Épargner au minimum 25 fois son salaire annuel: une recette pour le malheur
Le mouvement FIRE (Financial Independance, Retire Early) regroupe des individus qui cherchent à tout prix à vivre de «revenus passifs» le plus tôt possible


Francis Gosselin
Il y a quelque chose qui m’intrigue dans cette idée de vivre ses meilleures années en se privant de tout, en vue de pouvoir... se priver de tout pour le reste de sa vie.
Le mouvement FIRE (Financial Independance, Retire Early) regroupe des individus qui cherchent à tout prix à vivre de «revenus passifs» le plus tôt possible, soit en maximisant leurs revenus soit, le plus souvent, en minimisant leurs dépenses. L’objectif est de réussir à épargner au minimum 25 fois son salaire annuel.
En visant à prendre sa retraite vers 40 ans, ces activistes de la finance sont bien particuliers: en essayant de s’affranchir de l’argent, ils en deviennent obsédés.
Certains pensent naïvement pouvoir vivre avec 40 000$ pendant les 40 prochaines années. Sauf que dans 40 ans, à 2% d’inflation, c’est avec l’équivalent de 18 115$ de pouvoir d’achat qu’ils devront «vivre».
Souhaitons-leur de... mourir jeunes?
C’est quoi, vivre?
Je repense souvent à une conversation que j’ai eue il y a quelques années avec une jeune collègue, qui me disait avoir hâte à ses vacances pour pouvoir «vivre».
Je suis peut-être vieux jeu, ou privilégié, mais il me semble que travailler, ça fait aussi partie de la vie, non? Vivre, c’est aussi sortir le jeudi soir dans un 5 à 7 avec des collègues, c’est lancer son projet entrepreneurial, c’est voyager pour aller rencontrer des clients, des partenaires, ou assister à une formation. On aime les vacances parce qu’on travaille!
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Sinon, ce n’est pas des vacances, c’est du chômage!
Malheureusement, pour les partisans du feu sacré de la retraite, vivre, c’est pour plus tard. Métro, boulot, dodo, accumuler le plus possible, le plus vite, pour enfin pouvoir... quoi, au juste? Vivre dans un campeur isolé de tout, alimenté par des panneaux solaires? Pendant 40 ans?
Il y a quelque chose d’étrange dans cet individualisme, à la limite de la sociopathie.
50 nuances d’étrange
Si le mouvement FIRE dissimule une relation malsaine à l’argent, on constate aussi qu’il est l’apanage d’une certaine catégorie d’individus. Ce sont souvent des jeunes gens nés dans des familles aisées, dont une grande partie du «succès» repose sur la richesse des parents, des écoles privées et des emplois très bien payés. Il est plus facile d’économiser un million quand on gagne 200 000$, paraît-il.
Dans ce mouvement, toutes sortes d’adeptes se classent selon qu’ils sont lean (le vrai minimalisme) ou fat (une retraite oisive adossée à des millions), ou encore barista (arrêter à 40 ans, mais travailler dans un café pour arrondir) ou même coast (épargner jeune pour ne pas avoir à épargner vieux).
On peut évidemment se souhaiter à tous et à toutes l’indépendance financière. Cela est une aspiration noble, qui permet de mieux contribuer à la société sans ressentir la pression financière.
Quand l’expression de cette ambition se traduit par la promotion de l’isolement et le refus de contribuer à la société, elle risque de mener davantage à des enjeux de santé mentale qu’à notre épanouissement.