Victimes de trafic d’images intimes: deux plaintes, deux traitements opposés
Louis-Philippe Bourdeau
Deux femmes victimes dont les photos intimes ont été partagées à leur insu sur la messagerie Telegram racontent avoir eu des expériences diamétralement opposées quand elles ont porté plainte. «Quand tu portes plainte à la police, tu tombes dans un jeu de loterie parce que tu ne sais pas exactement comment va être traitée ta plainte», martèle Mélanie Lemay du mouvement Québec contre les violences sexuelles.
DES PHOTOS INTIMES D’ELLE MINEURE À LA MERCI DE CENTAINES D’HOMMES
Charlotte* avait 15 ans lorsqu’elle a envoyé des photos intimes à une personne de confiance.
Trois ans plus tard, elles ont resurgi sur le groupe «Quebec Leak VIP», accompagnées de son nom complet et de sa ville. C’est notre informateur qui l’a prévenue de la présence de ses photos sur Telegram.
«Sur le coup, j’étais terrorisée. Je ne savais pas qui avait vu ces photos-là. Je ne savais pas s’il y avait quelqu’un qui allait m’attendre à ma voiture», confie la jeune femme.
Les conséquences psychologiques ont été brutales. L’anxiété généralisée dont elle souffrait «est revenue d’un coup».
«Je ne pensais pas que l’humain est assez cruel pour faire ça», confie-t-elle.
«On m’a mise à nu devant des milliers de personnes. Je n’ai plus d’intimité.»
«Il faut vraiment que ces hommes-là comprennent que c’est terrible. Quelqu’un pourrait littéralement mettre fin à ses jours», martèle Charlotte.
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Une enquête en dents de scie
Les interactions de Charlotte avec la Sûreté du Québec l’ont profondément déçue. Un premier enquêteur lui aurait d’abord expliqué ne pas pouvoir «faire grand-chose», car les activités de Telegram sont basées à l’étranger.
«L’enquêteur m’a dit qu’on ne saurait jamais qui était responsable du partage de mes photos et que Telegram n’allait jamais coopérer», raconte Charlotte.
Son dossier a d’abord été fermé quelques semaines après le dépôt de sa plainte. Puis, en août, la SQ l’avise qu’il est rouvert – sans lui fournir davantage d’informations. Il n’y a toujours eu aucune arrestation.

TELEGRAM FORCÉ DE COOPÉRER: UN HOMME ARRÊTÉ POUR LE PARTAGE DE SES PHOTOS
Lorsque Coralie* a été informée de la présence de ses photos intimes sur un groupe Telegram, la découverte a été brutale.
«Beaucoup de réveils fréquents, d’insomnies, des crises, des douleurs. J’ai eu beaucoup d’émotions. J’ai même fait appel à la ligne antisuicide pour trouver du soutien», témoigne la Montréalaise de 32 ans.
En entrevue, Coralie a tenu à s’adresser directement aux membres de ces groupes illégaux.
«Imaginez que la photo que vous allez publier, c’est votre sœur ou votre mère. Est-ce que vous aimeriez que les autres puissent la regarder dans cet état de vulnérabilité? Je suis persuadée que la réponse serait non», martèle-t-elle.
Une enquêtrice dévouée
Contrairement à Charlotte, Coralie a vécu une expérience qu’elle qualifie de «positive» avec le SPVM. À la suite de sa plainte, une enquêtrice a rapidement été assignée à son dossier.
«J’ai l’impression que l’enquêtrice ne voulait pas laisser passer ça. C’était vraiment encourageant», estime Coralie.
Grâce à une ordonnance judiciaire rapide, l’enquêtrice a forcé Telegram à révéler des données cruciales sur l’identité du suspect.
Ces informations ont conduit à l’arrestation d’un suspect en juillet 2025. Ce dernier devra comparaître devant la justice en mars 2026.
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