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L'article provient de 24 heures

Une jeune mère bipolaire témoigne de la difficulté de se reconstruire après une psychose

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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2024-01-09T12:00:00Z
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Quand les symptômes psychotiques de Cassandre Clermont-Moquin ont commencé à se dissiper au mois d’août 2019, la jeune femme n’avait aucune idée qu’elle entamait une des étapes les plus difficiles de son combat contre la bipolarité: celle du premier retour à la réalité.  

Au printemps de la même année, Cassandre Clermont-Moquin a quitté son conjoint et un emploi qu’elle aimait pour se consacrer entièrement à sa quête spirituelle. Sans domicile fixe, elle dormait chez des proches ou dans sa voiture. Elle analysait les moindres détails de son quotidien, à la recherche d’indices qui allaient lui permettre d’accéder au bonheur et à la «lumière».  

«J’avais trouvé une carte de tarot dans les poubelles et je pensais que c’était une invitation spéciale. Donc, je me suis rendue à un endroit que j’avais décodé sur la carte. Évidemment, une fois là-bas, il n’y avait rien», se souvient-elle.     

Un jour de juin 2019, alors qu’elle se trouvait dans les Laurentides, son état s’est détérioré. Convaincue d’être enceinte après une aventure d’un soir, elle cherchait le signe qui devait sceller ce nouvel amour.  

«J’étais en détresse. Je cherchais la cérémonie de mon mariage. J’ai appelé mon père et comme mes propos étaient décousus, il m’a dit de ne pas prendre la route et d’aller me reposer dans un hôtel du coin jusqu’au lendemain», raconte celle qui était âgée de 27 ans à l’époque. 

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Hospitalisée deux fois en un mois 

Le lendemain matin, Cassandre a été admise à l’hôpital de Sainte-Agathe-des-Monts. Elle y est restée en observation pendant un mois. Les médecins lui ont confirmé qu’elle vivait un premier épisode psychotique. On estime qu’environ 3,5% de la population en vivra un jour, la plupart du temps entre 18 et 35 ans. 

Quand elle a obtenu son congé, le 16 juillet 2019, elle s’est installée à Montréal. Elle était fragile et avait encore des symptômes psychotiques.  

«À travers mes symptômes, j’avais des moments de lucidité qui me faisaient réaliser la gravité de ma situation», confie-t-elle à 24 heures.

Dans ce contexte, Cassandre a fait une crise suicidaire qui l’a conduite aux urgences de l’institut Douglas, à Montréal. C’est là, un peu plus d’un mois après sa première hospitalisation, qu'elle a reçu un diagnostic de trouble bipolaire, qui touche seulement 1% de la population.  

«Le médecin a fait une grande différence dans ma vie. Il a changé mes médicaments et j’ai arrêté d’avoir des idées psychotiques. C’était la première fois que je sortais la tête de l’eau depuis longtemps», souligne-t-elle. 

Le trouble bipolaire est caractérisé par des fluctuations importantes de l’humeur. La difficulté à se concentrer, le sentiment de dévalorisation, la culpabilité et l’apathie font aussi partie des symptômes qui se mêlent aux périodes d’exaltation. 

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Le difficile retour à la réalité 

Après le diagnostic, Cassandre a élaboré un plan pour remettre de l'ordre dans sa vie avec l’aide de la conjointe de son père. En l’espace d’un mois, elle s’est trouvé un appartement et un emploi dans un café. Elle a rencontré un homme qui allait devenir le père de ses jumeaux.  

Mais si elle avait l’impression d'enfin reprendre sa vie en main, ce retour à la réalité a été des plus difficiles.    

«Je n’arrivais même pas à écrire un courriel ni à enchainer des idées. Tout ce que j’avais déjà fait dans ma vie me semblait inconnu. Je n’avais plus de répartie, plus de rapidité d’exécution. J’étais lente, j’avais le cerveau dans le Jell-O», détaille-t-elle. 

«J’étais constamment très fatiguée et très anxieuse. Ma confiance en moi était vraiment basse. J’avais un mal-être constant», ajoute-t-elle.    

L’importance de s’écouter 

Pendant plus d’un an après avoir reçu son diagnostic de bipolarité, Cassandre se voyait ainsi mal reprendre les rênes de sa vie professionnelle. Elle est néanmoins parvenue à décrocher un poste de recrutement au sein de la firme d’aéronautique Pratt et Whitney. Elle y a travaillé quelques mois avant de prendre une pause obligée.  

«J’ai dû arrêter de travailler deux semaines, parce que c’était vraiment stressant que je ne voulais pas péter au frette», explique-t-elle.  

Déterminée à améliorer son sort, elle a profité de ces deux semaines pour «appliquer partout». Une agence de marketing a retenu sa candidature. Peu de temps avant son entrée en poste, elle a toutefois reçu un appel inespéré: son ancien employeur, le Strom spa nordique, lui proposait de reprendre ses fonctions. Elle a accepté.  

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«Ils ont été vraiment compréhensifs» 

Cassandre estime qu’elle a pris la meilleure décision possible en retournant travailler pour l’employeur qu’elle avait quitté en 2019.  

«J’ai pu expliquer que j’avais vraiment besoin de prendre soin de moi. Le travail après 17h, ce n’était pas possible. Ma nouvelle patronne avait un proche bipolaire, donc elle comprenait ma situation», explique-t-elle. 

Aujourd’hui, la jeune mère âgée de 32 ans est heureuse. Elle identifie cette période de retour au travail et la naissance de ses jumeaux comme des étapes charnières de ce qu’elle qualifie de «reconstruction». Elle sait toutefois que la maladie pourrait bien lui faire vivre une nouvelle crise un jour. On ne guérit pas de la bipolarité, même si les médicaments et le suivi thérapeutique aident à maitriser le trouble. 

Boucler la boucle 

Cassandre insiste: son entourage a joué un rôle crucial dans les moments difficiles. Elle tient ainsi à s’adresser aux proches de gens aux prises avec des symptômes psychotiques.  

«Ne prenez pas les choses personnelles et restez dans l’amour que vous avez pour cette personne. Parce qu’il va y avoir des choses qui vont être dites qui vont déstabiliser. Des actions qui seront inacceptables. Il faut avoir conscience du fait que la personne dans un état psychotique n’a pas beaucoup de contrôle sur elle-même», signale-t-elle.  

Et aux personnes aux prises avec la maladie: «Il ne faut pas accepter notre situation comme une fatalité. Il faut en parler et essayer d’atteindre le meilleur état possible sans abandonner. Ce n’est pas parce qu’on a plus de symptômes psychotiques que notre réalité doit être ternie à jamais. Mais il faut être curieux dans la recherche de traitement et en parler avec les médecins», conseille-t-elle.  

Cassandre donnera sa première conférence professionnelle pour l’Association de la santé mentale de Montréal le 23 janvier.  

Si vous ou vos proches avez besoin d'aide:

Trouble bipolaire

https://www.quebec.ca/troubles-mentaux/mieux-comprendre-troubles-mentaux/trouble-bipolaire

Clinique JAP (CHUM)

https://www.premierepisode.ca

(français)

Association canadienne pour la santé mentale

www.acsmmontreal.qc.ca

(français et anglais)

Programme Open the doors du World Psychiatric Association

http://www.openthedoors.com

(anglais, espagnol, allemand, grec, italien et portugais)

British Columbia Schizophrenia Society

http://www.bcss.org

(anglais)

Programme PEPP Montréal

http://www.douglas.qc.ca/expert_advices?category_id=7

(anglais et français)

École Mini-psy de l’Institut Douglas

http://www.douglas.qc.ca/section/ecole-mini-psy-123

(anglais et français)

Revue le Fil jeunesse

http://aqrp-sm.org/publications-de-laqrp/le-fil-jeunesse/

(français)

Schizophrénie et psychose - Association des médecins psychiatres du Québec

https://ampq.org/info-maladie/schizophrenie/

(français)

La psychose - CAMH

https://www.camh.ca/fr

(anglais et français)

Because Your Mind Matters

www.becauseyourmindmatters.ca

(anglais)

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