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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Véhicules électriques : Carney appuie sur la pédale de frein

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Photo portrait de Francis Gosselin

Francis Gosselin

2025-09-06T04:00:00Z
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Mark Carney a annoncé qu’il annulait les exigences d’électrification imposées aux manufacturiers automobiles.

Cette décision survient, a-t-il expliqué, afin de leur donner un peu de répit dans le cadre de la guerre tarifaire avec les États-Unis.

Damant une fois de plus le pion aux supporteurs les plus fervents du pétrole, Carney nourrit de nouveau la base la plus conservatrice de l’électorat canadien, qui désire ardemment continuer de brûler de l’essence à tout prix.

Un environnementaliste nommé Carney

En matière environnementale, il y aura toujours une bonne raison pour ne pas agir. Des pertes d’emploi. Un ralentissement économique. Le désagrément de devoir s’arrêter 20 minutes pour recharger sa voiture les rares fois où on parcourt plus de 300 kilomètres dans la journée...

C’est d’ailleurs une bien étrange volte-face venant de Carney, qui, il y a quelques années à peine, agissait comme envoyé spécial des Nations unies sur l’action climatique et la finance. Manifestement, les valeurs et les croyances de l’ancien banquier central n’ont pas résisté au dur test de la réalité politique.

Dans son livre Value(s), publié en 2021, Carney soutien que «l’économie s’est éloignée de ses fondements moraux, privilégiant le gain financier à court terme aux valeurs sociétales telles que [...] la résilience et la durabilité».

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Une fois en poste, que fait Carney? Il privilégie le gain financier à court terme, sacrifiant l’avenir économique, technologique et environnemental du pays.

Le «temps long» du penseur économique est incompatible avec les exigences immédiates de la realpolitik économique. Dur apprentissage pour le banquier.

La Chine loin en avant

En prétextant cette soudaine urgence de ne rien faire, les libéraux nous condamnent à un retard irrécupérable. Pendant que la Chine alimente 50 (cinquante!) entreprises dans le domaine des véhicules électriques, nous «donnons du répit» aux trois géants américains qui poursuivent leur course folle vers une technologie du passé, accentuant d’autant d’années le retard que nous cumulons, jour après jour, face à la concurrence féroce venue de Chine.

Dans les domaines des batteries, des panneaux solaires, de l’intelligence artificielle et des véhicules électriques, l’Amérique a inventé puis... n’a rien fait. Notre clientélisme politique semble nous condamner à la stagnation technologique.

C’est pourquoi nous protégeons notre marché avec des tarifs de 100% sur les véhicules chinois, ralentissant l’innovation et l’incitation à améliorer les produits fabriqués ici. Il viendra un moment où l’industrie américaine sera à ce point en retard qu’elle disparaîtra tout simplement. L’avance sera telle qu’il sera absurde de continuer de soutenir ces dinosaures industriels.

Plus nous la protégerons longtemps, plus la chute sera brutale.

Le «marché» n’a pas parlé

Certains diront que le «marché» a parlé. Le marché, pourtant, n’a rien à dire. Ces décisions sont politiques, rien d’autre.

À l’échelle mondiale, les ventes de véhicules électriques ont progressé de 25% en 2024. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la progression mondiale pourrait s’élever à 30% en 2025.

Le Canada est en train de rater le bateau.

Pour justifier notre médiocrité, nous invoquons la «demande». Ah! Faites-moi rire.

Si demain, des véhicules électriques chinois à 25 000$ étaient disponibles, le «marché» et la «demande» crieraient immédiatement leur urgence de faire la transition. On verrait les parts de marché de l’électrique doubler instantanément. Peut-être plus.

Mais pour faire plaisir à Trump, ainsi qu’à une poignée de lobbyistes qui souhaitent protéger des industries trop lentes pour s’adapter, nous avons transformé un marché concurrentiel en un marché d’influence.

Un marché où des intérêts particuliers triomphent au détriment des consommateurs, de l’innovation technologique et de la planète.

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