Une soupe d’herbes potagères comme si vous étiez en Nouvelle-France

Yvon Desloges
Selon Nicolas Bonnefons, auteur du Jardinier français paru en 1651, dont les écrits circulaient dans la colonie, mais seulement chez une minorité fortunée et instruite, les herbes potagères sont plus nombreuses qu’on ne le croit.
Parmi celles-ci, il faut inclure la poirée ou bette à cardes blanche – nommée ainsi par les résidents de la Picardie. Les cardes rouges, plus petites, perdent leur couleur à la cuisson. On peut aussi avoir recours à une autre petite espèce de bette, nommée arroche. Toutefois, Bonnefons prend soin de préciser qu’il « faut qu’il y en ait fort peu ».
Les épinards conviennent fort bien aux potages ; il en existe trois variétés, les grands, les petits et les blonds. Les épinards vont d’ailleurs éventuellement remplacer l’arroche dans les jardins.
La chicorée fait également partie de ces herbes, mais non les chicons ou endives, aussi nommées chicorées sauvages; selon Bonnefons, elle ne se mange que blanchie.

L’oseille fait aussi partie du groupe ; Bonnefons en identifie sept différentes variétés. L’une, dont les feuilles font jusqu’à sept pouces de largeur, provient des Pays-Bas de sorte qu’une seule feuille suffise à faire le potage ! Les gens du Lac-Saint-Jean ont eu des précurseurs !
Quant au pourpier, il en existe quatre variétés : le vert, le blanc, le doré et le pourpier sauvage. Les cotons en sont confits au sel et ceux-ci sont mis dans les potages, toutefois en petites quantités à cause de leur acidité.
Comme assaisonnement, outre le sel et le poivre, le cerfeuil et la myrrhis peuvent agrémenter les potages; dans ce dernier cas, elle a le goût de l’anis vert, mais elle se consomme surtout en salade, comme nous l’apprend le médecin Jean-François Gaultier.
La bourrache noircit les potages, mais ses fleurs les agrémentent, tout comme celles de la buglose. Son goût est plus agréable que celui du persil de Macédoine ou du céleri italien.
Dans tous les jardins coloniaux

Ainsi que le laisse transparaître la référence au médecin Gaultier, la myrrhis est disponible dans la colonie. Pour les autres herbes, autant Champlain, les jésuites que Pierre Boucher confirment la présence de ces aliments dans la colonie au XVIIe siècle. Au siècle suivant, ce sera le maraîcher Pierre Guy. Les grainetiers anglophones de Québec après 1760 offrent toutes les graines d’herbes à leur clientèle, sauf celles de bettes à cardes ; rien n’indique toutefois qu’elles ne soient pas disponibles ailleurs.
Des herbes de prédilection

Au printemps, au bout de leurs réserves d’aliments, les aïeux comptent sur le renouveau printanier et notamment sur la production du potager (en espérant que les gelées tardives ne soient pas trop fréquentes) pour se nourrir.
Cette période pouvait s’avérer critique pour les plus âgés, en couple ou célibataires. Arrivés à la fin de leur vie active, les aînés, majoritairement ruraux, se « donnaient » la plupart du temps à leurs enfants ou, aussi surprenant que cela puisse paraître, à un employé de ferme qui ne leur était pas apparenté. En échange de leurs biens, ils s’attendaient à recevoir notamment une pension alimentaire proportionnelle à la valeur des biens légués, ce qui se traduit dans nos us actuels par une hypothèque inversée.
Ce document notarié établissait pour les couples ou les célibataires la liste des aliments et services qui devaient être rendus annuellement, surtout en cas « d’incompatibilité d’humeur » entre bru ou gendre et beaux-parents !
Outre les légumes, viandes, poissons, sucres, boissons, épices, il arrive fréquemment que couples ou célibataires demandent des herbes potagères. Puisque les colons étaient friands de potages – on dit d’eux qu’ils étaient des soupiers –, de quelles herbes s’agit-il ?
Une recette de la Nouvelle-France

Selon les auteurs culinaires du XVIIe siècle, les herbes potagères se définissent comme des légumes dont on consomme les feuilles, par opposition aux légumes à racines.
De nos jours, diverses recettes épaississent le potage avec des pommes de terre, mais puisqu’à cette époque celle-ci n’est pas connue et que le pain constitue l’aliment de base, c’est la raison pour laquelle François de La Varenne préconise l’utilisation du pain : le chapon de pain n’est autre qu’un quignon.
Cette recette de soupe apparaît pour la première fois en 1651, mais son auteur la reprendra dans les éditions subséquentes de son traité culinaire et elle sera reprise par la plupart des auteurs culinaires du XVIIIe siècle, notamment par Joseph Menon dans la réédition de sa Cuisinière bourgeoise de 1772.
Évidemment, tous les ingrédients de cette recette sont disponibles dans la colonie, incluant le fromage parmesan qui est importé. En version contemporaine, la recette se lit comme suit :
Potage aux herbes
Ingrédients
- 2 tasses de pain en dés
- 1 laitue (au choix)
- 1 botte de bettes à cardes
- 5-6 feuilles d’oseille
- 1 oignon, haché menu
- 2 c. à thé (10 ml) de cerfeuil séché
- 1 c. à soupe (15 ml) de beurre
- 4 tasses (1 litre) d’eau ou de bouillon de légumes
- Sel et poivre, au goût
- Fromage parmesan, râpé, comme garniture (facultatif)
Préparation
- Préparez les dés de pain.
- Hachez menu les légumes. Les faire revenir dans le beurre.
- Amener l’eau ou le bouillon à ébullition ; intégrez les croûtons de pain et les légumes.
- Laisser mijoter 20 minutes. Passer au mélangeur si désiré.
- Garnir de parmesan si désiré.
- Source : François de La Varenne, Le cuisinier françois, 1699.
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