Vers un gros virage des conservateurs


Mario Dumont
Le lendemain du dernier débat des chefs, en anglais, le chef conservateur Erin O’Toole avait dénoncé l’attaque de l’animatrice envers le Québec. En privé, son entourage nous disait même qu’il avait été si outré qu’il avait failli le faire séance tenante, en plein débat, mais que la formule de l’émission ne lui en avait pas donné la chance.
Rappelons que l’animatrice avait affirmé comme préambule à une question qu’il y avait un problème particulier de racisme au Québec. Elle avait aussi associé la loi 21 à l’intolérance plutôt qu’à un choix quant à la laïcité de l’État.
Le Parti conservateur ne se chauffait pas de ce bois. Erin O’Toole avait pris l’engagement de respecter les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Il n’allait pas appuyer ni applaudir la loi sur la laïcité, mais il allait respecter le choix des Québécois. Il l’avait d’ailleurs promis personnellement à François Legault, s’attirant des commentaires favorables de ce dernier.
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Multiculturalisme à fond
Les choses sont en train de changer radicalement. Le candidat ontarien Patrick Brown est entré dans la course conservatrice en tenant un langage assez apparenté à celui de l’animatrice du débat. Lui qui est maire de Brampton a moussé sa popularité au Canada anglais en organisant une collecte de fonds auprès des grandes villes pour financer la contestation de la loi québécoise.
Brown veut amener le Parti conservateur à renier ses positions de la dernière décennie et à supporter le multiculturalisme canadien avec plus de zèle que le gouvernement Trudeau. Il dénonce même l’époque où le gouvernement Harper était allé devant les tribunaux pour exiger que la cérémonie de citoyenneté pour les nouveaux arrivants se passe à visage découvert.
Selon lui, une telle exigence démontre de l’intolérance face à la diversité religieuse. De la même façon, il juge que l’Assemblée nationale ne peut pas exiger que des personnes en position d’autorité renoncent à leurs signes religieux pendant les heures de travail.
Bye bye Québec
Brown ne gagnera probablement pas cette course. Mais son arrivée n’est pas insignifiante. L’allié principal de Brown, c’est Jean Charest, un ancien premier ministre du Québec. Lui aussi a lancé sa campagne en annonçant qu’une fois élu premier ministre du Canada, il participerait à la contestation de la loi sur la laïcité.
Pierre Poilièvre est le seul qui pourrait encore défendre la position traditionnelle des conservateurs. Mais la pression sera forte sur lui pour qu’il laisse tomber. On voudra le faire passer pour intolérant.
En somme, le Parti conservateur pourrait se retrouver aux antipodes des positions défendues récemment en ce qui concerne le Québec et la laïcité. Et une fois qu’on a marqué des points dans la banlieue torontoise en bavant sur le Québec, on ne fait rien pour les reperdre. Il ne faudrait pas s’étonner de voir les conservateurs refroidis lorsqu’il sera question des pouvoirs de l’Assemblée nationale pour défendre le français.
Après tout, certains conservateurs hors Québec suggèrent depuis un certain temps que de laisser tomber le Québec, c’est la recette pour gagner des élections...
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