Une campagne municipale soporifique dans une ville en crise


Yasmine Abdelfadel
Qu’elle est plate, cette campagne municipale! On pourrait croire que Montréal est étincelante, dynamique, propre et sécuritaire. La vérité, c’est qu’elle est en panne. Et pourtant, les candidats à la mairie de la plus grande métropole du Québec donnent l’impression d’avoir abandonné toute ambition. Manque de souffle, manque de vision, manque de créativité: ont-ils, eux aussi, perdu espoir?
Ce qui surprend (et déçoit) le plus, c’est l’absence de figure qui se démarque. Personne n’arrive à incarner l’énergie dont Montréal a désespérément besoin. Personne ne réussit à nous faire croire, ne serait-ce que quelques minutes, qu’il ou elle détient les idées capables de redonner un second souffle à une ville qui respire de plus en plus difficilement. On dirait une campagne de fonctionnaires, pas une bataille d’avenir.
L’idée du jour
Prenons l’exemple du jour: Luc Rabouin, candidat de Projet Montréal, propose d’investir plus de huit millions de dollars pour installer des toilettes publiques un peu partout. Des toilettes «autonettoyantes», répertoriées sur une carte interactive, accessibles en moins de 15 minutes à pied.
Des toilettes.
Est-ce vraiment ça, la grande vision pour Montréal? Certes, on manque cruellement d’installations publiques, et quiconque s’est promené un samedi après-midi au centre-ville le sait. Mais quand on place ce projet dans la hiérarchie des priorités, l’ironie saute aux yeux.
Car Montréal croule sous des problèmes bien plus urgents:
- un marché du logement où l’accessibilité est devenue un mirage;
- une crise de l’itinérance qui redessine nos quartiers et bouleverse notre sentiment de sécurité;
- une bureaucratie kafkaïenne qui décourage entrepreneurs et investisseurs;
- un centre-ville transformé en chantier permanent qui épuise autant les commerçants que les résidents;
- un transport en commun au ralenti, avec des wagons bondés et des prolongements de lignes qui se font attendre depuis des décennies.
Et face à ce portrait sombre, la promesse phare qu’on nous sert est... des toilettes?
En panne
La vérité, c’est que cette campagne électorale est le reflet de l’état de la ville: fatiguée, grise, résignée. Là où Montréal devrait être un laboratoire d’idées, une vitrine d’audace, elle se contente d’une gestion de base, au ras des pâquerettes. Une métropole en crise ne peut se contenter de rustines et de demi-mesures.
Or, jusqu’ici, aucun candidat n’a proposé une vision à la hauteur des défis. Pas de projet mobilisateur pour l’avenir, pas de plan de relance ambitieux, pas d’imaginaire collectif capable de rallumer l’étincelle. On parle de toilettes, de déneigement, de stationnement. De la microgestion. Rien qui donne envie de croire à une ville de demain.
Je vous le dis: cette campagne municipale est d’un ennui absolu. Et peut-être que le véritable problème, c’est que Montréal, plus que jamais, aurait besoin d’audace, mais qu’aucun de ceux qui aspirent à la diriger n’ose encore en offrir.