Vanlife: l’explosion des espaces gratuits fait rager les propriétaires de camping

Les espaces de stationnements gratuits fournis par les municipalités du Québec se sont multipliés et cette offre très populaire auprès des vacanciers nomades irrite les propriétaires de camping.

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Actuellement, 1700 espaces, presque tous gratuits, sont affichés sur le site Arrêt Nuitée VR, une référence pour les caravaniers qui veulent se poser le temps d’une nuit durant leur périple.

«Nous avons 193 localités intégrées à notre répertoire. Elles offrent 272 stationnements alternatifs comptant chacun plusieurs espaces», confirme l’initiatrice de cette plateforme, France Lanouette.

La retraitée de la région de Québec, qui opère bénévolement son outil depuis 2021, précise qu’elle n’a fait que répondre à un besoin pour les voyageurs.

Au départ, elle a contacté les municipalités une par une pour créer son répertoire d’une centaine de localités, et depuis, ce sont de 15 à 20 Villes qui s’ajoutent chaque année.

Camping Québec admet que les gratuités dérangent les propriétaires de terrains. Ceux-ci perdent cette clientèle qui pourrait s’arrêter ou même séjourner dans leurs installations.

«On est le seul type d’hébergement touristique qui est confronté à une concurrence d’une certaine offre gratuite», affirme la directrice générale, Julie Trahan.

Son organisation travaille avec les municipalités pour les conscientiser à cette réalité.

La faute de la pandémie

Même si le phénomène existait bien avant 2020 dans des commerces comme Walmart, des fermes ou des vignobles, c’est la pandémie de la COVID-19 qui a tout changé.

Plusieurs Villes et villages ont alors permis aux voyageurs de passer la nuit sur leurs terrains municipaux, ce qui devenait une belle alternative, alors que les campings débordaient puisqu’ils ne pouvaient opérer au maximum de leur capacité.

Mais comme le télétravail, cette offre de service qui se voulait temporaire est toujours en place. Elle a même pris de l’ampleur, constate France Lanouette.

«C’est très bon pour les commerçants et pour l’économie locale. [...] Il faut toujours garder en tête que c’est comme du donnant-donnant. Tu m’accueilles chez vous, ben moi, je te le rends», explique-t-elle.

Bon pour les Villes

Une autre plateforme québécoise lancée en 2017, qui travaillait presque uniquement avec les entreprises agroalimentaires et les sites touristiques, a ouvert ses pages à deux Villes de la province.

L’application propose des stationnements alternatifs à Trois-Rivières et à Granby.

«Ce sont effectivement les municipalités qui ont communiqué avec nous», mentionne la copropriétaire de Terego Karine Morin.

Elle explique qu’elles ont choisi des endroits stratégiques qui mettent en valeur les beaux paysages.

«[Elles le font] pour que les voyageurs vivent une belle expérience, qu’ils en parlent et fassent de la bonne publicité pour la Ville.»

Rivière-du-Loup est une autre Ville qui a suivi le mouvement.

Depuis l’été dernier, il est possible pour de petits VR de se stationner toute une nuit au parc de la Pointe, qui donne une vue imprenable sur les couchers de soleil.

«Le vanlife, c’est des gens amoureux de la nature qui veulent se réveiller le matin et se faire un cappuccino en regardant le fleuve ou un lac. [...] Ils n’iront pas dans les campings. Ces gens-là, on voulait quand même les retenir», indique un porte-parole de la Ville de Rivière-du-Loup, Pascal Tremblay.

Walmart les fait toujours rager

En plus des terrains et stationnements municipaux, les campings du Québec sont aussi en concurrence avec les Walmart, toujours aussi populaires auprès des voyageurs de passage.

Le gestionnaire du Camping Lido, à Saint-Antonin, dans le Bas-Saint-Laurent, déplore que le Walmart de Rivière-du-Loup, situé à moins de 10 minutes de son site, soit le magasin champion du camping clandestin au Québec.

Un peu comme Uber pour les taxis ou Airbnb pour les hôtels, Marc Beaudry y voit une concurrence déloyale.

«Oui, l’été, la fin de semaine, c’est complet. Mais la semaine, j’ai de la place. C’est sûr que j’en prendrais quelques-uns d’eux autres, des clients», affirme l’homme d’affaires.

Aller voir les élus

Après la saison estivale, ce dernier a d’ailleurs l’intention d’interpeller les élus municipaux sur l’offre des stationnements alternatifs, qui est en explosion, dit-il.

Il rappelle que les campings doivent respecter la Loi sur l’hébergement touristique, ce qui n’est pas le cas pour un commerce de détail.

«Ce que je trouve déloyal, c’est quelqu’un qui passe sa journée là, qui déroule son tapis, qui s’assoit sur l’asphalte et qui prend sa tasse de café», lance Marc Brochu, propriétaire de deux campings à Farnham et à Rivière-du-Loup.

C’est sans compter que les haltes routières et les stationnements des centres commerciaux sont souvent choisis pour les arrêts de nuit.

Étude

La question sera abordée cet automne avec la réalisation d’une étude qui mènera à la publication du portrait de la pratique du camping au Québec, un exercice qui se répète tous les quatre ans.

«Il faut voir c’est quoi, l’offre, puis ce que les gens veulent», affirme Julie Trahan, directrice générale de Camping Québec.