Une routine rassurante


Jacques Lanctôt
Depuis le début du mois de juin, tous les jours ou presque, en fin d’après-midi, vers les 16h ou 17h, il pleut sur La Havane. Pas une petite pluie fine, mais une pluie torrentielle, avec foudre et tonnerre assourdissant. Cela dure environ une heure, le temps que les rues s’inondent, que les passants courent vers un abri de fortune, que la nature en profite et que les oiseaux cessent leurs gazouillis. Ces orages sont typiques des Caraïbes, changements climatiques ou pas.
Au bout d’une heure, le soleil réapparaît, et tout rentre dans l’ordre, tout s’assèche rapidement à tel point qu’on se demande s’il a plu. Les passants, de retour du travail, reprennent leur chemin vers la maison et les mères réapparaissent avec leur enfant à la main pour compléter leurs derniers achats avant le repas du soir. Quelques marchands ambulants qui avaient eu la bonne idée de se protéger de la pluie sous le porche d’un édifice reprennent du service au coin de la rue pour offrir tomates, oignons, haricots verts, poivrons, choux, bananes, goyaves et mangues, tandis que les chiens errants vont et viennent de nouveau dans leur quête incessante de quelque nourriture.
Pendant tout ce temps, je demeure assis sous mon portail, bien à l’abri, malgré les quelques gouttelettes soufflées par le vent, et j’attends que revienne le courant, dans une heure ou deux, après une panne programmée d’électricité d’une durée de quatre heures, le réseau ne pouvant satisfaire à la demande. Cette routine a quelque chose de rassurant malgré tout.
Regardant le ciel sombre qui s’illumine à chaque éclair, je ne peux m’empêcher de penser à un autre ciel qui s’illumine, lui aussi, au Moyen-Orient, mais pour d’autres raisons, celui de Téhéran et celui de Tel-Aviv, deux capitales séparées par à peine 1500 km, ce qui n’empêche pas les avions d’Israël de bombarder la capitale de l’Iran ni les missiles et autres drones iraniens de détruire des installations militaires israéliennes. Avec son lot de victimes innocentes des deux côtés. Quelle désolation!
Jusqu’où cette folie va-t-elle nous mener? Vers un conflit nucléaire où nous serons tous perdants? Plutôt que de lancer un appel à des discussions et à un cessez-le-feu, ce président grotesque étatsunien bombe le torse et ordonne aux dirigeants iraniens de capituler, en menaçant de détruire lui aussi leur capitale, s’ils ne se rendent pas, et d’assassiner même son président. Belle manière de régler un conflit en jetant de l’huile sur le feu.
Et si on a le malheur de prendre parti pour l’un des deux belligérants, aussitôt, la moitié de nos «amis» se déchaînent contre nous en nous traitant de fascistes, d’intégristes, d’antisémites, de sionistes, etc. C’est du moins ce que j’observe dans les médias si peu sociaux.
Je me dis que le ciel de Cuba, malgré ces orages violents, ces éclairs, ce tonnerre, les cyclones à venir, est bien le meilleur endroit au monde sous lequel vivre. Cuba, malgré toutes ses pénuries, malgré ses coupures d’électricité, malgré sa chaleur accablante lorsque la panne d’électricité interrompt abruptement le fonctionnement du climatiseur ou du ventilateur, me séduit et me charme toujours, tout comme ses habitants, tout comme ses plages, tout comme sa mer qui nous entoure. Même si on ne s’y baigne pas tous les jours, ni toutes les semaines, on sait qu’elle est là, la mer, qu’elle nous attend, qu’elle nous protège en quelque sorte des folies dangereuses du reste du monde.

Cuba et ses valeurs. Ici, la famille fait loi. Trois générations vivent souvent sous un même toit: les grands-parents, les parents et les enfants, dans le plus grand respect. Ce toit est bien souvent modeste, mais il n’appartient à aucune banque, à aucun prêteur. Ceux qui y habitent en sont les fiers propriétaires, et qui plus est, il n’y a aucune taxe foncière, aucune taxe scolaire à débourser. C’est gratuit!
Cuba, toujours fière de son passé glorieux, de son histoire, de ses héros, de sa résistance présente.