Victoria Mboko en demi-finale de l’Omnium Banque Nationale: son premier entraîneur raconte les sacrifices et la volonté derrière son ascension

Jessica Lapinski
Derrière l’ascension fulgurante et la semaine historique de Victoria Mboko à l’Omnium Banque Nationale se cachent les sacrifices d’une famille ainsi qu’une volonté forte d’offrir une vie meilleure à ses enfants, confie l’un des hommes qui ont été témoins de son grand talent à un jeune âge.
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«La maman de "Vicky" est venue me voir quand elle avait 4 ans, à une de mes académies à Toronto. Elle m’a parlé de son problème», explique Pierre Lamarche au sujet de la famille, alors fraîchement débarquée des États-Unis après avoir d’abord fui le Congo.
«Elle avait trois enfants à qui elle voulait apprendre le tennis [Victoria, la cadette, était encore trop jeune]. Mais comme beaucoup d’immigrants, ils n’avaient pas beaucoup d’argent.»
Le Montréalais d’origine, installé en Ontario depuis cinq décennies, a donc proposé à la famille Mboko de déménager à Burlington, où il possédait une autre académie. Il souhaitait l’aider, expose-t-il.
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Mais, rapidement, ils ont été quatre à fouler ses terrains. Déjà toute petite, Victoria Mboko montrait une volonté insatiable de jouer. Quand sa sœur aînée, Gracia, ramassait les balles en fond de court, elle se plaçait sur la ligne, avide de frapper.
«Comment refuser ça à une enfant?» sourit M. Lamarche au bout du fil.
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Elle avait la haine de la défaite
Plusieurs qualités démarquaient la jeune Victoria. «Elle n’avait peur de rien», souligne l’entraîneur de longue date. Déjà, elle était puissante, athlétique. Et, surtout, «elle détestait perdre».
Pierre Lamarche a vite noté chez elle un immense potentiel. Selon son plan, Mboko pouvait rêver du top-100 à ses 18 ans.
Il peut dire aujourd’hui qu’il ne s’est pas trompé. En écrivant l’histoire à Montréal, en devenant la plus jeune Canadienne dans le carré d’as, même si le tournoi compte désormais une ronde de plus, Mboko sera au minimum 48e au classement de la WTA, la semaine prochaine. À 18 ans et 336 jours.

L’homme de tennis se souvient aussi d’un papa très engagé, dévoué, qui travaillait de soir afin d’emmener ses enfants à leurs entraînements puis d’y assister.
«Plusieurs familles qui immigrent au Canada veulent offrir une vie incroyable à leurs enfants, souligne-t-il. Celle-ci était spéciale. Elle l’est encore.»
Mboko a vite monté les échelons au sein d’une académie – ACE Tennis – qui, explique Pierre Lamarche, a formé plus de 200 champions canadiens au fil des ans.
Fier de son jeu, fier de son humour
S’il faut tout un village pour élever un enfant, il faut toute une équipe pour faire progresser une joueuse vers l’élite. Ils sont donc plusieurs à s’être mis à l’ouvrage pour amener ce talent brut à un autre niveau, souligne M. Lamarche.
Et, à 12 ans, comme son jeu était déjà susceptible de faire des ravages à l’international, Victoria Mboko a quitté l’Ontario vers la Floride pour continuer son développement dans une académie IMG.

Cette semaine, Pierre Lamarche est en vacances à l’étranger, mais il regarde quand même avec fierté sa «Vicky» faire des ravages sur le central du Stade IGA. «Je suis fier», répétera-t-il durant l’entrevue, à la veille de cette demi-finale attendue, qui débutera vers 18 h.
Fier de ce jeu qu’elle a continué à développer, les déplacements ayant été sa plus grande faiblesse quand elle était plus jeune. Fier de cet humour qu’elle montre parfois sur le court en entrevue, une fois la rencontre terminée.
«Après son match contre Marie Bouzkova, il lui a été demandé si cette pause qu’elle a prise entre la première et la deuxième l’avait aidée, raconte-t-il. Elle a répondu: "Qu’est-ce que vous en pensez?"»
«Je me suis dit: "Ah, ma chère Vicky a un sens de l’humour, maintenant!"»

Pendant le reste de sa vie
Il y a encore place à l’amélioration dans son jeu, note aussi l’entraîneur, malgré ce que l’Ontarienne a accompli non seulement cette semaine, mais encore dans les derniers mois.
Plus de variations tant au service que dans ses autres frappes pourraient l’amener jusqu’au premier rang mondial, croit-il. Sinon, il la voit un jour «dans le top-10».

Pierre Lamarche a envoyé un message texte à Mboko après sa victoire contre Coco Gauff, deuxième au monde. «Elle m’a répondu avec un cœur. Je sais qu’elle doit être bombardée de messages.»
Il lui garde aussi une place spéciale dans le sien. «J’ai 78 ans, mais je n’ai jamais l’impression d’avoir travaillé, mentionne l’homme, qui demeure très impliqué au sein de ses académies. C’est l’effet que ça fait, d’être avec des jeunes.»
«Maintenant, si Vicky joue pendant 15 ans, je vais pouvoir la regarder jouer pendant le reste de ma vie. Et je vais pouvoir me dire que j’ai un petit quelque chose à voir dans tout ça.»
La folle ascension de Victoria Mboko depuis mars*
WTA 1000 de Miami | du 18 au 30 mars | Comme invitée
1er tour – victoire contre Camila Osorio (COL/56e mondiale) – 7-5, 5-7 et 6-3
2er tour – défaite contre Paula Badosa (ESP/11e mondiale) – 7-5, 1-6 et 7-6 (3)
Rang avant le tournoi: 162e
WTA 1000 de Rome | du 6 au 18 mai | Comme qualifiée
1er tour – victoire contre Arianna Zuchini (ITA/620e mondiale) – 6-2 et 6-3
2e tour – défaite contre Coco Gauff (É.-U./3e mondiale) – 3-6, 6-2 et 6-1
Rang avant le tournoi: 156e
Grand Chelem de Roland-Garros | du 25 mai au 8 juin | Comme qualifiée
1er tour – victoire contre Lulu Sun (AUS/45e mondiale) – 6-1 et 7-6 (4)
2e tour – victoire contre Eva Lys (ALL/59e mondiale) – 6-4 et 6-4
3e tour – défaite contre Qinwen Zheng (CHI/7e mondiale) – 6-3 et 6-4
Rang avant le tournoi: 120e
Grand Chelem de Wimbledon | du 30 juin au 13 juillet | Comme lucky loser
1er tour – victoire contre Magdalena Frech (POL/24e) – 6-3 et 6-2
2e tour – défaite contre Hailey Baptiste (É.-U./55e) – 7-6 (6) et 6-3
Rang avant le tournoi: 97e
WTA 500 de Washington | du 21 au 27 juillet
1er tour – victoire contre Anastasia Potapova (RUS/42e) – 6-2 et 6-4
2e tour – défaite contre Elena Rybakina (KAZ/12e) – 6-3 et 7-5
Rang avant le tournoi: 88e
WTA 1000 de Montréal | du 27 juillet au 7 août | Comme invitée
1er tour – victoire contre Kimberly Birrell (AUS/79e) – 7-5 et 6-3
2e tour – victoire contre Sofia Kenin (É.-U./27e) – 6-2 et 6-3
3e tour – victoire contre Marie Bouzkova (TCH/39e) – 1-6, 6-3 et 6-0
Ronde des 16 – victoire contre Coco Gauff (É.-U./2e) – 6-1 et 6-4
Quarts de finale – victoire contre Jessica Bouzas Maneiro (ESP/51e) – 6-4 et 6-2
Demi-finale – à venir contre Elena Rybakina (KAZ/12e) – à venir mercredi soir
Rang avant le tournoi: 85e
Source: WTA
*Seuls les résultats des tournois du Grand Chelem et de la WTA ont été compilés.