Vague de démissions: le système de justice a perdu 550 employés en un an
Plus de 1100 employés du ministère ont quitté leurs fonctions depuis trois ans, dont environ 550 juste en un an

Michael Nguyen
Près de 550 employés de la Justice au Québec ont démissionné dans la dernière année, révèlent des chiffres obtenus par Le Journal, qui démontrent que la tendance s’accélère depuis 2019.
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«Il manque de ressources», répètent pratiquement chaque jour les juges forcés de reporter des causes criminelles en raison du manque de personnel de soutien.
Les yeux en larmes, une procureure de la Couronne explique que «ceux qui restent n’en peuvent plus».
Des agents de bureau qui cumulent des années d’expertise parlent ouvertement de leur démission dès qu’ils sont embauchés ailleurs avec un salaire bien plus avantageux.
Ces cas, survenus dans les derniers jours, sont loin d’être uniques. Depuis 2019, 1126 employés du ministère de la Justice ont quitté leurs fonctions, tandis que 293 autres ont été mutés ailleurs au sein de l’État. Dans la dernière année, ils sont 541 à avoir démissionné, alors qu’il y a eu 133 mutations.
Ces chiffres incluent des adjointes à la magistrature, des greffières, des huissiers-audienciers, des techniciens en droit et même une poignée de stagiaires.
Partout au Québec
Si l’exode est particulièrement marqué à Montréal, avec 419 départs volontaires en trois ans, le phénomène touche l’ensemble du Québec, de l’Outaouais à la Côte-Nord en passant par l’Abitibi-Témiscamingue.
La crise est telle que les acteurs du milieu parlent ouvertement d’un «système sur le point de s’effondrer».
En 2019, les juges en chef des différents tribunaux alertaient déjà le ministère des problèmes d’attraction et de rétention du personnel de soutien, mais aucun projet pilote mis en place n’a fonctionné.
«Nous savons qu’à ce jour, aucune initiative n’a permis de contrer le nombre important de départs d’adjoints et de pallier les problématiques de recrutement», a toutefois affirmé la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, dans une lettre à ses troupes.

Les partis d’opposition pressent pour leur part Québec d’agir vite pour freiner l’hémorragie.
Des revendications
Car loin de s’améliorer, la situation n’a fait qu’empirer, faisant en sorte que des accusés commencent à réclamer leur libération, faute d’avoir pu se présenter devant un juge dans les délais imposés par la loi.
C’est le cas d’un Montréalais accusé de possession d’arme prohibée, qui souhaitait avoir une enquête sur cautionnement en trois jours, comme le prévoit le Code criminel. Deux proxénètes qui ont attendu leur audience pendant quatre semaines réclament quant à eux l’arrêt des procédures.
À cela s’ajoute une grève des avocats de l’aide juridique, qui demandent des conditions salariales semblables à celles des procureurs de la Couronne.
Les avocats en pratique privée ont pour leur part voté lundi en faveur de moyens de pression pour bonifier les tarifs juridiques, lesquels sont si bas qu’ils finissent bien souvent par travailler sous le salaire minimum.
DÉPARTS VOLONTAIRES DEPUIS 2019
- Nord-du-Québec 2
- Centre-du-Québec 14
- Côte-Nord 14
- Mauricie 14
- Saguenay 15
- Gaspésie 18
- Chaudière-Appalaches 26
- Laval 28
- Bas-Saint-Laurent 30
- Estrie 30
- Lanaudière 31
- Laurentides 60
- Abitibi-Témiscamingue 65
- Outaouais 74
- Montérégie 108
- Capitale-Nationale 178
- Montréal 419
Source : Gouvernement du Québec, étude des crédits, 2022
LES PRINCIPAUX POSTES TOUCHÉS DEPUIS 2019
- Adjointes à la magistrature 159
- Huissiers-audienciers 109
- Greffières 200
- Techniciens en droit 146
- Agents de bureau 337
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