Une mère avait tenté de dénoncer l’entraîneur de karaté de Repentigny qui fait face à 65 accusations
Réal Chayer a des antécédents d’exploitation sexuelle, ce qui ne l’a pas empêché d’ouvrir une académie d’arts martiaux et de faire sa marque dans le milieu


Erika Aubin
Une mère de famille ne décolère pas de voir qu’un entraîneur de karaté de Lanaudière condamné pour avoir abusé sexuellement son fils mineur ait pu ensuite ouvrir un club privé, lui qui aurait récidivé à peine un an après la fin de sa probation.
«Quand j’ai appris pour les nouvelles accusations contre Réal Chayer, ça m’a scié les deux bras. J’ai commencé à enrager. J’avais déjà essayé d’alerter [les autorités] contre lui, mais personne n’a rien fait», lance au bout du fil une mère dont nous tairons l’identité pour protéger celle de son fils.
À l’époque, son garçon adolescent a été victime du professeur de karaté Réal Chayer. En juin 1998, celui-ci avait écopé de 90 jours de prison à purger les week-ends après avoir plaidé coupable à plusieurs accusations d’exploitation sexuelle.
Cela ne l’a pas empêché d’ouvrir en avril 2000 son académie d’arts martiaux Drakshido, selon le Registre des entreprises du Québec, avant même la fin de sa probation de deux ans.
Lundi, l’homme de 59 ans a encore été accusé, cette fois d’une soixantaine de chefs pour toute sorte de crimes sexuels qui se seraient produits pendant plus de vingt ans, entre 2001 et 2022. Il aurait commis les abus auprès de 11 jeunes garçons dans un contexte relié au sport, selon nos informations.
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Appels à la police
«Je ne comprends pas qu’il ait été capable de rouvrir encore une école de karaté avec son propre nom après sa sentence. Pour moi, c’est inconcevable qu’on ait laissé faire ça et que personne n’ait surveillé davantage», s’insurge cette mère de famille.

Si elle ne décolère pas, c’est parce qu’elle avait même essayé d’alerter les autorités à l’époque. «J’ai appelé deux fois la police parce que je l’avais vu dans d’autres écoles de karaté. Selon ses conditions, il n’était pas censé s’approcher d’enfants. Il n’avait pas le droit d’être là», se souvient-elle.
La dame dit n’avoir eu aucun suivi de la part de la police à ce moment. Et Chayer n’a jamais été accusé d’un quelconque non-respect des conditions, d’après nos recherches.
«Il a blessé des jeunes pour leur vie au complet et c’est comme si on l’avait simplement laissé recommencer», laisse-t-elle tomber. Sa famille n’a plus jamais été la même après les abus que son fils a subis.
Une autre mère, dont le fils a fréquenté pendant 14 ans l’académie de karaté située à Repentigny, trouve carrément effrayant que Chayer ait pu «avoir accès à des jeunes» malgré ses antécédents criminels.

«Son école était reconnue dans la région et m’avait été référée par une voisine. Si j’avais su, probablement que j’aurais retiré mon fils de là. On ne tentera pas le diable», lance-t-elle au Journal.
Des coachs pas surveillés
Karaté Québec souhaite un meilleur encadrement de la pratique de ce sport dans la province. Chayer n’était pas membre de cette fédération sportive.
«N’importe qui peut s’ouvrir un club et donner des cours dans son sous-sol s’il veut. On ne peut pas sévir contre des écoles privées qui ne sont pas affiliées avec nous. Et les parents ne sont pas nécessairement au courant que des certifications existent», explique la porte-parole Daphné Trahan-Perreault.
Elle invite donc parents et pratiquants à se renseigner auprès de la fédération pour connaître les reconnaissances d’un club: «Nos entraîneurs ont leurs certifications, ils suivent des formations par exemple sur la sécurité, on vérifie les antécédents judiciaires», énumère celle qui est aussi athlète.
Pour le moment, Réal Chayer demeure détenu, car la Couronne s’est opposée à sa remise en liberté. Son dossier revient à la fin janvier pour la suite des procédures judiciaires.
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