Une citoyenne voudrait laisser pousser sa pelouse à sa guise

Mathieu Ste-Marie
Contrainte de couper sa pelouse jugée trop longue, une résidente de Sainte-Julie, en Montérégie, dénonce le règlement municipal à cet effet qui est, selon elle, désuet, en plus d’être dommageable pour l’environnement et la biodiversité.
Pascale Brassard entretient son terrain à sa manière, par exemple en enlevant l’herbe à poux régulièrement. Elle trouve la diversité des herbes devant sa maison magnifique et vivante, et se régale de voir les petits lièvres, les suisses, les oiseaux et autres espèces animales s’y promener. Or, elle a récemment reçu un avis de la Ville, selon lequel son gazon ne peut dépasser 15 centimètres. La résidente du domaine des Hauts-Bois a réagi en envoyant une lettre à sa municipalité, dans laquelle elle dénonce la coupe de gazon intensive et l’utilisation des pesticides pour avoir une pelouse verte.
«Je ne comprends pas pourquoi la Ville règlemente la hauteur du gazon qui n’a aucun effet néfaste sur personne, et qui est même bénéfique pour les abeilles et les insectes alors que l’on tolère l’utilisation de pesticides qui peuvent donner le cancer et tuer des pissenlits», affirme Pascale Brassard, en entrevue à l’Agence QMI.
Elle a accepté de nous parler, mais n’a pas souhaité que l’on prenne des photos de sa pelouse pour des considérations de vie privée.
Selon elle, le standard de beauté d’une pelouse très verte, sans mauvaises herbes et aux airs de «vert de golf» est révolu et n’est pas écologique.
«Je suis outrée que les citoyens puissent tondre leur pelouse à chaque 2 millimètres de repousse. L'utilisation de la tondeuse, particulièrement celle à essence, pollue l'air de manière aberrante», indique la citoyenne dans sa lettre. Elle s’est, malgré sa prise de position, résignée à couper son gazon pour éviter d'avoir une amende.
Terrain désorganisé
Sans vouloir commenter spécifiquement ce dossier, la Ville de Sainte-Julie dit qu’elle intervient seulement si le terrain est désorganisé. «Si on voit que le citoyen a une volonté de laisser pousser l’herbe de façon naturelle et organisée pour que ça ne détonne pas dans le voisinage, nous allons le tolérer. Par contre, si ça semble laissé à l’abandon, nous allons intervenir», explique la porte-parole, Julie Martin.

De son côté, le directeur de l’urbanisme, Pierre-Luc Blanchard, est d’avis qu’il faut ouvrir la discussion sur la longueur règlementaire de la pelouse. «Pour changer une philosophie ou un règlement, il faut la volonté de la population. Il faut les embarquer dans un mouvement plus environnemental. Mais faire évoluer les mentalités prend du temps.»
Celui-ci concède qu’un terrain qui a toutes sortes de fleurs ou de plantes qui poussent de façon naturelle peut être très beau. Pourvu que le terrain soit «organisé», ajoute-t-il.

Un règlement d’une autre époque?
Tondre le gazon moins souvent aurait des effets bénéfiques à plusieurs niveaux, selon une récente étude réalisée par des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Par exemple, selon cette étude publiée en 2020 dans le «Journal of Applied Ecology», tondre deux fois par année plutôt que six diminuerait le nombre de vers blancs, augmenterait le nombre de pollinisateurs et réduirait la chaleur au sol.
«Nous n’avons vu que des bénéfices», souligne un des auteurs de l’étude, Raphaël Proulx, professeur au département des sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Par contre, celui-ci note qu’une herbe plus longue attirerait plus de souris et de petits rongeurs.
Selon lui, les règlements sur la longueur du gazon datent d’une autre époque. «En Europe, la gestion des parcs est faite presque comme des prairies pour faire du foin. Au Québec, nous sommes vraiment en retard en ce qui concerne les espaces verts», dit-il, ajoutant que les Québécois doivent changer leurs habitudes.