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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

France : une communauté juive ultra-orthodoxe soupçonnée de maltraitance

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AFP

2022-02-01T18:58:02Z
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Retranchée dans un vaste domaine de la région parisienne, une communauté juive ultra-orthodoxe, dont 16 membres ont été placés en garde à vue, est soupçonnée de dérive sectaire par les autorités françaises, accusée de faire vivre la soixantaine d’élèves de l’école talmudique dans des conditions indignes.  

• À lire aussi: Des élèves juifs hassidiques en classe illégalement

Situé à Bussières, un village de 500 âmes à 60 kilomètres à l’est de Paris, la yeshiva Beth Yossef, accueillait 40 adolescents de plus de 12 ans ainsi que 22 jeunes majeurs, principalement israéliens et américains. Mais 16 responsables ont été placés en garde à vue lundi.

L’école talmudique, ainsi que plusieurs familles juives orthodoxes se sont installées il y a plusieurs décennies sur ce domaine ceint de murs — un ancien sanatorium —, dont certaines des bâtisses en pierre de 3 à 4 étages sont délabrées. 

Des habitants, entrant ou sortant du domaine en voiture, ont refusé de répondre aux questions de l’AFP.

Dans le village, la présence de cette communauté, en retrait du reste des habitations, était connue, mais ne posait aucun problème.

«Avant, ils venaient souvent pique-niquer près de la mairie, ils étaient normaux, les enfants aussi. Ils essayaient de communiquer avec nous, mais les enfants ne parlaient pas français» témoigne Jordane, qui évoque des «gens discrets». Lors de ses promenades avec ses chiens à la lisière du domaine, elle voyait parfois les jeunes garçons, en bonne forme selon elle, couper les haies.

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Pourtant, 16 responsables de l’école ont été interpelés lundi par la gendarmerie et placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte pour séquestration en bande organisée, violences aggravées, privation de soins et d’aliments, abus de faiblesse aggravé.

Mineurs pris en charge

La procureure de Meaux, Laureline Peyrefitte, a décrit «des conditions abusives» d’accueil : «enfermement, confiscation des documents d’identité, conditions de vie dégradées, actes de maltraitance, absence d’accès à l’éducation et aux soins, sans possibilité de revenir dans leurs familles».

D’après une source proche de l’enquête, les élèves vivaient dans des conditions d’hébergement indignes et l’encadrement mettait en place une méthode éducative pouvant s’apparenter à de la maltraitance. 

«La direction de l’association conteste toute forme de violence au sein de son établissement qui n’est ni une secte ni un centre de redressement, mais un lieu d’enseignement religieux pour adolescents en difficulté», ont réagi dans un communiqué transmis à l’AFP Mes Philippe Ohayon et Dan Mimran, conseils du directeur de l’établissement. 

Les mineurs, sans «autorité parentale» en France, ont été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance pour un accueil provisoire en urgence.

Lors de l’opération de gendarmerie, les enfants n’avaient pas l’air traumatisés, a souligné la source proche de l’enquête.

En juillet, un élève américain avait fugué de la yeshiva et trouvé refuge à l’ambassade américaine à Paris. De novembre à décembre, d’autres adolescents se sont échappés.

Délabrement

Avi Ran, un Israélien âgé aujourd’hui de 33 ans, pensionnaire pendant 12 ans de l’établissement, a décrit à l’AFP un «lavage de cerveau».

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«Au début, c’était bien, on avait l’impression d’y être pris en main, même si les méthodes paraissaient très dures», raconte-t-il, mais l’«endroit est complètement délabré», sans eau chaude. 

Il décrit également des «châtiments» : «ils jettent l’opprobre sur l’un ou l’autre publiquement en disant qu’il +sort du chemin+ et les autres ne peuvent plus lui parler» et «il y a des coups physiques». 

«Rapidement on comprend qu’on est en prison, qu’on n’a plus de passeport, qu’on ne peut pas sortir du lieu (...) on pouvait passer des mois, même des années sans passer la porte de l’école, sauf pour rentrer en Israël exceptionnellement».

«On ne peut pas accepter la mise en danger de la vie des enfants, les chefs d’accusation sont terribles, on verra comment l’enquête avance, les conditions dans lesquelles ils vivaient sont inadmissibles. Point», a déclaré à l’AFP le grand rabbin de France Haïm Korsia, qui dit être en contact avec eux.

Pas de téléphone portable, pas d’internet, étude du soir au matin et peu de contacts avec la société : la yeshiva appartient à l’une des mouvances les plus rigoristes, dite «Lituanienne», très présente en Israël et aux États-Unis, mais peu en France. 

Selon le site internet de l’école, l’institution Ohr Yossef, dont dépend la yeshiva, a été fondée en 1948 par le rabbin orthodoxe Gershon Liebman et «regroupe plus d’une centaine d’étudiants, venant du monde entier».

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