Une résidence a craint de revivre L’Isle-Verte
115 personnes ont été évacuées d’urgence lors d’un incendie durant une nuit de janvier


Louis Deschênes
Huit ans après le terrible incendie qui a tué 32 personnes à L’Isle-Verte dans une résidence pour personnes âgées, un drame similaire qui aurait pu faire 30 victimes dans la même région vient d’être évité grâce aux recommandations du coroner Cyrille Delâge.
Par une nuit glaciale, le 23 janvier 2014, le Québec tout entier était secoué par l’incendie de la résidence du Havre.

Pour une raison qui demeure encore inexpliquée, le feu prenait naissance à la cuisine et en quelques minutes seulement les pompiers faisaient face à un embrasement généralisé.
Les facteurs explicatifs de cet incendie en enquête publique ont éveillé le Québec sur les mesures de sécurité à prendre dans les résidences pour aînés afin d’éviter d’autres tragédies dans le futur (voir autre texte plus bas).

Dans des circonstances similaires, le 3 janvier dernier, vers 23 h 30 alors que le mercure indiquait -20 °C et que les locataires dormaient, le feu a pris naissance dans la cuisine des Résidences Labrie à Saint-Pascal, une petite ville du Kamouraska à 70 kilomètres de L’Isle-Verte, dans le Bas-Saint-Laurent.
L’alerte incendie a alors été déclenchée et les préposées étaient sur les dents, mais les gicleurs et les murs pare-feu ont sauvé les résidents de 113 unités d’une possible tragédie.
« Quand tu reçois un appel et qu’il y a un début d’incendie dans la cuisine avec la présence de flammes et de fumée, tu y penses, à la tragédie du Havre », affirme le directeur du service incendie à la Ville de Saint-Pascal, Éric Lévesque.
Alors que les pompiers s’attendaient au pire, à leur arrivée, les gicleurs avaient fait tout le travail ou presque. « Les recommandations ont porté fruit », s’empresse-t-il à dire.
2000 litres de propane
Le directeur du service incendie est catégorique : « les gicleurs ont sauvé des dizaines de vies ».
Quand l’alarme a sonné, le chef a immédiatement craint le pire en raison de la présence d’équipements au gaz propane.
Si les images peuvent sembler inoffensives, les faits demeurent, la cuisine était alimentée par un réservoir de propane de 2000 litres.
Dans de telles circonstances, la tension était palpable chez les pompiers. « Tu voyais que les gars craignaient de vivre L’Isle-Verte numéro deux », a-t-il indiqué
À l’emploi des Résidences Labrie depuis trois ans, Mélanie Beaulieu est celle qui a orchestré l’évacuation d’une partie de la bâtisse frappée par un début d’incendie.
« Quand l’alarme a sonné, le panneau de contrôle indiquait que le feu était dans la cuisine; j’ai appelé le 911 comme le veut la procédure. »
Souvenir de L’Isle-Verte
Par la suite, deux préposées ont évacué une trentaine de personnes âgées, dont certaines étaient atteintes d’Alzheimer. Quelques minutes plus tard, tous les résidents étaient hors de danger.
« Le lendemain, les gens me remerciaient. Tout le monde pensait à la résidence du Havre. »
Le propriétaire des Résidences Labrie, Stéphane Lapointe, a salué le travail du personnel et les nouvelles mesures mises en place qui ont assurément sauvé des vies.
« Heureusement, ce n’est plus la même réalité. Il y a eu l’avant et l’après L’Isle-Verte », dit-il, faisant référence à la présence de gicleurs, de murs pare-feu et de stroboscope dans son établissement.
Toutes les unités étaient munies de gicleurs
Toutes les unités des Résidences Labrie avaient des gicleurs, et ce, grâce aux recommandations du coroner après le drame de L’Isle-Verte.
En novembre 2014 débutait une enquête publique pour faire la lumière sur les circonstances de l’une des pires tragédies de l’histoire du Québec.
Après huit jours de témoignages au palais de justice de Rivière-du-Loup, le coroner Cyrille Delâge avait produit un rapport accablant de 135 pages.
« Ils doivent être munis de gicleurs automatisés », était-il inscrit en parlant des résidences pour personnes âgées du Québec.
Du personnel insuffisant, des pompiers mal formés et une protection incendie inadéquate dans les bâtiments avaient alors été ciblés pour expliquer l’ampleur de l’incendie.
À installer partout
Un an plus tard, le gouvernement de Philippe Couillard, via la Régie du bâtiment du Québec, ordonnait l’installation de gicleurs automatisés dans les établissements pour aînés de plus de 10 résidents.
Depuis, la Coalition Avenir Québec a bonifié la subvention et repoussé la date limite à décembre 2022 pour l’installation obligatoire de gicleurs.
À titre d’exemple, pour les Résidences Labrie à Saint-Pascal, en 2014, ce sont 73 unités sur 113 qui étaient munies de gicleurs.
Au fil du temps, les 40 unités restantes ont été mises aux normes et aujourd’hui l’entièreté du bâtiment est protégée.
Sécurité
Stéphane Lapointe, propriétaire des Résidences Labrie, qui font partie du Groupe ÉBÈN, affirme que les moyens qui ont été donnés par les gouvernements ont augmenté le niveau de sécurité des personnes dans les résidences pour aînés.
« On ne pouvait tout changer d’un coup de baguette magique, mais depuis le Havre, on a fait un bon bout de chemin. »