«À boire!»: une historienne retrace quatre siècles de party au Québec!


Mathieu-Robert Sauvé
L’arrivée d’une outre de cidre dans le bateau de Samuel de Champlain marque le début d’une longue histoire d’amour entre les colons du Nouveau Monde et les produits alcoolisés.
«L’alcool fait partie des mœurs des premiers habitants de la Nouvelle France. On y ouvrait des bouteilles de Veuve Clicquot», lance en entrevue au Journal l’historienne Catherine Ferland, qui publie cette semaine chez Septentrion À boire! Un ouvrage qui retrace quatre siècles d’«alcools et de buveurs».
C’est une histoire «contrastée et colorée» qui caractérise la relation du peuple québécois et ses ancêtres avec le vin, le cidre et les spiritueux.
«Nous avons toujours eu un rapport festif avec la boisson», résume l’historienne qui a consacré son doctorat à l’histoire culturelle des pratiques de consommation en Nouvelle-France.

Cidre local
Les premiers alcools consommés dans le Nouveau Monde sont transportés d’Europe, mais dès qu’on fera pousser des pommiers, on en tirera du cidre. Dès 1720, l’île Sainte-Hélène, près de Montréal, compte «une trentaine d’arpents de pommiers, de même qu’un pressoir», peut-on lire dans À boire!
Mais durant le Régime français, c’est par résignation qu’on débouche des bouteilles de cidre. C’est le «manque de vin» qui amène les gens à consommer de l’alcool de pomme.
L’Église contre l’abus
La production croissante de différents produits alcoolisés amène la population à des excès au tournant du XXe siècle. «Rappelons que l’industrialisation a permis la production massive de boissons distillées, à haut degré d’alcool, dont le coût modique a favorisé la propagation dans toutes les classes sociales», écrit l’autrice.
L’Église s’opposera avec véhémence à l’ivrognerie, mais ses croisades de tempérance, en 1830 et 1850, se soldent par des échecs. Et même quand l’État tentera de réglementer le secteur, la population trouvera le moyen de contourner les lois.
Par exemple, lorsqu’est créée l’ancêtre de la Société des alcools du Québec, la Commission des liqueurs, le 19 février 1921, on oublie de mentionner le cidre comme un produit alcoolisé. Les buveurs profiteront de la «non-existence légale du cidre» pour s’en procurer sans scrupule chez les producteurs.
La production artisanale de différentes boissons – le caribou, le vin de pissenlits – caractérise bien le côté festif des Québécois. Longtemps, pour eux, le flacon n’importe guère pourvu qu’on ait l’ivresse. Mais une date marque un tournant dans leur rapport au vin: 1967.
«Expo 67 est une date importante. On découvre soudainement le raffinement, tant en gastronomie que dans notre rapport aux produits alcoolisés», résume Mme Ferland. L’ouverture sur le monde qu’on a connue à ce moment-là a permis un développement soudain des subtils arômes du vin et des alcools forts.
Catherine Ferland, À boire! Alcools et buveurs, XVIe-XXIe siècles, Septentrion, 2025, 168p. / 19,95 $.