«Une nuit de tempête»: voici quelques révélations sur le formidable roman de l'écrivain Yves Beauchemin

Marie-France Bornais
Avec son immense talent de conteur et son don pour rendre vivants des personnages hauts en couleur et forts en gueule, le grand écrivain québécois Yves Beauchemin est de retour cet automne avec un récit formidable, Une nuit de tempête. Dans l’univers qu’il a créé, un urgentiste reçoit Philippe, un jeune patient de 19 ans qui vient de tomber sur un trottoir glacé. Il est loin de se douter que cette rencontre changera beaucoup de choses dans leurs vies.
À l’hôpital, le Dr Romain Bellerose a une drôle d’impression : Philippe ressemble beaucoup à son frère, décédé il y a plusieurs années. Petit à petit, tous ceux qui évoluent de près ou de loin dans l’entourage des deux hommes semblent resserrer le lien qui les unit, d’une étrange manière.

Écrivain habile, au sens de l’humour subtil, Yves Beauchemin n’a pas son pareil pour décrire les êtres et les situations, parfois réalistes, parfois rocambolesques, dans lesquelles ils doivent se dépêtrer. Ses dialogues sont formidables.
Yves Beauchemin explique, en entrevue, que le roman est né en hiver.
« J’avais décidé d’écrire un roman. Mais je suis moins jeune que je l’ai été... alors je ne savais pas si j’allais me rendre au bout. Je suis devenu un peu paresseux », raconte-t-il.
Pour se motiver, il lui est venu l’idée d’essayer d’obtenir une bourse... et la Ville de Longueuil en proposait justement une.
« Je me suis inscrit à un concours pour les écrivains de la Rive-Sud et j’ai gagné. Je me suis dit : “Le roman, il va bien falloir que je l’écrive ! Je n’ai plus le choix !” J’ai travaillé très fort. J’ai fait à peu près dix versions.
« Il faut dire aussi qu’à 82 ans, on n’a plus l’énergie qu’on avait à 40 ans. C’est évident. Mais je me suis rendu au bout. Alors on lance le navire à l’eau... et espérons que les tempêtes ne seront pas trop fortes ! »
Une image saisissante
La première image qui lui est venue est celle d’un jeune homme, en plein hiver, qui tombe sur le trottoir et qui s’assomme. « J’ai senti que c’était important. Je l’ai noté. Ce n’est pas un événement important... mais il se retrouve à l’hôpital et tout s’est déclenché à partir de ça. Il rencontre un urgentiste et il y a quelque chose qui se passe entre eux. Tout le roman est là-dedans. Philippe lui fait penser à son frère aîné qui était mort à 15 ans. »
Une nuit de tempête est un roman qui parle de rencontres : celles qui peuvent être de l’ordre des synchronicités, celles qui changent des trajectoires de vie, celles qui sont porteuses de changements et d’évolution profonde. De bonnes rencontres... et d’autres qui le sont moins.
« Philippe est de Joliette et se retrouve à Longueuil... et on fait la connaissance du personnage de Pablo Michaud, une espèce de petit pégreux, et de ses accointances un peu inquiétantes. Une série d’événements découle de cette rencontre. Des événements assez tough parfois. »
Opéré à cœur ouvert
Au cours de l’histoire, le médecin fait face à quelque chose qu’Yves Beauchemin a connu.
« Il y a quelques années, je me suis fait opérer à cœur ouvert. Vous savez, on emprunte à toutes sortes d’endroits pour écrire un roman. Parfois, on emprunte dans notre propre vie, à nous. Je n’étais pas obligé de faire de recherches sur une opération à cœur ouvert : je l’avais déjà faite, malgré moi. Ça m’a aidé. »
Toute l’action se déroule à Longueuil.
« J’ai choisi le Vieux-Longueuil, où je demeure depuis 40 ans, parce que ça simplifiait mes recherches ! Je le connais comme le fond de mon sac. »
Avec ces éléments qu’il attribue à la « paresse » (« pas de recherche médicale, pas de recherche de lieux »), il s’est lancé.
« Mais pour le reste, il faut quand même travailler ! »
EXTRAIT
« Il avançait d’un pas rapide sur le trottoir, de plus en plus transi, lorsque son pied glissa sur une plaque de glace. Il perdit l’équilibre, tomba par en arrière et sa tête heurta violemment le béton. Allongé de tout son long, son sac à dos projeté au bord de la rue, il demeura immobile, l’esprit confus. De violents élancements lui vrillaient l’occiput tandis qu’il ouvrait et fermait la bouche en haletant.
À présent, il sentait beaucoup moins le froid. Le temps s’était comme arrêté.
Soudain, une femme se pencha au-dessus de lui :
– Vous vous êtes blessé, Monsieur ? »