Victoire de Montréal: qui choisit prend pire?


Patric Laprade
Tout le monde connaît le vieil adage «qui choisit prend pire». Il est couramment dit sous la prémisse qu’en cas d’indécision face à une alternative, on prend généralement la plus mauvaise option. Ce proverbe a beau dater du 17e siècle, il est encore très actuel.
Est-ce que la Victoire de Montréal pourrait en être une autre victime?
Parmi les règles particulières à la LPHF, il y a celle où l’équipe qui termine au premier rang du classement en saison régulière doit choisir la formation qu’elle va affronter en demi-finale des séries éliminatoires entre la troisième et quatrième position.
L’an dernier, Toronto avait eu ce luxe et devait choisir entre Minnesota et Boston. L’équipe avait choisi Minnesota, qui avait terminé au quatrième rang du classement.
Résultat? Minnesota a éliminé Toronto en cinq parties, avant de jouer le même tour à Boston en finale afin de remporter la première coupe Walter de l’histoire.
Est-ce le même sort qui attend Montréal? Peut-être pas et pour plusieurs raisons.
Ottawa avant Minnesota
Tout d’abord, il faut mentionner que Toronto avait perdu les services de sa meilleure joueuse et celle qui serait ultimement choisie joueuse la plus utile dans la LPHF, Natalie Spooner, à la fin de la troisième rencontre contre Minnesota. L’équipe n’a plus jamais été la même par la suite.
Personne n’est à l’abri d’une blessure, mais en retour, personne ne peut les prédire non plus. Alors si Montréal perdait une Poulin ou une Desbiens, le sort de sa série pourrait être fort différent.
Montréal a eu une fiche identique de quatre victoires contre deux revers face à Ottawa et Minnesota cette saison. La troupe de Kori Cheverie a marqué 15 buts contre chacun de ses adversaires, alors que la réplique est survenue 12 fois pour Ottawa et 14 fois pour Minnesota. Des statistiques assez similaires.
Mais ce que Minnesota a pour elle qu’Ottawa n’a pas c’est de l’expérience en séries éliminatoires, l’expérience de remporter la coupe Walter. Et en ce qui me concerne, ça joue beaucoup dans la balance. Imaginez la claque au visage de choisir les vainqueurs de la coupe comme adversaires. Est-ce que tu veux donner aux champions défendants une motivation supplémentaire? Poser la question c’est y répondre.
L’attaque peut aussi venir de plusieurs façons du côté du Frost. Trois joueuses ont eu plus de 20 points. Quatre autres en ont eu au moins 15. On a deux très bonnes premières lignes. Et si les joueuses de défense Claire Thompson et Sophie Jaques sont excellentes en attaque, Lee Stecklein, quand elle ne marque pas ses trois premiers buts lors des deux derniers matchs de la saison, fait un excellent travail en défensive. Et elles ont deux gardiennes capables de se lever lorsque c’est le temps.
Ottawa n’a pas la même profondeur. Une seule joueuse a produit au moins 20 points. Quatre autres en ont eu au moins 15, toutes des attaquantes. On n’a pas une Jaques ou une Thompson à la ligne bleue. Et à moins d’une surprise et un retour d’Emerance Maschmeyer (elle n’a pas joué depuis le 11 mars) c’est la recrue Gwyneth Phillips qui sera devant le filet. À toutes les positions, Minnesota s’avère être un adversaire plus coriace.
Au niveau des statistiques d’équipes, Ottawa est celle qui a marqué le moins de buts dans la ligue alors qu’à l’autre bout du spectre, on retrouve Minnesota qui a terminé la saison avec la meilleure attaque. La Charge a aussi accordé quatre buts de plus que le Frost.
Et même si Ottawa a remporté quatre de ses cinq derniers matchs et ses deux derniers contre Montréal, Minnesota a démontré une résilience sans borne en remportant deux matchs sans lendemain, deux matchs qu’on devait gagner si on voulait participer aux séries, dont le dernier, samedi, une varlope de 8 à 1 contre Boston.
Est-ce vraiment l’équipe que tu veux affronter en séries?
La distance, une donnée à ne pas négliger
Puis il y a l’aspect logistique. Ottawa et Montréal sont les deux marchés les plus près l’un de l’autre dans la ligue. Le voyagement sera donc bien plus facile pour la Victoire. On parle d’environ deux heures d’autobus pour se rendre à Ottawa au lieu de près de trois heures de vol pour le Minnesota, plus les douanes et le temps d’attente avant et après à l’aéroport.
Il s’agit d’ailleurs d’un élément qui semble avoir fait pencher la balance pour Danièle Sauvageau et son équipe. Cette dernière a mentionné lors de l’annonce de son choix dimanche soir que le processus avait été suivi et qu’il s’agira d’une série « plus près de la maison ».
Les amis et la famille peuvent aussi être présents pour encourager les joueuses. Peut-être est-ce un peu plus lourd à gérer que d’être en quasi retraite fermée à Minneapolis, mais ça a plus de bons que de mauvais côtés.
Et d’un point de vue marketing, même si ça n’a certainement pas influencé la décision de Sauvageau, les amateurs de Montréal vont avoir plus de facilité à aller voir leurs favorites lors des matchs 3 et 4 (si nécessaire), tout comme les amateurs de l’Outaouais.
À tous les niveaux donc, Ottawa était le choix évident.
Maintenant que ce choix est fait, comparons les forces en présence.
Attaquantes
La première ligne de la Victoire est la clé du succès. Si Marie-Poulin, Laura Stacey et Jennifer Gardiner performent comme elles en sont capables, Montréal devrait sortir vainqueur. Par contre, le deuxième trio d’Ottawa composé de Tereza Vanišová, Brianne Jenner et Shiann Darkangelo est plus menaçant que le deuxième trio de Montréal, sans compter l’apport offensif que pourraient avoir Katerina Mrazova et Danielle Serdachny sur le troisième. Un meilleur premier trio avec la meilleure joueuse au monde versus une meilleure profondeur offensive, je déclare match nul dans cette catégorie.
Avantage: égalité
Défenseuses
Jincy Roese a marqué 14 points, mais a aussi terminé la saison avec un différentiel de moins 9. Jocelyne Larocque est solide en défensive, mais son âge se fait sentir, alors que Ronja Savolainen a probablement été la plus constante du groupe.
Du côté montréalais, Erin Ambrose est toujours aussi efficace sur la patinoire malgré une production offensive plus faible. Cayla Barnes a connu du succès offensif à sa saison recrue, alors que Mariah Keopple (si elle est remise de sa blessure) et Anna Wilgren sont des machines à bloquer des tirs, elles qui ont dominé la ligue dans cette catégorie.
C’était la position que la Victoire devait améliorer et pour laquelle il y avait un manque flagrant de profondeur lors de la série contre le Fleet la saison dernière. On ne devrait plus revoir Ambrose jouer plus de 60 minutes!
Avantage: Montréal
Gardiennes
Si Maschmeyer avait été en santé, on aurait eu droit à un duel de gardiennes d’Équipe Canada. C’est plutôt un duel Canada c. États-Unis auquel nous aurons droit et qui va opposer Gwyneth Philips et Ann-Renée Desbiens.
Et bien que Philips ait très bien fait en remplacement de Maschmeyer, force est d’admettre que Desbiens, probablement la meilleure gardienne cette saison, a une longueur d’avance. Cela dit, lors des trois derniers matchs dans lesquels elles se sont affrontées – un dans la LPHF, un lors de la Série de la rivalité et un dernier aux championnats mondiaux lorsque Phillips est venue en relève à Aerin Frankel en finale – l’Américaine a eu le dessus sur Desbiens. Une séquence que le mur de Charlevoix voudra certes brisée.
Avantage: Montréal
Entraîneuses
Kori Cheverie a déjà l’expérience des séries et a avoué avoir appris de ses erreurs de l’an dernier. On se souvient tous à quel point elle avait coupé son banc contre Boston, ce qui lui avait coûté la série. Elle a été en parfait contrôle de son équipe tout au long de la saison et elle peut compter sur une équipe tissée serrée, atmosphère à laquelle elle a largement contribué.
De son côté, il y a eu des moments au cours de la saison où certains experts se sont demandé si Carla McLeod était encore la femme de la situation à Ottawa. Si Cheverie a vraiment appris des erreurs, Montréal aura le dessus ici.
Avantage: Montréal
Prédictions
Je vais me mouiller et dire Montréal en 4. Mais l’équipe pourrait surprendre et terminer le tout en seulement trois parties.
Dans l’autre série, une reprise de l’an dernier entre Toronto et Minnesota, j’y vais avec Minnesota en 5. Ce ne sera pas une série facile pour les deux équipes, une série physique qui devrait laisser des traces pour quiconque passera à la finale.
Si Toronto et Minnesota débutent leur série mercredi, le tout commence jeudi soir à Laval pour la Victoire. Le deuxième match aura lieu dimanche après-midi (c’est la fête des Mères après tout), avant que la série se transporte à Ottawa les 13 et 16 mai. Si un match ultime était nécessaire, il aurait lieu le dimanche 18 mai en soirée à la Place Bell.