Une génuflexion d’au moins 50 000 $


Réjean Tremblay
Je disais aux deux jeunes en remontant à Sainte-Adèle pendant qu’on était arrêtés sur la 15 à minuit sur une autoroute bloquée par des travaux «urgents» : Je vivrais jusqu’à 100 ans et je ne reverrais pas ce qu’on vient de voir au Casino».
Newfel Ouatah, boxeur algérien et français, a entendu le gong donnant le signal du début du combat contre un Simon Kean l’air épeurant.
Ouatah a fait un pas, s’est arrêté, a levé le poing droit et a posé un genou sur le tapis du ring. Simon Kean qui avait cinq mois d’entraînement intense à sortir du système a donné un léger jab de gauche, ne comprenant pas du tout ce qui se passait.
On a fini par comprendre plus tard en soirée et le lendemain en lisant les médias français comme L’Équipe et les magazines de boxe. Ouatah avait reçu un courrier vers 4 heures (ça, c’est dix heures du soir en France... celle-là, je ne la comprends pas. À moins que ça soit 4 heures du matin.) qui le prévenait qu’il lui était interdit de boxer à Montréal et qu’il ne serait pas couvert en cas «de soucis».
Mais alors, comment se fait-il que la Régie l’a laissé monter dans le ring?
10 MINUTES AVANT... TOUT ÉTAIT NORMAL
Quand le matchmaker Stéphane Loyer, un des bons de la profession, a contacté Newfel Ouatah pour lui offrir le combat contre Simon Kean, il a suivi la procédure habituelle. S’entendre sur une somme d’argent puis se faire envoyer tous les documents nécessaires. Incluant une demande envoyée à la Fédération française de boxe pour 2022.
La Régie des alcools, des courses et des jeux a examiné les documents et tout a été considéré comme réglementaire.
C’est vers 16 heures, vendredi après-midi, que la Fédération française aurait prévenu Ouatah qu’il n’était pas conforme et donc, pas assuré.
Au lieu de prévenir Camille Estephan qui aurait pu déplacer un combat préliminaire à neuf heures et demie pour TVA et les télévisions internationales qui se branchaient pour les trois derniers combats, Ouatah a joué la comédie.
Un quart d’heure avant le combat, Estephan est allé le saluer par courtoisie et le remercier d’avoir accepté le combat. Ouatah est resté calme et posé.
Stéphane Loyer est passé quelques minutes plus tard. Il l’a remercié de sa collaboration pour l’obtention des documents et s’est informé si les vols et les chambres d’hôtel avaient donné satisfaction au boxeur et à ses deux accompagnateurs. Tout avait été parfait et jamais Ouatah n’a donné le moindre indice de ce qui se préparait.
UNE PROTESTATION
Plus tard, après son coup d’éclat qui a terni une soirée magique et nui aux efforts d’Eye of The Tiger Management et de TVA Sports, Ouatah a expliqué qu’il avait posé ce geste pour faire une démonstration de protestation contre le sort subi par certains boxeurs en France.
C’est vrai qu’il n’a pas touché sa bourse de la soirée. Mais EOTTM a quand même payé trois billets d’avion et trois chambres d’hôtel et la bouffe pendant une semaine. Plus la bourse de ce pauvre Simon Kean qui a été privé du climax d’un combat après cinq mois d’entraînement. Faites le calcul et vous allez constater que c’est une génuflexion qui a coûté au moins 50 000 $. Sans doute plus.
Au moins, quand John Carlos et Tommie Smith ont levé le poing ganté de noir aux Jeux olympiques de Mexico de 1968, ils l’ont fait APRÈS avoir gagné l’or et l’argent. Pas avant la course!
Quant à Newfel Ouatah, il a sans doute évité une suspension par la Fédération française de boxe de quelques mois. Mais quel promoteur sur la planète va investir sur cet athlète de 37 ans?
Les images de son incroyable génuflexion ont fait le tour de la planète boxe depuis vendredi soir.
C’est toute une carte de visite.
SATISFACTION CHEZ TOP RANK
Virginie Assaly a savouré un bien meilleur café hier matin. En ouvrant ses courriels, elle est tombée sur celui de Brad Jacobs, le COO de Top Rank, responsable de l’entente avec ESPN +. À propos de la soirée de vendredi, Jacobs a écrit que l’on était très satisfait de la production, des combats et même des imprévus.
Il faut préciser que le réseau américain, comme son petit frère québécois Punching Grace, a présenté toute la carte en direct du Casino de Montréal. Les premiers combats se sont rendus à la limite et certains ont été plus qu’intéressants.
TVA SPORTS FRUSTRÉ PAR OUATAH
Chez TVA Sports, on était moins heureux. Louis-Philippe Neveu connaît sa boxe et sait qu’avec Mary Spencer et Christian Mbilli, un knock-out peut survenir en moins de cinq minutes.
Mais le big boss réalise aussi que le réseau a eu droit à trois rounds de boxe en tout avec la génuflexion de Newfel Ouatah.
Neveu est grandement satisfait de la production et du travail des commentateurs. Et puis – il est comme les autres – il est tombé sous le charme de Mary Spencer et de Christian Mbilli.
Neveu estime qu’à l’avenir, le réseau de Québecor pourrait prévoir quatre combats pour sa soirée. Si un autre boxeur décide de s’agenouiller, il va avoir un petit coussin.
DANS LE CALEPIN | Ça remonte le moral de voir le Casino rempli un vendredi soir. Les profits vont payer les frais de toutes les promesses électorales. Faudrait maintenant ramener le valet parking et offrir un peu de service dans le stationnement. Puis s’assurer que les tapis sont propres et que le personnel est correctement vêtu.