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Un bébé mammouth femelle de 130 000 ans passé au scalpel

AFP via Getty Images
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AFP

2025-04-24T10:00:00Z
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Découverte l’été dernier dans l’Extrême-Orient russe, Iana, un jeune mammouth femelle, pourrait être le spécimen le mieux préservé au monde. Des scientifiques russes tentent de percer ses secrets.

«Incision», «prélèvement»: dans ce laboratoire de l’Extrême-Orient russe, les mots et les gestes des scientifiques auraient toute leur place pendant une autopsie. Mais le corps qu’ils examinent est celui de Iana, âgée de 130 000 ans, un mammouth femelle découvert l’an dernier dans un état de conservation remarquable.

Préservée après des milliers d’années
Sa peau, à laquelle quelques poils s’accrochent encore, a gardé sa teinte grise tirant sur le brun. Sa trompe ridée est recourbée et pointe vers la bouche. Les orbites de ses yeux sont parfaitement reconnaissables et ses pattes rappellent celles de son cousin l’éléphant.

Cette nécropsie (autopsie pratiquée sur les animaux) «est l’occasion pour nous d’étudier le passé de notre planète», s’enthousiasme Artemi Gontcharov, le chef du laboratoire de génomique fonctionnelle et de protéomique des microorganismes à l’Institut de médecine expérimentale de Saint-Pétersbourg.

Iana semble avoir été épargnée par les outrages du temps pendant les milliers d’années où elle a reposé dans les entrailles glacées du pergélisol de la république russe de Sakha, une vaste région de Sibérie.

Avec 1,2 m de garrot, 2 m de longueur et 180 kg, Iana pourrait bien être le spécimen de mammouth le mieux préservé du monde, d’après les scientifiques russes. La nécropsie, réalisée par une demi-douzaine de chercheurs, à la fin du mois de mars au Musée du mammouth de Iakoutsk, la capitale régionale, prend des allures de pêche miraculeuse.

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À la découverte des microorganismes d’hier
Les effluves qui se dégagent du mammouth, dont l’espèce s’est éteinte il y a près de 4 000 ans, rappellent un mélange de terre fermentée et de chair macérée dans les sous-sols de Sibérie. «De nombreux organes et tissus sont très bien conservés, explique Artemi Gontcharov. Le tube digestif est partiellement préservé, tout comme l’estomac et des fragments des intestins, en particulier du côlon», énumère-t-il comme autant d’éléments à partir desquels les scientifiques peuvent prélever des «microorganismes anciens afin d’étudier leur relation évolutive avec les microorganismes actuels».

En combinaisons stériles blanches, le visage dissimulé derrière des lunettes et un masque, les zoologistes et biologistes s’affairent pendant plusieurs heures autour de la partie avant du pachyderme. Un scientifique découpe la peau de Iana à l’aide de ciseaux tandis qu'un autre pratique une incision dans la paroi intérieure avec un scalpel. Les tissus ainsi prélevés sont placés dans des flacons et des sacs hermétiques pour analyse.

Sur une autre table de nécropsie repose l’arrière-train du pachyderme, resté incrusté dans la falaise lorsque la partie avant est tombée en contrebas. Ici, les chercheurs tentent d’atteindre les organes génitaux du bébé mammouth [...] afin de comprendre quel type de microbiote l’habitait de son vivant», note Artiom Nedoloujko, directeur du Laboratoire de paléogénomique de l’Université européenne de Saint-Pétersbourg.

Des indices quant à son âge
«L’âge géologique» (correspondant à la période où elle a vécu), d’abord estimé à 50 000 ans, a été rectifié à «plus de 130 000 ans» avant aujourd'hui après l'analyse de la couche de pergélisol où elle a été retrouvée, explique Maxime Tcheprassov, directeur du Musée du mammouth à l’Université fédérale du Nord-Est de la Russie. Quant à son «âge biologique», «il est clair qu’elle avait plus d’un an (a moment de sa mort), car sa défense de lait est déjà sortie», poursuit-il. Reste à déterminer comment Iana est morte si jeune.

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Les risques biologiques du réchauffement climatique
À l’époque où Iana, une herbivore invétérée, broutait, «les humains n’étaient pas encore présents», dit-il, puisqu’ils sont apparus sur le territoire de la Sibérie moderne il y a entre 28 000 et 32 000 ans. Le secret de l’exceptionnelle conservation du mammouth réside dans le pergélisol. Ce sol reste gelé toute l’année et agit comme un gigantesque congélateur conservant les carcasses d’animaux préhistoriques.

Le corps de Iana a été découvert à la faveur de la fonte du pergélisol, un phénomène que la communauté scientifique attribue au réchauffement climatique. La recherche microbiologique permet d'en apprendre davantage sur les animaux comme Iana, mais aussi d'étudier les «risques biologiques» liés à la hausse des températures, explique le scientifique pétersbourgeois Artemi Gontcharov. Selon certaines hypothèses, note-t-il, la disparition du pergélisol «libère des microorganismes pathogènes» qui peuvent alors s'introduire «dans l’eau, les plantes, le corps des animaux et des humains».

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