Tribunaux spécialisés: une «épée de Damoclès» plane sur le projet, selon l’opposition

Vincent Larin
Le silence de la juge en chef de la Cour du Québec plane comme une «épée de Damoclès» au-dessus du projet de tribunaux spécialisés du ministre de la Justice, s’inquiète l’opposition.
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Malgré plusieurs modifications apportées par Simon Jolin-Barrette à son projet de loi 92, libéraux, solidaires et péquistes craignent qu’elles soient insuffisantes pour réconcilier sa position avec celle de la juge Lucie Rondeau.
«On pourra adopter le meilleur projet de loi, s’il y a des irritants majeurs qui font que la cour, qui est responsable de l’application de tout ça, garde des réticences et envisage une contestation, les victimes ne seront pas plus avancées», a déploré la députée du Parti québécois, Véronique Hivon.
Le projet de loi 92 prévoit l’instauration de tribunaux spécialisés en violence sexuelle et conjugale, une des recommandations phare du rapport «Rebâtir la confiance» qui découle de la vague de dénonciations #moiaussi.
«Extrêmement difficile»
Mais la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, s’y oppose puisqu’elle considère qu’il s’agit d’ingérence politique et que la Cour peut agir d’elle-même dans ce dossier.
Elle refuse également de commenter les modifications apportées par le ministre à son projet de loi dans l’espoir de rallier les partis après avoir tout de même déposé un mémoire lors des consultations.
Qualifiant «d’extrêmement difficile» la situation, Véronique Hivon déplore qu’il n’y ait aucune manière de connaître son opinion au moment où la juge laisse planer une potentielle contestation judiciaire, ce qui pourrait potentiellement retarder de plusieurs années l’entrée vigueur des tribunaux spécialisés.
«Est-ce que la juge est à l’aise avec le nouveau nom [pour le tribunal]? Il n’y a aucune manière de le savoir. Malheureusement, le ministre a refusé de l’entendre [en consultations]», a-t-elle dit.
D’autres inquiétudes
Aux côtés de ses vis-à-vis au Parti libéral et de Québec Solidaire, elle a soulevé plusieurs autres inquiétudes quant aux modifications que compte apporter le ministre à son projet de loi dont l’étude a débuté cette semaine.
D’abord, les députées d’opposition s’inquiètent de constater que les tribunaux spécialisés pourraient ne pas être déployés dans toutes les régions du Québec.
«Ce n'est pas ce qui était convenu, et ça n'a jamais été dans l'idée de rebâtir la confiance, au contraire, nous, ce qu'on voulait, c'est que ça puisse être déployé rapidement sur tout le territoire», s’est inquiété la libérale Isabelle Melançon.
Et si la question de la formation des juges aux réalités des victimes semble faire consensus, celle des autres acteurs, tels les procureurs et les policiers, est remise en question par le ministre, a affirmé la solidaire Christine Labrie.
«Ça a toujours été clair [...] qu'il fallait s'assurer d'un accompagnement intégré, de mesures de soutien pour les victimes bien en amont du dépôt de l'accusation et de la poursuite, mais bien dès le moment où une victime met le pied dans un poste de police», a-t-elle rappelé.