. Boivin.
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