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L'article provient de Bureau d'enquête

Une policière qui aurait menti devant la cour fait l’objet d’une enquête criminelle

C’est un trafiquant lié aux Hells Angels qui a porté plainte contre elle à la Sûreté du Québec

Le trafiquant Christian Lanthier a porté plainte contre une policière à la SQ, qui fait enquête dans cette affaire.
Le trafiquant Christian Lanthier a porté plainte contre une policière à la SQ, qui fait enquête dans cette affaire. Photo Agence QMI, Martin Alarie
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Marc Sandreschi

2023-09-26T04:00:00Z
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Une sergente de la Sûreté du Québec fait actuellement l’objet d’une enquête criminelle pour parjure parce qu’elle aurait menti lors d’un procès, a appris notre Bureau d’enquête. 

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La policière Dany Lafleur est dans de beaux draps depuis qu’elle s’est présentée devant la Cour supérieure à la fin de l’été 2020 pour témoigner dans le dossier de Christian Lanthier, un proche des Hells Angels qui faisait alors face à huit chefs d’accusation en matière de trafic de stupéfiants et de possession d’armes à feu. 

« Son témoignage est à la fois trouble, incongru et invraisemblable », a insisté le juge Michel Pennou, dans son jugement [voir extraits ci-dessous]. 

En novembre 2017, la policière Lafleur et des collègues se sont rendus au domicile de Lanthier, à Mascouche, afin d’effectuer une fouille dans le cadre d’une enquête de fraude. Une fois sur place toutefois, les limiers auraient décelé une odeur de cannabis. 

Lanthier a alors exhibé un permis de Santé Canada, qui lui permettait d’avoir du cannabis à des fins médicales, mais la sergente Lafleur a émis des doutes quant à la véracité de ce document.

Photo Agence QMI, Martin Alarie
Photo Agence QMI, Martin Alarie

 

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Les policiers ont donc demandé et obtenu un télémandat afin de mener sur-le-champ une perquisition dans la résidence. 

Ils auraient affirmé au juge-autorisateur que le permis de Santé Canada paraissait faux, sans plus d’explications, relate le jugement. Or, celui-ci était authentique. 

En faisant la perquisition, les policiers ont retrouvé des stupéfiants, des armes à feu et des munitions, ce qui a mené à des accusations criminelles. 

Lors de son procès, en 2020, Lanthier a attaqué la validité du mandat de perquisition en affirmant que les policiers avaient trompé le juge-autorisateur en laissant croire que le permis de Santé Canada était faux.

  • Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin via QUB radio : 

La policière Lafleur a alors affirmé sous serment qu’elle avait fait des appels auprès de Santé Canada pour s’assurer de la véracité du permis. Mais les registres d’appels n’affichent aucune communication avec l’organisme fédéral, note le juge Pennou. 

«[Je] ne peux que conclure qu’on a tenté d’induire [le juge-autorisateur] en erreur», affirme le magistrat, qui a exclu toute la preuve recueillie chez Lanthier lors de la perquisition. 

Extraits de la décision du juge Michel Pennou sur le témoignage de la policière Dany Lafleur 
« [Le témoignage de Dany Lafleur] possède tous les attributs du témoignage de complaisance. Il est donc difficile de lui prêter foi. » 
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« De tels comportements mettent en péril l’intégrité du système judiciaire. Ils sont des plus graves. » 
« Cette façon de rapporter les faits au juge-autorisation représente une violation claire et sérieuse du devoir bien établi qu’ont les policiers de faire preuve de candeur et de transparence. »   

Sans preuve contre lui, Lanthier a finalement été acquitté dans ce dossier, en juillet 2021.  

Pour la juge à la retraite Nicole Gibeault, le témoignage de la policière est « désolant ». « C’est inacceptable. On n’attend rien de moins que la vérité d’une personne qui représente les forces de l’ordre », a-t-elle avancé. 

Déplacement administratif 

En juin dernier, Lanthier a poursuivi au civil la policière et ses collègues [voir texte ci-dessous] en plus de porter plainte à la Sûreté du Québec, en février dernier. Selon nos informations, le corps policier aurait consulté le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin de déterminer s’il y avait matière à enquête sur les agissements de la policière.  

« [Le DPCP] nous a demandé de faire enquête [...] sur le parjure concernant [la sergente Lafleur]. Actuellement, je traite le volet criminel », a écrit à la fin août un lieutenant-enquêteur du service des normes policières, dans deux courriels à Christian Lanthier que nous avons pu consulter. 

Selon nos informations, la policière Dany Lafleur aurait depuis été affectée à des tâches administratives, le temps de l’enquête.  

Ni le DPCP ni la SQ n’a souhaité commenter cette affaire.

Le trafiquant Christian Lanthier réclame un demi-million de dollars à la police 

Le trafiquant et proche des Hells Angels Christian Lanthier poursuit pour un demi-million de dollars trois policiers de la Sûreté du Québec pour avoir passé 712 journées derrière les barreaux, une détention qu’il estime « illégale ».  

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Christian Lanthier a déposé sa requête de deux pages au palais de justice de Joliette, le 29 juin dernier.  

Le demandeur soutient que les agissements des policiers et ultimement du Procureur général du Québec (PGQ) – aussi visé par cette poursuite – l’ont amené à être détenu illégalement du 21 décembre 2018 au 3 décembre 2020.  

« Les défendeurs ont violé les droits constitutionnels du demandeur et ont induit le tribunal en erreur », écrit-il.  

Lanthier prétend que cette détention est directement imputable aux éléments de preuve que les policiers ont obtenus illégalement, lors d’une perquisition qu’ils ont effectuée chez lui, en novembre 2017 (voir texte principal). 

Il leur réclame 356 000 $ pour la durée de sa détention, et 200 000 $ en dommages exemplaires et pertes de revenus qu’il établit à 200 000 $.  

Pas la première poursuite 

Christian Lanthier n’en est pas à sa première poursuite contre l’État. En 2020, il avait poursuivi le PGQ pour près de 20 000 $. Il reprochait aux policiers d’avoir endommagé sa voiture Mercedes de collection au cours d’une perquisition. Aucune décision n’a encore été rendue dans cette affaire.

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