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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

Un sénateur veut limiter l’utilisation de la clause dérogatoire par le gouvernement fédéral

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Photo portrait de Raphaël Pirro

Raphaël Pirro

2025-06-15T04:00:00Z
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Un sénateur proche des libéraux a déposé un projet de loi «provocateur» pour limiter le recours à la clause dérogatoire par le gouvernement fédéral, notamment en interdisant son utilisation de manière préventive.

«Il est devenu de plus en plus évident que, lorsqu’il est question de la Charte des droits et libertés des Canadiens, les gouvernements populistes préfèrent éviter tout compromis en invoquant la disposition de dérogation», a déclaré le sénateur de l’Ontario Peter Harder dans un discours livré au Sénat le 3 juin.

Le projet de loi de M. Harder, nommé par Justin Trudeau en 2016, ne se limite qu’au pouvoir du Parlement et ne porterait pas entrave au pouvoir des provinces.

Après avoir déposé une motion similaire au printemps, le sénateur a dit vouloir «transformer cette discussion en action» et a qualifié son projet de loi de «provocateur», espérant trouver écho aux Communes.

Son projet de loi prévoit aussi que le recours à la clause dérogatoire se fasse à condition que les deux tiers des députés aux Communes votent en ce sens.

Pour arriver à ses fins, M. Harder compte recourir à un article obscur de la constitution canadienne lui permettant de contourner le processus traditionnel beaucoup plus lourd de modification constitutionnelle.

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Le sénateur emploie la même ruse que le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, qui a créé la stupeur au Canada en modifiant la constitution par un simple vote de l’Assemblée nationale.

Cette modification a permis au gouvernement d’inclure dans la constitution une mention spécifiant que les Québécois forment une nation et que le français en est la seule langue officielle et commune.

«Le projet de loi du sénateur est assez chirurgical, souligne le professeur de droit constitutionnel Patrick Taillon. Il ne vise pas à empêcher le recours à la clause, mais seulement à en limiter les conditions d’application.»

Même si elle n’a jamais été employée par un gouvernement fédéral depuis le rapatriement de la constitution, au début des années 1980, le sénateur Harder a indiqué très clairement qu’il souhaitait faire barrage entre autres à Pierre Poilievre.

En campagne électorale, le chef conservateur avait laissé entendre qu’il pourrait avoir recours au mécanisme pour garantir l’application de sa réforme du Code criminel. Celle-ci vise notamment à rétablir les peines consécutives, considérées inconstitutionnelles par la Cour suprême.

«Même si la menace immédiate d’un recours à [la clause dérogatoire] au niveau fédéral s’est atténuée au cours des dernières élections, je dirais qu’il est encore plus nécessaire, dans le cadre de la présente législature, de mettre en place des restrictions avant qu’une autre menace ne se présente. Les vents politiques tournent, et nous devons nous y préparer», a commenté le sénateur.

Il croit que, si son initiative est fructueuse, «les provinces seront peut-être incitées à faire de même». «J’espère que les provinces verront les avantages de s’imposer des limites et réduiront la tyrannie de la majorité dans l’utilisation de la disposition de dérogation», a-t-il souligné.

M. Harder est très proche des libéraux. Il a été représentant du gouvernement au Sénat pendant quelques années, ce qui a fait de lui un invité régulier aux réunions du cabinet du gouvernement de Justin Trudeau.

Une porte-parole du leader parlementaire des libéraux a indiqué que le gouvernement ne ferait aucun commentaire avant que le projet de loi n’atterrisse en Chambre.

«Moi, à mon sens, ce n’est pas acceptable», a expliqué le porte-parole du Bloc Québécois en matière de Justice, Rhéal Fortin.

«Je pense que cette clause a son utilité. D’autre part, la constitution de 1982 telle qu’on la connaît n’existerait probablement pas si, à l’époque, Pierre Elliott Trudeau n’avait pas donné la clause nonobstant aux premiers ministres des provinces», a ajouté M. Fortin.

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