Une Québécoise se livre comme jamais dans le documentaire Netflix sur la secte de Raël

Sarah-Émilie Nault
En 6e position des séries les plus regardées sur Netflix Canada, Raël: le prophète des extraterrestres fait revenir le gourou dans l’actualité, près de 50 ans après la création de sa secte. Parmi les intervenants du documentaire français se trouve l’ancienne journaliste d’enquête au Journal de Montréal, Brigitte McCann, qui avait infiltré le mouvement raëlien pendant 9 mois, en 2003. L’auteure du livre Journal d’une infiltrée revient sur sa troublante expérience.
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Pourquoi avez-vous accepté de participer au documentaire Netflix? «Beaucoup parce que la maison de production, qui est bien connue en France, m’a convaincue du sérieux de leur démarche. On voulait relater l’historique du mouvement.»
Y a-t-il un ou des moments où vous avez eu peur? «Un soir, je me suis retrouvée à deux mètres d’une personne qui me connaissait comme journaliste. J’ai paniqué. Ma voiture était loin et partir aurait été très louche. J’ai pensé : peut-être que c’est le temps d’arrêter? Chantal [Poirier, la photographe du Journal de Montréal qui a infiltré le mouvement avec elle] est allée lui parler et il repartait après la soirée. À cette époque, quand Raël rentrait quelque part, il était entouré de gardes du corps armés. Il avait déjà une aura de paranoïa. Il y avait aussi beaucoup de dénigrement contre les médias.»
Une chose que Raël a dit que vous n’oublierez jamais? «Il était sur scène et a dit : moi, je ne peux pas prouver que ce que je dis est vrai, mais vous, vous ne pouvez pas prouver que ce que je dis est faux. C’est la prémisse de tout ce qu’il fait.»

Avez-vous craint pour votre intégrité physique lorsque le reportage a été publié? «Le mouvement raëlien a manifesté devant l’immeuble du Journal pendant quelques jours. J’avais des gardiens de sécurité, car j’ai reçu des menaces. Ils ont essayé de salir ma réputation, pas nécessairement en tant que journaliste, mais en tant que femme. Car ils traitent les femmes comme des citoyens de seconde classe qui doivent être soumises et au service des hommes.»
- Écoutez l'entrevue avec entrevue avec Brigitte McCann, ancienne journaliste d’enquête au Journal de Montréal, via QUB :
«Lors d’une séance de signature du livre au Salon du livre de Montréal aussi. Une cinquantaine de raëliens m’ont encerclée en faisant une sorte de procession silencieuse en mettant de petits miroirs vers moi pour que je me regarde. Certains m’ont laissé des lettres avec des menaces que j’ai remises à la police. C’était inquiétant de composer avec des fanatiques.»


Gardez-vous des séquelles de ces 9 mois passés dans cette secte? «Je n’ai jamais vécu autant de stress dans ma vie. Mais plus je voyais des choses, plus je voulais que ça sorte. J’étais entrée dans un monde secret et dévastateur. Je voulais dénoncer le canular du clonage humain. Je ressentais cette mission-là.»
Ce qui vous rend la plus fière de tout ce travail? «Cette enquête a remporté le tout premier prix Judith-Jasmin au Journal de Montréal.»
Qu’est-ce que cela vous fait de voir Raël revenir dans l’actualité? Et de savoir qu’il sévit toujours au Japon? «Des documentaires sur Raël sont sortis l’année dernière au Québec. Cela coïncidait avec le 20e anniversaire de «l’annonce» du bébé cloné. Il y a donc eu un nouvel intérêt. Pendant le tournage qui s’est déroulé pendant la pandémie, à Paris, lorsqu’ils m’ont montré des scènes où on voit Raël au Japon avec des adeptes, j’avoue que j’ai été déçue. J’aurais aimé que ce qui s’est passé au Québec soit le point final au mouvement. Je me suis aussi trouvée naïve de penser que c’était fini.»


Ce qui vous a le plus outrée pendant ces 9 mois passés parmi les raëliens? «Comment les gens ne réagissaient pas! Lors des rassemblements où on entendait des énormités et des théories du complot, personne ne réagissait! Ils décourageaient la critique et les questions et ils encourageaient l’abandon total. Cela m’a vraiment marquée : la vulnérabilité de la psychologie humaine face à l’endoctrinement.»

Ce que vous diriez à un adepte aujourd’hui? «Je crois qu’il faut tenter de voir pourquoi les gens sont dans cette démarche. Par solitude? Parce qu’ils n’ont pas de famille? C’est par là qu’il faut les prendre. Au Québec, plusieurs se foutaient des extra-terrestres. On parlait plutôt de faire partie de l’élite de la société. Raël mérite notre mépris, il méprise les autres et a besoin que les femmes soient soumises. Il a besoin de ressentir un pouvoir sur les autres. Mais j’ai développé de la compassion pour des adeptes qui se sont fait avoir pendant une période difficile de leur vie. Il ne faut pas les juger.»


Pourquoi croyez-vous qu’il reste des adeptes aussi fervents? «J’ai juste une partie de la réponse, car le fait de mettre dans un tiroir ta logique et ton bon sens pour suivre quelqu’un qui raconte autant de mensonges reste encore mystérieux pour moi. Mon explication est que cela répond à un besoin. Celui de trouver une communauté, de faire partie d’une famille ou encore de monter les échelons, qui te permet d’avoir du pouvoir sur des gens. Ces gens en ont tellement besoin qu’ils en oublient de réfléchir. Devant le Y du doute, tu as deux choix : ne pas écouter cette voix de conscience et adopter tout de la secte, ou sortir de là.»

-Les 4 épisodes de la série-documentaire Raël: le prophète des extraterrestres se trouvent sur Netflix.