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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

Une importante lueur d’espoir dans la guerre aux bactéries résistantes aux antibiotiques

yurolaitsalbert - stock.adobe.com
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Photo portrait de Richard Béliveau

Richard Béliveau

2025-05-04T21:00:00Z
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Des chercheurs canadiens ont découvert une nouvelle classe d’antibiotiques dont le mode d’action nouveau et étonnant permettrait de contourner la résistance aux antibiotiques actuels, un grave problème de santé publique, à l’échelle mondiale.

Les antibiotiques sont des molécules naturellement produites par différentes bactéries et champignons comme moyen de défense contre d’autres microorganismes. Depuis la découverte de la pénicilline en 1928, l’utilisation médicale des résultats de cette guerre bactériologique représente sans contredit une des plus grandes révolutions scientifiques, car les infections bactériennes représentent historiquement un important facteur de mortalité chez l’humain.

Les antibiotiques permettent de traiter des infections autrefois mortelles, mais aussi ils ont rendu possibles des procédures médicales comme les greffes d’organes, les chirurgies à cœur ouvert et plusieurs autres interventions à haut risque d’infection.

Problème de résistance

Malheureusement, plusieurs souches bactériennes ont développé au cours des dernières décennies une capacité de résister à ces molécules. Cette résistance aux antibiotiques est considérée comme un des principaux défis auxquels la science devra faire face au cours des prochaines années et a déjà commencé à imposer un lourd fardeau: en 2021, on estime que la résistance aux antibiotiques a été responsable de 1,1 million de décès, un nombre annuel qui pourrait doubler d’ici 2050.

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Il va donc de soi que la découverte de nouveaux antibiotiques, capables de vaincre cette résistance, est absolument essentielle si on veut préserver nos acquis dans la lutte aux infections.

Étouffer la bactérie

Puisque les antibiotiques produits par les bactéries les plus courantes et abondantes dans l’environnement ont déjà été identifiés, des brillants chercheurs de l’Université McMaster ont eu l’idée de prélever des échantillons de sol et de les cultiver pendant une longue période (presque un an) pour permettre aux bactéries plus rares ou qui croissent plus lentement de produire des quantités d’antibiotiques suffisantes pour être détectées1.

En exposant les différents échantillons récoltés à une souche résistante de la bactérie intestinale Escherichia coli, ils sont parvenus à identifier une bactérie appartenant au genre Paenibacillus qui possédait une puissante activité antibactérienne.

En utilisant des techniques de la biologie moléculaire et de la biochimie, ils ont pu mettre en évidence que cette bactérie produisait une molécule ayant une structure très particulière en forme de lasso, c’est-à-dire qu’elle forme une boucle au-dessus d’un nœud semblable au lasso d’un cow-boy.

Cette protéine, que les chercheurs ont baptisée lariocidine, a un mode d’action tout à fait atypique pour un antibiotique: elle pénètre sournoisement de façon passive à l’intérieur de la bactérie et sa boucle se fixe physiquement sur la machinerie enzymatique complexe impliquée dans la synthèse de nouvelles protéines (ribosomes et ARN de transfert) pour perturber la lecture correcte du code génétique. Ce faisant, elle force la bactérie à produire des versions anormales de protéines qui deviennent toxiques en s’accumulant à l’intérieur du microbe et provoquent ainsi sa mort.

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Contourner la résistance

Cette action antibactérienne de la lariocidine est très intéressante, car elle cible un processus différent de celui des autres antibiotiques et les agents pathogènes n’ont évidemment pas encore développé de résistance.

À preuve, la molécule parvient à freiner la croissance d’un grand nombre de souches bactériennes, incluant celles qui sont résistantes à plusieurs antibiotiques. De plus, chez des souris infectées par une bactérie résistante à l’ensemble des antibiotiques disponibles (Acinetobacter baumannii C0286), le traitement avec la lariocidine a maintenu les animaux en vie pendant plusieurs jours, comparativement à moins de 24 heures pour ceux qui n’avaient pas reçu la molécule.

Selon les chercheurs, il est probable que cette nouvelle classe d’antibiotiques soit beaucoup moins susceptible de sélectionner des phénotypes de résistance. D’une part parce qu’ils parviennent à pénétrer dans les bactéries sans emprunter des systèmes de transport moléculaire présents dans la membrane des bactéries, car une façon couramment utilisée par les bactéries résistantes aux antibiotiques est d’employer ces transporteurs pour rejeter les antibiotiques hors de la cellule, les empêchant ainsi d’exercer leur pouvoir de destruction.

Et, d’autre part, parce que le processus ciblé (la synthèse protéique par les ribosomes) est tellement essentiel pour la croissance des bactéries qu’il est peu probable qu’elles parviennent à contourner ce blocage fondamental pour leur survie.

Même s’il est encore trop tôt pour crier victoire, il reste que cette découverte pourrait représenter une étape cruciale dans notre combat contre la résistance aux antibiotiques.

1Jangra M et coll. A broad-spectrum lasso peptide antibiotic targeting the bacterial ribosome. Nature, publié le 26 mars 2025.

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