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L'article provient de TVA Nouvelles
Culture

Une série documentaire qui donne la parole aux victimes d’Alexis Joveneau

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Guillaume Picard | Agence QMI

2022-11-08T00:10:31Z
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Dans la nécessaire et touchante série documentaire «Face au diable de la Côte-Nord», le père Alexis Joveneau des Oblats de Marie-Immaculée est présenté comme le pire prédateur de l’histoire canadienne. 

Originaire de Belgique, Joveneau en a mené large au sein des communautés innues et blanches de la Basse-Côte-Nord, de son arrivée en 1953 jusqu’à son décès en 1992. En plus d’être suspecté d’avoir abusé de dizaines d’enfants et d’ados – autant des filles que des garçons –, il aurait aussi fait main basse sur d’importantes sommes d’argent ne lui appartenant pas. Il aurait également déporté des Innus, forcé des mariages et décidé quels enfants étaient envoyés dans des pensionnats autochtones.

Les trois premiers épisodes, sur un total de cinq, sont bouleversants et montrent l’ampleur de la souffrance provoquée par Joveneau, qui était considéré comme un «Dieu», ce qui empêchait les croyants de le contredire. Réalisée par Isabelle Tincler et produite par Pixcom, la série est fouillée, touchante et rigoureuse, dans la mesure où on a accès à des archives et que l’on donne enfin la parole aux victimes.

Écoutez l'entrevue avec Magalie Lapointe à l’émission de Sophie Durocher diffusée chaque jour en direct 14 h 35 via QUB radio:

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Selon la journaliste Magalie Lapointe, Joveneau n’avait pas de clientèle type comme beaucoup d’agresseurs. 

«Peu importe qui était [avec lui] pouvait devenir une proie, une victime», a-t-elle dit en table ronde virtuelle, lundi. Elle est retournée sur le terrain pour pousser plus loin son enquête, appuyée cette fois par la cinéaste innue Jani Bellefleur-Kaltush, originaire de la Côte-Nord, et le chef d’antenne de TVA Michel Jean, qui est un Innu de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

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Les langues se délient

Depuis que quatre femmes ont eu le courage de dénoncer Joveneau lors de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, en 2017, les langues se délient sur la Côte-Nord. Une action collective visant les Oblats de Marie-Immaculée regroupe à ce jour 320 plaintes, dont 62 sont liées à Joveneau, selon ce que le cabinet Arsenault Dufresne Wee a indiqué à l’Agence QMI.

Mais comment un homme a-t-il pu, pendant quatre décennies, manœuvrer en toute impunité, sans que sa communauté n’ait jamais rien su ou suspecté? On dit qu’il choisissait ses victimes, qui provenaient souvent de familles démunies ou croyantes, histoire de maintenir son emprise et sa domination.

Une loi du silence demeure autour de Joveneau, Joveneau qui demeure bien présent sur la Côte-Nord, même 30 ans après sa mort. Il est enterré au cœur de Unamen Shipu, la communauté innue de La Romaine où il a régné en roi et maitre pendant 39 ans. Chaque matin, une de ses victimes présumées, une femme marquée par les attouchements subis au confessionnal, sur les genoux de Joveneau, se lève en voyant la tombe de son agresseur depuis sa fenêtre, ce qui donne froid dans le dos.

Luc Tardif, qui est missionnaire de Marie-Immaculée et responsable des Oblats au Québec, dit que sa communauté paiera si on lui demande de relocaliser la sépulture de Joveneau.

Magalie Lapointe a cosigné «Le diable de la Côte-Nord» avec David Prince, livre publié en 2019 aux Éditions du Journal. Cette ancienne journaliste du «Journal de Montréal» dit que la nouvelle enquête faite sur le terrain lui a permis de creuser davantage le sujet. Elle en a même fait une quête et est tombée en amour avec la région de La Romaine, au point d’y acquérir une maison.

La guérison sera longue, tant les traumas intergénérationnels ont fait des ravages, mais les victimes peuvent maintenant parler, être écoutées et crues.

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