Une procureure de la Couronne accusée de délit de fuite et conduite avec les capacités affaiblies

Marc Sandreschi | Bureau d'enquête
Une procureure de la Couronne accusée de conduite avec les capacités affaiblies et délit de fuite aurait donné bien du fil à retordre aux policiers pendant plus de cinq heures, avant d’être finalement arrêtée.
Me Alice Bourbonnais-Rougeau, une procureure âgée de 30 ans qui travaille au Bureau de la grande criminalité du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), se retrouve dans de beaux draps depuis qu’elle a été arrêtée au printemps 2021.
Les événements qui ont mené à son arrestation par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) se sont déroulés le 24 avril 2021 en soirée, selon les documents judiciaires consultés par notre Bureau d’enquête.
Au volant de sa voiture, Me Alice Bourbonnais-Rougeau aurait d’abord percuté une autre automobile stationnée près de chez elle, a-t-il été exposé lors de son procès qui s’est tenu en janvier dernier à Montréal.
Le propriétaire de l’automobile percutée aurait alors voulu appeler la police, croyant que la jeune femme avait les capacités affaiblies. La procureure aurait cherché à le convaincre de ne pas le faire en lui offrant sa carte d’affaire afin de s’entendre à l’amiable avec lui.
«La police ne pourra rien faire puisque je rentre chez moi », aurait-elle dit au témoin avant de lui tourner le dos. À la course et « d’une façon maladroite», la procureure s’y serait ensuite dirigée, selon la version du témoin.
- Écoutez le segment Tout savoir en 24 minutes avec Alexandre Moranville-Ouellet sur QUB radio :
Tient tête aux policiers
Dépêchés sur les lieux, les policiers encerclent l’immeuble et accèdent au balcon de l’appartement de Me Bourbonnais-Rougeau en empruntant la ruelle ; ils tentent de la convaincre de leur donner accès, ce qu’elle refuse :
«Je suis procureure (...) si vous voulez rentrer de force chez moi, allez chercher un mandat», aurait-elle mentionné aux policiers pendant que l’un d’eux frappait sur la fenêtre avec un bâton télescopique.
Durant ce siège qui aura duré plus de cinq heures, les policiers scrutent ses allées et venues à l’intérieur de l’appartement; ils observent la procureure avec ce qu’ils perçoivent être une bouteille de vin à la main.
Une fois le mandat obtenu, le bras de fer se serait poursuivi. Avant de suivre les policiers, l’avocate aurait cherché à savoir ce qu’ils avaient indiqué au juge pour que ce dernier accorde le mandat.
Taux d’alcool élevé
Arrêtée et transportée au Centre opérationnel Est du SPVM, la saga se poursuit : la technicienne en ivressomètre se serait vue forcée de mettre un terme à l’appel téléphonique entre Me Bourbonnais-Rougeau et un avocat-conseil d’une durée de 27 minutes, pour pouvoir enfin procéder aux tests d’alcoolémie.
Finalement, ces tests ont démontré que la procureure aurait conduit avec un taux d’alcool variant entre 135 et 145 mg d’alcool par mililitre de sang. La limite légale est fixée à 80 mg.
La jeune avocate reviendra en cour le 29 mars prochain pour connaître la décision du tribunal.
À titre de procureure de la couronne, Me Alice Bourbonnais-Rougeau a notamment oeuvré dans le dossier Médiator, dans le cadre duquel l’ex-maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille était accusé d’abus de confiance et corruption.
L’ex-maire avait bénéficié d’un arrêt des procédures et la juge Nancy McKenna avait dénoncé les «représentations trompeuses», les «propos mensongers» et la «malhonnêteté» de l’équipe de procureurs et d’enquêteurs affectés au dossier.