Une manifestation bruyante – et en musique – contre la fermeture du cabaret La Tulipe


Félix Desjardins
Des centaines de personnes ont manifesté à coups de chansons devant la salle de spectacle La Tulipe, afin de s’opposer à sa fermeture potentielle causée par un jugement de la Cour d’appel du Québec.

Ces défenseurs de la vie nocturne montréalaise et de la culture québécoise exprimaient ainsi leur soutien pour l’emblématique enceinte de l’avenue Papineau. L’initiative citoyenne, surnommée «Le beau boucan en soutien à La Tulipe», est venue au monde mercredi et a rejoint plus de 5000 personnes sur Facebook.
Une salle qui a tout vu

«Ça n’a pas de sens que ça arrive, a commenté le Montréalais Raphaël Pépin-Tanguay, 21 ans, connu pour son projet musical Velours Velours. On a une salle qui est là depuis un siècle, qui a tout vu, qui est un landmark [monument] de la musique montréalaise et du fleurissement de la culture.
«Il ne faut pas que ça annonce le début de quelque chose. Il ne faut pas essayer de casser cette effervescence vraiment importante dans des villes comme celle-là.»

Le rassemblement, qui a causé la fermeture de l’avenue Papineau entre Mont-Royal et Gilford, était supervisé par des agents du Service de police de la Ville de Montréal et s’est déroulé sans anicroche.
Un proprio qui ne se fait pas d’amis
Le mécontentement envers Pierre-Yves Beaudoin, propriétaire de l’immeuble adjacent et responsable des nombreuses plaintes de bruit ayant placé La Tulipe dans cette position précaire, s’est aussi mêlé à l’ambiance festive du rassemblement.

«Ça m’enrage qu’une seule personne soit capable de fermer la culture québécoise, a défendu le natif du Plateau André-Philippe Duchamp, âgé de 66 ans. Ils auraient dû agir avant, autant le maire Rabouin que la mairesse Plante. C’est un dossier névralgique.»
Rappelons les faits: Pierre-Yves Beaudoin a mis la main sur la bâtisse voisine de La Tulipe en 2016 et a reçu l’autorisation de la convertir en immeuble résidentiel. Une erreur administrative est responsable de l’octroi de ce permis, a admis le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Rabouin.

Depuis, le propriétaire, un investisseur immobilier bien nanti, a soumis pas moins de 20 plaintes de bruit à l’endroit de la salle de spectacle en s'appuyant sur le règlement antibruit de la Ville. En 2023, la Cour supérieure a forcé La Tulipe à entamer des travaux d'insonorisation. Le plus récent jugement de la Cour d’appel, qui empêche la salle de faire du vacarme perceptible dans le local voisin, pourrait s’avérer le dernier clou dans le cercueil de La Tulipe.
Un «tsunami» de fermetures?
Cette décision en a choqué plus d’un, puisqu’elle pourrait porter préjudice aux autres salles de spectacle du Plateau-Mont-Royal et, par extension, du reste de Montréal.

«Si on laisse faire un propriétaire, on ouvre la porte à un tsunami, a estimé la Lavalloise de 73 ans Francine Metthé. On veut garder notre patrimoine. On n’est pas au bord de la forêt, ça n’a pas d’allure.»
Le Plateau modifie son règlement sur le bruit
Lors d'une réunion spéciale, l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a modifié son règlement sur le bruit, hier soir, dans le but avoué de protéger les salles de spectacle contre des poursuites judiciaires comme celle qui a forcé le cabaret La Tulipe de fermer ses portes.
Les élus du Plateau-Mont-Royal ont modifié l’article 9 de leur règlement pour qu’il ne s’applique plus aux salles de spectacle. Cet article avait été invoqué par la Cour d’appel dans son jugement contre La Tulipe.
Le maire du Plateau Luc Rabouin a toutefois admis que ce changement ne sauvera pas nécessairement le cabaret La Tulipe.
Ce revirement n'a pas fait le bonheur de tous. Des citoyens ont dit craindre que ce changement provoque encore plus de bruits en provenance des salles de spectacles et des bars et brisent la quiétude du quartier.