Un secret datant du 17e siècle


Marie-France Bornais
Pour son premier roman, best-seller en cours de traduction dans le monde entier, l’écrivaine britannique Emilia Hart s’est laissé porter par une fascinante histoire se déroulant en trois époques. La maison aux sortilèges, un roman captivant, mêle la fiction aux faits historiques.
Le roman tisse une trame entre l’histoire de trois femmes : Kate, qui fuit un conjoint violent en 2019 ; Altha, une experte en botanique qu’on accuse de sorcellerie en 1619 ; et Violet qui découvre un mystérieux médaillon au milieu de la Deuxième Guerre mondiale. Qu’est-ce qui les relie ?
Kate, une belle jeune femme prisonnière d’une relation toxique, fuit Londres pour se réfugier dans une maison délabrée dont elle a hérité d’une grand-tante qu’elle connaissait à peine. Elle tente de retrouver le calme et la paix intérieure, mais commence à soupçonner que la maison garde un secret soigneusement caché depuis l’époque de la chasse aux sorcières au 17e siècle.
Il se trouve que trois siècles plus tôt, une jeune femme prénommée Altha était très appréciée de son voisinage pour sa connaissance des simples – ces plantes servant à soigner différents problèmes de santé. Ce savoir médicinal lui était transmis de génération en génération depuis très longtemps. Régulièrement, les habitants du village venaient solliciter ses services. Pourtant, lorsqu’un fermier est piétiné par son troupeau, les soupçons se tournent vers elle et on l’accuse de sorcellerie. C’était en 1619.

Emilia Hart explique en entrevue qu’elle vivait dans le nord-ouest de l’Angleterre, dans le comté de Cumbria, au début de la pandémie. « Il s’agit de la région où se situe le roman. J’étais très inspirée par les magnifiques paysages et je me suis renseignée sur un pan sombre de l’histoire locale. Celui des procès pour sorcellerie de Pendle, qui se sont déroulés à Lancaster en 1612 », explique-t-elle.
« Alors que je me documentais à ce sujet, je lisais aussi des reportages sur la hausse des cas de violence envers les femmes au Royaume-Uni, pendant le confinement. Je voyais une poussée de misogynie et j’ai senti le besoin d’explorer cela davantage. J’aimais aussi le concept de la résilience féminine au fil du temps. »
Emilia Hart précise que le procès d’Altha qu’elle décrit dans son roman est fictif, mais inspiré par le procès de Pendle, qui est un des mieux documentés de l’histoire britannique. « C’était intéressant de trouver des sources, puis de constater les biais et la misogynie ambiante. »
Les croyances au sujet des femmes possédées par le démon étaient profondément ancrées dans les esprits, a-t-elle pu constater à travers les écrits de l’époque.
Des échos dans notre société
Emilia Hart fait remarquer que dans la société actuelle, il n’y a plus de chasse aux sorcières, mais elle observe les contrecoups du mouvement féministe et du mouvement #MeToo.
« On a le sentiment d’avoir progressé. Il n’y a plus de procès pour sorcellerie. Mais j’ai le sentiment que c’est très difficile pour les femmes de prendre la parole pour dénoncer leur souffrance et ça peut aussi devenir dangereux. Les choses peuvent changer rapidement. »
Kate, dans le roman, quitte un partenaire contrôlant. « C’est assez choquant, quand on discute avec des amies, d’apprendre que plusieurs d’entre elles ont connu ce genre d’expérience : contrôle, abus physique ou émotionnel. C’est commun. C’est ça qui est très triste. »
EXTRAIT
« Les deux juges étaient perchés sur un banc en hauteur, comme des créatures célestes et non des êtres de chair et de sang, à notre image. Ils me firent l’impression de deux gros scarabées, avec leurs robes noires, leurs mantes bordées d’hermine et leurs étranges coiffes noires. Le jury siégeait sur le côté. Douze hommes. Aucun n’osa me regarder dans les yeux, à l’exception d’un personnage à la mâchoire carrée et au nez tordu. Son regard était doux – attendri par la pitié, peut-être. Je ne pus le supporter et me détournai. »