Une fable terrifiante sur notre époque
Un western apocalyptique qui en dit long sur notre époque!


Richard Martineau
C’est fou, le nombre de films d’horreur qui prennent l’affiche dans les salles depuis quelque temps.
On dirait qu’il y en a 10 nouveaux par semaine.
Tous les jeunes cinéastes font leurs premières armes dans l’horreur: Zach Cregger (Weapons), Ti West (X), Jordan Peele (Get Out), Coralie Fargeat (The Substance), Julia Ducournau (Titane), Pascal Plante (Les chambres rouges)...
Il faut dire que l’horreur est le genre parfait pour parler des problèmes qui accablent notre société.
Le racisme, le sexisme, la masculinité toxique, le culte de la jeunesse, etc.
UN WESTERN MODERNE
L’un de mes réalisateurs préférés, Ari Aster, a fait ses premiers pas dans le cinéma d’horreur.
Mais, après avoir tourné Hereditary (le plus grand film d’horreur depuis The Exorcist, à mon humble avis) et Midsommar, il s’est dit: «Pourquoi inventer des monstres alors que la réalité est plus terrifiante que tout ce qu’on peut imaginer?»
Alors, il a réalisé un film sur l’horreur des relations familiales (Beau Is Afraid, sur une mère culpabilisante qui castre psychologiquement son fils) et un film sur les maux horrifiants qui menacent notre civilisation.
C’est de ce dernier film que je veux vous parler.
Son titre? Eddington.
C’est le nom d’une petite ville située au milieu d’un désert.
L’action se déroule en pleine pandémie de COVID.
Il y a le maire (Pedro Pascal), qui veut imposer le port du masque partout, et le shérif (Joaquin Phoenix), qui trouve les mesures sanitaires plus dangereuses que le virus qu’elles sont censées combattre.
Afin d’abolir le règlement obligeant les gens à porter le masque, le shérif décide de se présenter aux élections municipales.
COMMENT UNE SOCIÉTÉ S’EFFONDRE
À partir de ce canevas classique, qui rappelle les westerns d’antan, Ari Aster a créé une fable terrifiante sur notre époque.
Plus le film avance, plus ça part en couille et plus la situation devient chaotique.
D’abord, il y a la pandémie. Les promasques et les antimasques.
Puis il y a les complotistes.
Les antifas.
Les antiracistes, qui voient du racisme partout.
Les militants qui veulent définancer la police.
Les populistes.
Les wokes.
Les influenceurs.
Les crackpots de droite, qui sont convaincus que la gauche est un regroupement de pédophiles.
Des casseurs.
Des sans-abri aux prises avec divers problèmes de santé mentale.
Des gens qui passent leur temps avec les yeux rivés sur l’écran de leur téléphone cellulaire, et qui croient tout ce qu’ils voient sur internet.
Ajoutez à ça des armuriers qui font une fortune en vendant des fusils d’assaut à n’importe qui, et vous avez une société sur le bord de l’effondrement.
UNE BOMBE
Eddington, c’est Denys Arcand sur l’acide.
Alors qu’Arcand jette un regard mi-désabusé, mi-amusé sur notre société, Ari Aster, lui, ne rit pas.
Notre époque est un film d’horreur, nous dit-il. Si ça continue comme ça, tout va péter.
Une communauté, le mot le dit, est un regroupement de gens qui partagent des valeurs en commun.
Or, nous n’avons plus rien en commun.
La société est divisée et polarisée comme jamais.
Et tout le monde est enragé.
Nous sommes tous assis sur une bombe et chacun de nous veut allumer la mèche.