Victoire du Non en 1995: 30 ans plus tard, Jean Charest espère qu’il n’y aura pas de troisième référendum, mais est prêt à ressortir son passeport


Marc-André Gagnon
Pour commémorer le 30e anniversaire du référendum de 1995, Le Journal publie une série de reportages, d’entrevues et de chroniques proposant un retour sur ce rendez-vous historique.
Malgré la victoire du Non, pour Jean Charest le second référendum rappelle des moments «difficiles» qu’il préfère ne pas avoir à revivre. Mais s’il le faut, l’ex-chef libéral assure qu’il est prêt à ressortir son passeport canadien, comme en 1995.
Il y a trois décennies, l’image avait «marqué les esprits», s’est remémoré M. Charest lors d’un entretien avec le chef d’antenne de TVA Nouvelles, Paul Larocque, un entretien que notre Bureau parlementaire a pu visionner en primeur.
Il avait alors 37 ans. Lors d’un rassemblement du camp du Non en Beauce, celui qui était à ce moment-là chef du Parti progressiste-conservateur à Ottawa avait dégainé son passeport de la poche de son veston, comme pour témoigner de son attachement au Canada.
«Ça pogne! [...] Sur le plan de la comm, c’était très efficace», avaient aussitôt constaté M. Charest et son équipe. «Je m’en fais encore parler aujourd’hui», raconte-t-il. Entre autres à l’aéroport, lorsqu’il présente son passeport.
Pour le camp fédéraliste, ce coup d’éclat avait porté ses fruits. En début de campagne, «il y avait une espèce de ronronnement, une certaine confiance» dans l’autobus du Non.

Mais une fois venue la fin de semaine de l’Action de grâce, «tout change», se souvient M. Charest.
Bouchard «au sommet de son art»
Du côté adverse, Jacques Parizeau, voyant que sa campagne ne menait nulle part, avait confié les devants de la scène à Lucien Bouchard, en le nommant négociateur en chef du Québec advenant une victoire du Oui.
Grand tribun, Lucien Bouchard «était au sommet de son art», peut témoigner Jean Charest.
Pour les souverainistes, il y a eu un momentum. Le camp du Oui grossissait «de jour en jour, littéralement», constatait-il en comparant les rallyes des deux camps. Il y avait comme «un déficit d’émotion du côté du camp du Non», reconnaît M. Charest.

C’est là qu’à son tour, Jean Charest passe de «l’équipe B» à l’avant-scène. Jusqu’au dévoilement du résultat du référendum, s’installe la peur de perdre.
Le lundi qui précède le vote, «les marchés financiers plantent». «La valeur du dollar canadien baisse. [...] C’est un des événements qui a [eu] le plus d’effet dans la population», croit M. Charest, avec le recul.
Finalement, avec un résultat aussi serré, «on est sorti du référendum profondément divisé, meurtri», regrette celui qui deviendra par la suite chef du Parti libéral du Québec et premier ministre.
Rien de réglé
Même après, la question nationale n’était pas réglée, puisque Lucien Bouchard, en 1998, demandera aux Québécois un mandat clair pour tenir un troisième référendum.
Mais les libéraux réussissent finalement à priver M. Bouchard de ses «conditions gagnantes», en obtenant plus de votes que les péquistes qui obtiennent tout de même le pouvoir avec une majorité de sièges.
Pour Jean Charest, c’est à ce moment-là que se règle le second référendum. «L’élection la plus importante de ma vie, ce n’est pas celle que j’ai gagnée. C’est celle que j’ai perdue ce soir-là, parce qu’on [avait gagné] la pluralité des voix.»

Malgré toute «l’intensité» de la campagne référendaire, il préfère que le Québec n’ait pas à en revivre une troisième. Surtout avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.
«Je suis encore plus convaincu aujourd’hui, surtout dans le contexte actuel, à quel point notre citoyenneté canadienne est importante. Je pense que c’est encore plus convaincant aujourd’hui en 2025 que ça l’était en 1995», remarque Jean Charest.
Si d’aventure un autre référendum se présentait, «j’ai toujours mon passeport, il est toujours à date, il est renouvelé», prévient M. Charest qui serait prêt à refaire campagne pour le Non.