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L'article provient de Le Journal de Québec
Monde

Vaccins à ARN messager: une découverte à l'histoire complexe

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Agence France Presse

2023-10-02T13:33:11Z
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Les vaccins à ARN messager, apparus avec la crise du Covid-19 et qui ont valu le Nobel de médecine aux chercheurs Katalin Kariko (Hongrie) et Drew Weissman (États-Unis), ont marqué l'apogée d'une révolution thérapeutique. Une découverte qui pourrait aussi être utilisée contre certains cancers et maladies infectieuses, après des décennies de recherches et de multiples revers.

• À lire aussi: Le Nobel de médecine à la Hongroise Katalin Kariko et l'Américain Drew Weissman pour le vaccin ARNm

Comment ça fonctionne ?

L'ARN messager est présent dans toutes les cellules et leur permet de travailler au bon fonctionnement de l'organisme. Il sert d'intermédiaire entre le code génétique de l'ADN et l'activité de la cellule.

Plus précisément, c'est une copie provisoire d'une petite partie de l'ADN, présent en permanence dans le noyau de la cellule. Celle-ci utilise cette copie comme code pour produire des protéines spécifiques.

Avec un traitement à ARN messager, on insère ces morceaux de code génétique depuis l'extérieur. Ils sont donc créés artificiellement en laboratoire et non plus à partir de l'ADN.

Pour l'heure, la principale application reste la vaccination anti-Covid 19 avec deux noms désormais bien connus: les vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna.

Ils conduisent les cellules à reproduire des protéines présentes dans le virus --les «antigènes»-- afin d'habituer le système immunitaire à le reconnaître et à le neutraliser.

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Un vaccin classique cherche à habituer l'organisme à un virus (ou d'autres agents infectieux) mais il le fait en introduisant directement celui-ci dans le corps, sous forme atténuée ou désamorcée. Certains, plus récents, n'injectent que les antigènes du virus.

La révolution du vaccin à ARN messager, c'est de faire travailler directement les cellules à produire ces antigènes. Comme pour les autres vaccins, le système immunitaire réagit ensuite, notamment en générant des anticorps.

Les grandes étapes de cette recherche ?

Le prix Nobel de médecine décerné lundi à Katalin Kariko et Drew Weissman est l'apogée de 40 ans de recherches.

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«Leurs travaux montrent l'importance de la recherche fondamentale pour trouver des solutions aux besoins sociétaux les plus urgents», a réagi John Tregoning, professeur en immunologie vaccinale à l'Imperial College de Londres dans un message du Science media center.

Point de départ, à la fin des années 1970: des chercheurs ont inséré de l'ARN messager à des cellules in vitro et réussi à leur faire produire des protéines.

Ce type d'expérience a peu à peu été affiné et pu être reproduit sur des animaux, en l'occurrence des souris, une dizaine d'années plus tard. Mais on était loin d'en faire un traitement. Pendant des années, la recherche s'est heurtée à deux grandes difficultés.

D'abord, les cellules acceptaient mal l'ARN messager de synthèse, avec potentiellement une réponse immunitaire aux effets désastreux. Ensuite, l'ARN messager est, par contraste avec l'ADN, très instable, ce qui rend difficile de l'insérer sans qu'il connaisse de modification.

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Sur le premier plan, une découverte a été majeure dans les années 1990. Katalin Kariko et Drew Weissmann ont montré que les cellules acceptaient sans problème une version légèrement modifiée de l'ARN messager.

Sur le second plan, il a aussi fallu des années de recherche pour élaborer la bonne enveloppe: un mélange de minuscules particules de graisse, qui soit à la fois protecteur pour l'ARN messager et bien toléré par l'organisme.

C'est parallèlement à ces avancées que de premières start-ups pharmaceutiques sont apparues pour miser sur l'ARN messager, comme l'allemand Curevac en 2000.

Mais il a encore fallu une vingtaine d'années pour que le secteur parvienne à élaborer des vaccins probants chez l'humain - ils sont plus vite apparus pour les animaux -, se heurtant à des vagues régulières de scepticisme face aux possibilités réelles de cette technologie.

Et maintenant ?

Le secteur pharmaceutique travaille à l'élaboration d'autres vaccins à ARN messager contre des maladies jusqu'à maintenant résistantes à la vaccination.

C'est par exemple le cas du sida et de la malaria ou, dans une moindre mesure, de la grippe saisonnière face à laquelle l'efficacité des vaccins actuels est très irrégulière.

Pour chaque maladie, les considérations sont différentes. Mais ce sont, en gros, la flexibilité permise par l'ARN messager et la capacité à faire produire des antigènes par l'organisme lui-même qui permettent d'en attendre beaucoup.

Des essais cliniques sont ainsi en cours pour évaluer des traitements contre certains cancers. Ils sont également qualifiés de vaccins mais leur principe est toutefois bien différent de ceux contre des maladies infectieuses.

L'idée, c'est de prélever sur le patient des cellules cancéreuses pour ensuite élaborer et injecter un traitement qui permette à son organisme de reconnaître et attaquer les tumeurs. Là encore, la flexibilité de l'ARN messager est cruciale pour ces vaccins «personnalisés».

La découverte des deux Nobélisés «a ouvert la voie à énormément d'autres vaccins, dont l'un des avantages sera la rapidité de développement», a résumé à l'AFP Roland Marquet, chercheur du CNRS.

Les promesses de l'ARN messager sont encore plus larges. Il pourrait permettre au corps humain de produire des protéines que certaines personnes sont incapables de générer, notamment à cause de maladies génétiques.

«Des essais cliniques sont actuellement en cours pour traiter des maladies rares et ce Nobel va conforter l'engouement de la communauté scientifique pour ce domaine de recherche, qui restait peu étudié jusqu'à présent», s'enthousiasme Palma Rocchi, chercheuse à l'Inserm.

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