Vapotage: les jeunes adolescents de plus en plus dépendants
La crise s’aggrave et la dépendance à la nicotine est beaucoup plus élevée, selon un groupe de jeunes


Jean-François Racine
La crise du vapotage chez les jeunes s’aggrave et la dépendance à la nicotine est de plus en plus forte, estiment des adolescents rencontrés par Le Journal.
Santé Canada a publié récemment les résultats de l’Enquête canadienne sur la consommation de substances, menée auprès de 7026 jeunes âgés de 15 à 26 ans.
Selon les données, un tiers (31%) des adolescents canadiens de 15 à 19 ans ont vapoté au cours des 30 derniers jours. Seulement 5% des parents pensent que leur enfant vapote alors que la réalité serait au moins six fois plus grande.
«Le nombre de puffs qu’ils peuvent prendre dans une journée, c’est énorme. C’est vraiment un fléau dans les écoles secondaires», explique Marie Pelletier, directrice au Para-Chute, à Boischatel.
Nicotine et THC
Dans ce milieu de vie inclusif pour jeunes de 12 à 25 ans, une dizaine d’adolescents ont bien voulu discuter sans tabou de leur consommation de vape avec nicotine, et de wax pen, la vapoteuse à cannabis avec un taux élevé de THC.
En 2025, les groupes antitabac ne peuvent faire état d’aucun progrès significatif en ce qui concerne la crise du vapotage chez les jeunes. Les chiffres réels seraient d’ailleurs beaucoup plus élevés.
«Même de façon anonyme, as-tu vraiment envie de dire que tu consommes? Pour la vape, je dirais que c’est les 2/3 sur une classe de 30. Il y a même des jeunes qui vendent des vapoteuses au primaire. Ça me dégoûte, mais on fumait les vapes qu’on trouvait par terre», explique l’un des jeunes présents.
Des chiffres imprécis
«Ils pensent que ce sont les vraies données. C’est bien plus confrontant de constater les habitudes de consommation des jeunes. La société ne veut pas le savoir ni le voir. On pense que les jeunes ne veulent pas partager leur vécu, mais c’est faux», affirme Marie Pelletier.

Jusqu’ici, les cris d’alarme des parents, des établissements scolaires et des experts de la santé ont été ignorés. Les mesures prises par Ottawa et Québec semblent également inefficaces.
Selon la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, 75 millions $ de recettes fiscales sur les produits de vapotage (2023/2024) proviennent des élèves du secondaire, soit 40% du marché. «Le but, ce n’est pas de savoir ton âge. Le but c’est de faire de l’argent», lance une jeune fille.

«N’importe où»
Si l’achat demeure un jeu d’enfants, le nouveau buzz serait de réussir à vapoter en classe sans se faire prendre.
«C’est beaucoup moins compliqué que dans votre temps. La vape, tu peux consommer n’importe où. Tu peux aller vaper dans les toilettes. Tout le monde vape dans l’autobus ou en classe», ajoute un autre adepte.

Depuis le 31 octobre 2023, une réglementation visant à mieux encadrer les produits de vapotage est en vigueur. Il est désormais interdit de vendre un produit de vapotage comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac.
Le nombre d'incidents est en hausse
Si les jeunes sont toujours plus nombreux à vapoter, les incidents liés à la consommation suivent la même courbe à la hausse.
«J’ai vu quelqu’un à l’école qui avait pris une vape trop forte. Il est sorti de son cours pour être malade dans le corridor», affirme Nico.
«Moi, j’en ai vu un autre tomber au sol. On a appris après coup ce qu’elle avait consommé. Il y avait de la grosse marde», ajoute Mick, mettant en lumière ce qui peut se trouver à l’occasion dans les différents produits vendus légalement ou non.
Un autre adolescent a aussi expliqué qu’il avait consommé en vape de la diméthyltryptamine ou DMT, une substance psychotrope puissante. «J’étais pu dans mon corps!» a-t-il confié.
Au Para-Chute, on souhaite d’ailleurs créer des escouades avec des cours de secouristes et de la naloxone, pour démontrer que les jeunes sont bienveillants entre eux.
Une formation
Dès le mois de mai, cinq ou six d’entre eux suivront une formation de 16 heures, qui inclut une partie sur les surdoses. Cette forme de prévention pourrait ensuite s’exercer au Festival d’été ou dans d’autres rassemblements populaires.
«Il faut bien mettre en lumière la réalité des jeunes consommateurs. De prendre du temps pour rencontrer les jeunes, c’est rare», indique la directrice Marie Pelletier, précisant que l’organisme accueille les jeunes, même ceux qui ont consommé. Un lien de confiance existe, en plus du sentiment de sécurité.
L’organisme fait d’ailleurs des raccompagnements lorsque nécessaire, comme dans le cas de Marco.
«Sur les champignons, je voyais des affaires que je ne voulais pas voir. Je savais que je pouvais trouver refuge ici. L’équipe a été bonne pour moi. Sinon, j’aurais été par terre dans le champ avec les vaches et mon badtrip», raconte le jeune.
Des conséquences
Et que pensent les ados qui ne consomment pas?
«Ça me fait chier. La vapoteuse, c’est comme le centre de l’attention partout. Si tu ne vapotes pas, t’es une m...», croit Justine.
«Je vois des conséquences négatives sur mes proches, sur leur vie. Je vois des gens pris avec ça. Il y a des gens qui veulent vraiment arrêter», ajoute une autre jeune femme.
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