Victor-Lévy Beaulieu: l’adieu des siens à un grand insoumis


Josée Legault
Au cœur de la forêt touffue de la culture québécoise, l’été aura été meurtrier. Le jour de la fête nationale, Serge Fiori s’en est allé trop tôt. Deux semaines avant, Victor Lévy-Beaulieu le précédait sur la pointe des pieds.
Le premier, pour son legs musical monumental, a eu droit à des funérailles nationales. Le second, malgré qu’il soit un de nos plus grands auteurs, en fut privé pour cause de l’inculture navrante du gouvernement Legault.
Même si le gouvernement a bien d’autres chats à fouetter, dont le scandale SAAQclic exposé au grand jour à la commission Gallant, cette décision demeure injustifiable. Heureusement, par contre, la société civile a pris la relève.
En ce 2 septembre où VLB aurait fêté ses 80 ans – et où tous les yeux seront rivés sur le témoignage de François Legault à ladite commission –, prenons le temps de remercier tous ceux et celles qui, ce samedi, dans le Trois-Pistoles adoré de VLB, lui ont dit adieu avec amour, imagination et admiration.
Car à défaut de funérailles nationales, une idée de génie avait germé: lui offrir des «funérailles régionales populaires».
Mise en scène par Dominic Champagne et animée par le comédien et ami Yves Desgagnés, cette cérémonie, notait M. Champagne, serait «une vraie réparation à l’ignorance qui a statué qu’on ne devrait pas le saluer».
De grandes amitiés
Qu’on ne s’y trompe pas. L’organisation même de ces funérailles régionales populaires et la présence de centaines de ses amis, collègues, admirateurs, voisins et amis et de sa famille sont aussi venues dire au gouvernement sortant que la société civile n’avait plus besoin de lui.
Sur le plan politique, le message est cinglant. Devant l’état décevant des choses au Québec, il est toutefois peu étonnant.
Parmi les prises de parole aux funérailles, Lisette Lapointe, grande amie de VLB et veuve de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau, a raconté leur première rencontre, en 1994, aux côtés de son mari.
Une amitié immédiate en était née. Elle a aussi cité un texte magnifique que VLB avait signé au décès de M. Parizeau – cet homme plus grand que nature qu’il admirait en tout.
Tous ces «repas que nous prenions ensemble toutes les fois que je me rendais à Montréal, ces discussions que nous avions sur le pays-pas-encore-pays et sur ce qu’il conviendrait de faire pour qu’il devienne enfin souverain, inoubliables étaient-elles», y rappelait-il.
Libre penseur
«Sans cette complicité entre madame Lapointe et moi, ajoutait-il, aurais-je accepté de participer activement à la commission sur l’avenir du Québec, puis de m’engager comme je l’ai fait lors du référendum de 1995?»
Dans l’église bondée de Trois-Pistoles, Lisette Lapointe a lu son hommage à VLB, son «jumeau cosmique», qu’elle a qualifié avec justesse de «géant insoumis» dont l’œuvre, immense, lui survivra.
Victor Lévy-Beaulieu était en effet un libre penseur. Une plume puissante et unique. Un pourfendeur entêté de médiocrité. Un humaniste, un vrai. Un dénonciateur essentiel de nos petites et grandes lâchetés.
Puisse cet amoureux du Québec, de la planète, de la vie, de l’art et des humains d’où qu’ils viennent reposer en paix.
VLB, c’est pour Vie, Liberté et Beauté.